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Il y a 70 ans, entre le 13 mars et le 7 mai 1954, se déroulait la bataille de Dien Bien Phu.
Elle opposait l'armée française et l'armée vietnamienne de libération (armée du peuple vietnamien, APV) sous le commandement de Vo Nguyen Giap. Armée du front de libération du Vietnam, le Viet Minh (la Ligue pour l'indépendance du Viêt Nam) dirigé par Ho Chi Minh.
Elle s'acheva par une écrasante et humiliante défaite pour l'impérialisme et le colonialisme français.
Cette victoire du peuple et du parti communiste vietnamien qui avait uni toutes les forces patriotiques fut historique. Au moins à deux égards.
1 - Elle obligea le gouvernement français à signer les Accords de Genève sur l’Indochine et à reconnaître l’indépendance du Vietnam après 8 années d'une lutte héroïque du peuple vietnamien contre une armée coloniale d'occupation d'une sauvagerie extrême. La guerre de résistance antifrançaise venait à bout d'une armée française puissante et moderne qui bénéficiait de l'aide matérielle et logistique des Etats-Unis.
2 - Cette victoire retentissante a galvanisé les autres peuples opprimés dans leur lutte la libération et l’indépendance nationale. Dans le monde entier les peuples voyaient un impérialisme d'une métropole capitaliste mettre genoux à terre devant le peuple d'une colonie, du Tiers-Monde.
La domination et l'arrogance des colonisateurs, de sa soldatesque barbare, des exploiteurs esclavagistes du peuple vietnamien, les pilleurs des richesses du Vietnam furent anéanties à Dien Bien Phu. L'humiliation de la France qui se croyait encore un empire fut à la hauteur de son incapacité à saisir le monde nouveau qui était caractérisé par la généralisation du mouvement de libération des peuples colonisés.
En Algérie Dien Bien Phu fut un encouragement équivalent à Stalingrad pour les résistances antifascistes durant la Seconde Guerre mondiale. La victoire de l’APV prouvait que les soldats d’une armée non européenne, issue très largement de la paysannerie et commandée en chef par un général qui n’avait jamais fait de grande école militaire, pouvait l’emporter sur l’armée moderne d’une puissance coloniale européenne, malgré l’aide matérielle et financière importante que la France recevait des États-Unis. Outre Ho Chi Minh, Vo Nguyen Giap, principal artisan de la "guerre du peuple" et de la victoire à Dien Bien Phu, est aussitôt devenu l’un des référents majeurs pour les nationalistes d’Afrique du Nord et les futurs responsables du FLN algérien. Frantz Fanon écrit qu'après Dien Bien Phu, le Vietnam est devenu leur "territoire-guide".
C'est un vent d'enthousiasme qui a soufflé sur les trois continents colonisés, l'Asie, l'Afrique et l'Amérique Latine. En Tunisie la victoire vietnamienne est célébrée dans les quartiers populaires. Les femmes confectionnent un plat qui prend le nom de tajine Dîen Bîen Phu. Comme le dit justement l’historien Alain Ruscio (Dîen Bîen Phu, le Valmy des peuples colonisés, l’Humanité du 9 mai 2014): "Les colonisés, eux, ne s’y sont pas trompés. Tous les témoignages attestent que, dans les autres colonies alors dominées par la France, la joie éclata."
L'Haïtien René Depestre écrit : "le brillant réveil des peuples d’Amérique latine, avec Cuba à l’avant-garde, suit la brillante trajectoire de Dien Bien Phu".
Jean Pouget, ancien officier du corps expéditionnaire, lucide, écrit : "Dien Bien Phu est devenue le 14 juillet de la décolonisation".
En France le Parti communiste français fit preuve d'un internationalisme exemplaire malgré une répression d'Etat très violente. Les communistes mènent en véritable lutte anticolonialiste de masse et de longue durée. Les communistes français ont catalysé l'opinion française hostile à la "sale guerre" et ont fini par provoquer l'apparition graduelle d'un courant important dans l'opinion en faveur de la paix en Indochine et cela contre (déjà) des médias bellicistes, racistes et boutefeux.
Enfin on ne peut pas parler de la victoire de Dien Bien Phu sans rappeler l'aide apportée par l'Union Soviétique et la Chine, alors pays socialistes, à la lutte de libération vietnamienne. Et la victoire en 1975 de ce même peuple vietnamien contre le plus puissant impérialisme du monde, celui des Etats-Unis.
Les Françaises et les Français internationalistes, de gauche, anticolonialistes, anti-impérialistes ne peuvent que saluer avec reconnaissance cette grande victoire, véritablement historique, du peuple vietnamien qui est une victoire de tous les peuples du monde.
Antoine Manessis