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En 1979, Thomas Sankara vient de fêter ses trente ans. Il est impressionné par ce qui se passe au Ghana. Dans ce pays anglophone frontalier, un jeune officier tiers-mondiste, Jerry Rawlins, vient de réaliser un coup d’État qui a chassé la clique au pouvoir, met en place un gouvernement d’experts et lance une politique de lutte contre la corruption. Thomas Sankara regroupe alors autour de lui quelques officiers, au sein d'une structure informelle et clandestine : le ROC, Rassemblement des Officiers Communistes. Blaise Compaoré, le frère de cœur de Thomas Sankara, en fait partie, avec deux autres capitaines. Dans quelques mois, les quatre hommes déclencheront la révolution. 

Le 25 novembre 1980, un coup d'État militaire, fomenté par de hauts gradés, surprend tout le monde et renverse le président de la République voltaïque sans effusion de sang. Le colonel Saye Zerbo prend le pouvoir et met en place un Comité Militaire de Redressement pour le Progrès National, le CMRPN. Thomas Sankara est nommé en septembre 1981 secrétaire d’État à l’information, où il s’emploie à créer les premiers médias indépendants auxquels il confie la mission particulière de pouvoir enquêter librement, et de dénoncer la corruption.


Un an plus tard, en avril 1982, Sankara quitte son poste. Les syndicats mobilisent, les grèves s’installent, la répression s’emballe, les leaders sont arrêtés..."Il n’y a pas de cinéma sans liberté d'expression et il n’y a pas de liberté d'expression sans liberté tout court. Malheur à ceux qui bâillonnent le peuple." déclare Thomas Sankara qui devient aussitôt immensément populaire. Les colonels au pouvoir le font arrêter, puis placer en résidence surveillée. Seul Blaise Compaoré échappe au coup de filet, il devient alors le coordinateur de la rébellion.

Le 7 octobre 1982, un nouveau putsch a lieu. Mal préparé. Face au chaos, Sankara impose aux putschistes la création d’un organe représentatif des différentes factions de l’armée. Un Conseil de Salut du Peuple apparaît dans la nuit du 7 novembre 1982. Ouédraogo est nommé président de la République et désigne Thomas Sankara comme Premier ministre. Sankara profite de son statut pour se faire connaitre à l’étranger. Il va en Chine et en Corée du Nord, et s’impose au Sommet des non-alignés organisé à New Delhi en mars 1983, devant vingt-neuf chefs d’État d’Afrique et d’Asie. Fidel Castro pour Cuba et Daniel Ortega pour le Nicaragua s’affichent ostensiblement à ses côtés.  Six mois plus tard, Thomas Sankara prendra le pouvoir et lancera la révolution burkinabé.

 Les capitaines Thomas Sankara, Blaise Compaoré, Henri Zongo, et le commandant Jean-Baptiste Lingani sont les hommes forts de l'opération. Ils ont à leurs côtés les deux partis révolutionnaires influents de la capitale : l’Union des Communistes Voltaïque, de tendance maoïste, et le Parti de l’Indépendance Africaine, tiers-mondiste. Les militaires partagent avec eux les postes gouvernementaux. Un réseau qui se substitue à l’organisation préfectorale : les CDR, comités de Défense de la Révolution, sur le modèle cubain, mais sans inféodation à un parti. Élus par chaque village, chaque unité territoriale, les CDR vont devenir la courroie de transmission entre le pouvoir central et la population. Et incarner la révolution sankariste au quotidien. Thomas Sankara envoie aussitôt les premiers signes du changement : il vend toutes les Mercedes réservées aux ministres, qu'il remplace par des R5, lance des chantiers populaires aux quatre coins du pays pour construire les premiers logements sociaux et impose à la population la pratique du sport une demi-journée par semaine. Le 4 août 1984, la République de Haute-Volta devient le Burkina Faso. Ce nouveau nom découle d'un désir d'indépendance et de souveraineté.

Très vite, un discours féministe est relayé par le nouveau pouvoir. Thomas Sankara lui-même n'a de cesse de dénoncer le poids des traditions, la gérontocratie et la domination mossie sur le reste de la population. Il s’attaque à la polygamie, à l’excision, aux mariages arrangés. Il impose des jours de marché interdits aux femmes pour obliger les hommes, une fois par semaine, à faire les courses eux-mêmes. Il coupe le salaire des fonctionnaires en deux, la deuxième moitié étant dorénavant versée à leurs épouses, pour leur donner les moyens de leur émancipation. Des orchestres de femmes sillonnent le pays pour mobiliser le moindre village et lancent des slogans, repris à l’unisson : "À bas les maris violents ! à bas les mâles dominants !"

Une grande politique sociale et de modernisation dans tous les domaines est mise en place. La réussite est totale en cette première année de pouvoir.

Mais en 1986 les choses se dégradent. Par exemple le problème avec le PAI (Parti africain de l’Indépendance) est l’une des trois composantes du gouvernement et du Conseil National de la Révolution. Héritier des combats entre groupes  gauchistes, le PAI accompagne Sankara depuis le début, en espérant bien prendre le contrôle de la révolution et renvoyer Sankara, les capitaines et leur armée dans leurs caserne...

Mais surtout l'impérialisme français et ses marionnettes en Afrique, comme Houphouët-Boigny, ont peur du rayonnement de Sankara chez les travailleurs et les jeunesses d'Afrique. C'est Blaise Compaoré, le meilleur ami de Sankara, qui va être acheté par l'impérialisme. Il organise, sans doute avec l'aide des impérialistes, l'assassinat du leader de la révolution burkinabée. Thomas Sankara tombe le .

Quand, en 2014, Compaoré sera renversé par un mouvement populaire ce sont des soldats français, envoyés par le président de la République François Hollande, qui vont l'exfiltrer vers la Côte d'Ivoire. Pour service rendu.

Les dirigeants français à l'époque de l'assassinat de Sankara étaient François Mitterrand et Jacques Chirac. On a beaucoup soupçonné Jacques Foccard, l'homme de la Françafrique, d'avoir joué un rôle dans cette affaire...il est vrai qu'on ne prête qu'aux riches. 

Le procès contre Compaoré (qui a été condamné à perpétuité par contumace la Côte d'Ivoire ayant refusé de l'extrader) n'a rien appris sur l'implication précise de la France dans l'assassinat du révolutionnaire africain même si elle ne fait aucun doute.

De nos jours Thomas Sankara reste pour beaucoup d'Africains, le symbole d'une Afrique émancipée, souveraine et libre, révolutionnaire et socialiste.

 

NBH

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