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                                               Erich Honecker et Deng Xiaoping

 

 

Erich Honecker a dit, de manière audible pour toutes les personnes présentes : "Oui, il aurait été préférable que nous nous orientions vers la Chine".

C'est le major-général Heinz Geyer, directeur adjoint et chef d'état-major de la HVA (le renseignement Est-Allemand) qui raconte cela.

La phrase aurait été prononcée par Honecker en 1989. 

Honecker avait rencontré Deng Xiaoping à Pékin en 1986. Au moment où le PCUS commençait à Moscou la Perestroïka.

On peut être surpris par cette réflexion d'Erich Honecker qui passe pour un communiste "pur et dur". Mais quand le bateau coule même les "purs et durs" se demandent comment ils auraient pu échapper au naufrage.

Que les grands principes s'envolent quand le couperet de l'histoire s'apprête à tomber, on peut le comprendre. Certains autres, au lieu de constater la mutation capitaliste en Chine, ont pu prendre la vessie pour une lanterne et "le socialisme de marché" chinois pour le socialisme. Ou en tous les cas pour une variante chinoise et à long terme de la Nouvelle Politique Economique (NEP) soviétique.

Survivre était la question qui se posait alors aux Bolchevicks après le "communisme de guerre". Lénine avec son pragmatisme à toute épreuve fit ce choix audacieux de la NEP qu'il ne cachait pas être un recul. NEP qui ne convainquit pas d'ailleurs tous ses camarades. Et qui fut abandonnée quand la priorité vitale de l'industrialisation à marche forcée fut adoptée.

Survivre était aussi probablement la problématique des Chinois. Déjà du temps de Mao-Tsé-toung les intérêts de grande puissance avaient pulvérisé les considérations idéologiques. L'alliance avec les Etats-Unis, la guerre contre le Vietnam, le soutien à l'Unita en Angola et à Pinochet au Chili, la dénonciation du PCP de Cunhal comme "social-fasciste" et de l'URSS comme "social-impérialiste" démontrent amplement, malgré les constructions théoriques bancales et les justifications pseudo-idéologiques, combien la Chine était prête à rompre avec le communisme pour défendre ses intérêts nationaux. 

Quand les Chinois ont vu se pointer l'échec historique de l'URSS, ils n'ont pas hésité à effectuer un virage à 180° et à rétablir le capitalisme. Mais le Parti communiste chinois, contrairement à la débandade russe, l'a fait lui-même. Ce qui préservait à la fois les intérêts de la bureaucratie comme force dirigeante et permettait un compromis avec la bourgeoisie chinoise (avec laquelle l'osmose était en cours et l'est encore) et évitait l'implosion à la soviétique.

Non seulement cela mais, cerise sur le gâteau, la voie capitaliste étatiste-autoritaire fit de la Chine la deuxième puissance mondiale, imposant sa puissance partout où elle le pouvait et lui permettant de maîtriser certains processus capitalistes en y introduisant (modérément) quelque considérations stratégiques de long terme.

Survivre. Honecker ne le put. Mais sa rencontre avec Deng lui fit sans doute admettre que la voie chinoise au capitalisme aurait permis de sauver les meubles. Qui sait même si le vieux communiste allemand ne finit pas par s'auto-persuader que la NEP pour un ou deux siècles était révolutionnaire? La capitalisme anti- capitaliste en somme.

Comme quoi même les dogmatiques sont parfois capables d'une certaine espèce de dialectique.

Après que des camarades en mal d'incarnation de leur foi, ici et maintenant, et après les rudes leçons du XXe siècle, finissent par y croire...Mystère et boule de gomme.

 

 

Antoine Manessis. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* https://a-contre-air-du-temps.over-blog.com/2022/06/l-entretien-d-erich-honecker-avec-deng-xiaoping-en-1986-presente-par-l-historien-siegfried-prokop.html

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