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A moins de 15 jours du premier tour de la présidentielle un véritable scandale secoue la Macronie.

Le "McKinsey gate". De quoi s'agit-il ? De la place qu'ont pris les cabinets de conseil sur les politiques publiques. Ces entreprises privées vendent à des gouvernements ou à d'autres entreprises des recommandations dans des domaines très variés.

McKinsey, surnommé "La Firme", est un cabinet de conseil international présent dans 65 pays dans le monde, avec environ 30 000 salariés, c'est une entreprise étasunienne. Son siège est dans l'Etat du Deleware, l'Etat de Joe Biden, le nouveau président des Etats-Unis. 

Un rapport du Sénat rendu public le 17 mars explique que ces cabinets sont "au cœur des politiques publiques". Les dépenses de conseil ont été de 1 milliard l'an dernier. On sait qu'un rapport de McKinsey avait aussi été réalisé pour préparer la réforme des retraites "On sait qu'il y a un PowerPoint et un petit carnet de 50 pages. Pour une prestation à 950 000 euros, ça fait cher la page" a déclaré la sénatrice Eliane Assassi (PCF).

De plus "Le cabinet McKinsey est bien assujetti à l'impôt sur les sociétés en France mais ses versements s'établissent à zéro euro depuis au moins dix ans, alors que son chiffre d'affaires sur le territoire national atteint 329 millions d'euros en 2020, dont environ 5% dans le secteur public, et qu'il y emploie environ 600 salariés", expliquent les parlementaires. Le montage serait un "exemple caricatural d'optimisation fiscale", selon les sénateurs. 

Pour Jean-Luc Mélenchon "ça suffit les cabinets privés comme McKinsey qui donnent des conseils inutiles et ne paient pas d'impôts en France".

La Macronie tente de réagir. Ainsi Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement a déclaré  "Les cabinets de conseil doivent être sollicités dès lors que c'est pour des compétences qu'on ne trouve pas au sein de l'Etat​". Etonnant que parmi les fonctionnaires ces compétences ne se trouvent pas...

Emmanuel Macron lui-même, qui a semblé très agacé par cette affaire, a déclaré "On a l'impression qu'il y a des combines, mais c'est faux. Aucun contrat n'est passé dans la République sans qu'il respecte la règle des marchés publics. Que quiconque a la preuve qu'il y a manipulation mette le contrat en cause au pénal." 

Reste que l’État aurait payé plus d’un milliard d’euros en 2021 à ces cabinets privés, un montant en nette augmentation par rapport aux années précédentes. De la santé à la défense, en passant par la justice et l’éducation, mais aussi l’économie ou les affaires étrangères, pas un ministère n’a échappé au déferlement des consultants. Une estimation "minimale" selon Caroline Michel-Aguirre, journaliste à L'Obs, co-autrice de “Les Infiltrés. Comment les cabinets de conseil ont pris le contrôle de l’État” avec Matthieu Aron.

Cette déferlante de cabinets de conseil a pris son essor dans les années 1980 dans la Grande Bretagne de Margaret Thatcher et les États-Unis de Ronald Reagan. C'est un des symptômes du triomphe du néolibéralisme qui part du principe que le privé c'est mieux que le public, que la privatisation ou l'application des modes de fonctionnement du privé dans les services publics permettent de meilleurs résultats. Macron, qui est la quintessence chimiquement pure de cette démarche, n'a fait qu'amplifier celle-ci engagée par Sarkozy et Hollande. 

Dernière mission en date du cabinet McKinsey : la logistique de la vaccination contre le Covid-19 en France. Le rôle de la société a été révélé cet hiver par Le Canard Enchaîné et le site Politico.  Pourquoi donc l'Etat fait-il appel à un cabinet de conseil pour cette mission alors qu'il dispose de nombreuses administrations dans le domaine de la santé ? Pressé de questions devant la commission des Affaires sociales de l'Assemblée le ministre de la Santé, Olivier Véran, se contentera de répondre : "Il est tout à fait classique et cohérent de s'appuyer sur l'expertise du secteur privé". Tiens donc.

Il faut dire qu'entre Macron et McKinsey c'est une belle histoire qui remonte à 2007. Macron est alors rapporteur général adjoint de la commission Attali, dont le rôle était de proposer des réformes économiques au président Sarkozy. Emmanuel Macron impressionne l'assistance. Parmi les membres présents : Eric Labaye, alors dirigeant de McKinsey en France et un jeune de McKinsey particulièrement brillant, Karim Tadjeddine. 

Ministre de l'Economie de François Hollande, Emmanuel Macron ambitionne de devenir président de la République. En avril 2016, il crée En marche. Au cours de l'été, des groupes de travail sont déjà sur pied. Une dizaine de salariés de McKinsey réfléchissent à des propositions sur l'économie ou les grands dossiers régaliens.

Une fois Emmanuel Macron élu en 2017, de jeunes consultants de McKinsey rejoignent le pouvoir : directeur adjoint du cabinet du secrétaire d'Etat au Numérique, chef du "pôle projets" de la République en Marche, directeur général de la République en Marche. Éric Labaye, le dirigeant de McKinsey qu'Emmanuel Macron avait rencontré en 2007, a été nommé président de Polytechnique par Emmanuel Macron en août 2018. De son côté, l'ancien patron des Jeunes avec Macron, Martin Bohmert, a rejoint le cabinet McKinsey en 2020...L'osmose entre les cadres supérieurs du cabinet de conseil et les dirigeants de la Macronie fait plaisir à voir.

D'autant que Macron a créé une direction interministérielle à la transformation publique (DITP). pour superviser toutes les missions commandées par l'Etat aux cabinets privés afin d'empêcher "toute position dominante d'un cabinet de conseil" (sic). C'est dans ce cadre que le marché de la logistique du plan de vaccination a été attribué. L'interlocuteur de la DITP chez McKinsey ? Karim Tadjeddine...le si brillant intervenant de la Commission Attali.

L'enquête du Monde indique que le cabinet McKinsey "rend quelques services à la présidence de la République" gratuitement. En 2018, il était intervenu au sommet de la tech dans lequel Emmanuel Macron avait invité les patrons de Facebook, Google ou Uber. Touchant.

 Sans doute rien qui tombe sous le coup de la loi puisque la loi est faite par et pour le capital et ses fondés de pouvoir. Mais ô combien révélateur de ce qu'est le capitalisme et ses modes de fonctionnement.

 

Antoine Manessis.

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