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"Il y a eu dans l’Histoire des cas où l’enseignement des grands révolutionnaires a été dénaturé après leur mort. On en a fait d’inoffensives icônes, mais, en honorant leur nom, on a émoussé la pointe révolutionnaire de leur enseignement".  

Lénine

 

 

Si cette remarque de Lénine peut être appliqué à plusieurs révolutionnaires, il en est un pour qui cela est évident et c'est Nelson Mandela.

Le leader de l'ANC (African national congress) dirigea le mouvement de libération du peuple d'Afrique du Sud en luttant contre l'apartheid. Jeune avocat il adhère à l'ANC en 1943. Influencé par le marxisme il rejoint le parti communiste (SACP). Il devient l'un de dirigeants du mouvement de libération.

En 1961, après le massacre de Sharpeville, les dirigeants du SACP et de l'ANC ont formé un corps militaire, Umkhonto we Sizwe (MK, Lance de la Nation), comme organisation politico-militaire de lutte armée contre l'État d'apartheid.

Le haut-commandement de MK est confié à Nelson Mandela (ANC) et à Joe Slovo (parti communiste). Le Umkhonto we Sizwe installe des camps dans des pays amis et reçoit le soutien de l'Union Soviétique et des pays socialistes.

 

Après les manifestations de Soweto, le massacres des enfants et des jeunes par la police et de l'énorme mobilisation qui l'accompagne (grèves et manifestations dans tout le pays), la répression est brutale : on estime à 700 morts les victimes de la répression militaro-policière du régime d'apartheid.

Mais celle-ci renforce la guérilla qui multiplie ses actions que le régime d'apartheid qualifie de "terroristes". Les États-Unis et la Grande-Bretagne désignent à leur tour l'ANC comme "terroriste".

En 1987 Slovo est remplacé à la tête de la guérilla par Chris Hani. Ce dernier, qui devient secrétaire général du SACP en 1991,  sera assassiné en 1993 par des militants d'extrême-droite.

 

MK suspend ses actions armées en août 1990 parallèlement à la libération de Mandela et la fin du régime d'apartheid.

Rappelons que ce n'est qu'en juin 2008 que l'ANC a été retirée des organisations terroristes par les États-Unis. 

 

Umkhonto we Sizwe. Il expliquait : Nous avions utilisé toutes les armes non-violentes de notre arsenal — discours, délégations, menaces, arrêts de travail, grèves à domicile, emprisonnement volontaire —, tout cela en vain, car quoi que nous fassions, une main de fer s’abattait sur nous. Un combattant de la liberté apprend de façon brutale que c’est l’oppresseur qui définit la nature de la lutte, et il ne reste souvent à l’opprimé d’autres recours que d’utiliser les méthodes qui reflètent celles de l’oppresseur. À un certain moment, on ne peut combattre le feu que par le feu.

La violence révolutionnaire répond à la violence de l'ordre établi. La violence révolutionnaire n'a pour but que l'abolir les conditions qui génèrent la violence et de protéger les victimes de la violence contre-révolutionnaire. La violence révolutionnaire s'inscrit dans un contexte lui-même violent, elle n'est jamais le premier choix des révolutionnaires, ce sont les circonstances qui la rendent nécessaire. Les victimes innocentes sont, disait encore Mandela, "le prix à payer, toujours élevé" car "l’erreur humaine est toujours un élément de la guerre". Ces tragédies sont, poursuit-il, "les conséquences inévitables de la décision prise de se lancer dans la lutte armée". 

Mandela fait un choix stratégique : "Si la manifestation pacifique ne rencontre que la violence, son efficacité prend fin. Pour moi, la non-violence n’était pas un principe moral mais une stratégie. Il n’y a aucune bonté à utiliser une arme inefficace."

Il ajoute encore "Mes résolutions ont été le fruit d’une calme et sobre appréciation d’une situation politique engendrée par des années de tyrannie, d’exploitation et d’oppression de notre peuple par les Blancs."

 

La personnalité de Nelson Mandela est exceptionnelle et son action fut déterminante dans la chute du régime d’apartheid en Afrique du Sud, celles de ses camarades et du peuple sud-africain aussi. Mais en faire un partisan de la non-violence est non seulement un énorme mensonge factuel, c'est une opération visant à blanchir Mandela. Visant à nier ce qu'il fit et ce qu'il fut, un militant et un dirigeant révolutionnaire conséquent et cohérent. 

Mandela a estimé que la résistance par les armes à un pouvoir injuste et violent était légitime.

 

La manière dont il géra la situation en 1990 et à partir de 1994 quand il fut élu président de l'Afrique du Sud montre qu'il a toujours su faire "l'analyse concrète d'une situation concrète". Le rapport des forces international avait totalement changé avec l'effondrement de l'Union Soviétique et le passage au capitalisme de la Chine. Mandela et ses camarades n'avait pas d'autre choix que de trouver un compromis, le plus favorable possible. C'est ce qu'ils firent.

Aujourd'hui 10 % de la population possède plus de 80 % des richesses, selon un rapport de la Banque mondiale datant de 2022. Ce rapport indique que la race reste un facteur clé de l'inégalité économique. La population blanche minoritaire a conservé la plupart des richesses acquises pendant l'apartheid.

Cela veut-il dire que le compromis passé par Mandela était mauvais ? Le résultat semblerait le confirmer. Mais est-ce aussi simple ? Le but, compte tenu du réel,  n'était-il pas de créer une situation politique qui permette de mener la lutte des classes dans des conditions plus favorables que sous le régime d'apartheid ? N'oublions pas ce que disait Nadia Kroupskaïa "Pour nous, marxistes, la vérité est ce qui correspond à la réalité." Or Mandela en 1990 s'est trouvé face à une situation objectivement très difficile tant sur le plan international, on l'a dit plus haut, que sur le plan interne avec une fraction fasciste qui n'acceptait pas la nouvelle donne et multipliait les provocations.

Toujours est-il que désormais des forces émancipatrices peuvent s'organiser et mener le combat politique dans un cadre que nous désignerons de démocratique pour aller vite. Des forces comme le SACP, les Combattants pour la liberté économique (EFF) et le syndicat COSATU (au moins pour une partie de celui-ci) peuvent et doivent mener la lutte pour poursuivre le combat de Nelson Mandela, de Chris Hani, des femmes et des hommes de Umkhonto we Sizwe.

 

Sur l'histoire de Umkhonto we Sizwe vous pouvez regarder un documentaire d'Osvalde Lewat rendant hommage aux héros de la lutte contre l’apartheid.

 

 

Antoine Manessis

 

* Mac Maharaj, ancien dirigeant de MK

 

 

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