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                   Rassemblement à Athènes pour le OXI (le NON) au référendum le 3 juin 2015

 

https://www.contretemps.eu/parcours-militant-melancolie-gauche-stathis-kouvelakis/

 

Statis Kouvélakis est un universitaire et militant marxiste, actuellement membre de Laïki Enotita (Unité Populaire), en 2022, il a signé l'appel des 800 universitaires en soutien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon.

C'est en tant que "militant de la gauche radicale et communiste" qu'il a écrit le texte dont nous vous proposons la lecture, intitulé: Au-delà de la mélancolie de gauche : réflexions sur un parcours militant. Publié dans la revue de critique communiste Contretemps.

Kouvélakis part de ses propres expériences militantes en Grèce, puis en France à partir de 1983. Il note combien les situations des deux pays, l'ambiance politique, étaient différentes. Il décrit pour la France les années 1980 comme celles du "grand reflux sur tous les plans". Il nuance ce point du vue en soulignant que "même pendant les périodes de défaite, la lutte des classes continue !" Et que "même dans les moments de reflux, l’histoire n’est pas écrite d’avance et que "il y a toujours des bifurcations et des occasions pour les forces de l’émancipation populaire."

Pour illustrer son propos il cite la lutte du mouvement étudiant de novembre-décembre 1986 qui montra que la France reste "un pays où la contestation du modèle néolibéral a été forte" et où des conquêtes sociales ont été mieux préservé qu'ailleurs.  Réfléchissant sur ce qui fait qu'un mouvement "prenne", il remarque "qu'en fin de compte, c’est toujours l’adversaire qui crée les conditions pour qu’une action collective prenne corps. Ce sont les classes dominantes qui provoquent les révolutions". Mais "les luttes sociales ont donc une efficacité réelle mais, à elles seules, elles ne suffisent pas à changer les coordonnées d’une situation ; pour cela il faut une alternative politique."

Puis il nous parle de son implication (2010-2015) au "printemps grec" qui s’est soldée par "une défaite proprement écrasante."  Il s'interroge: "Se posent dès lors les questions incontournables en la matière : pourquoi les choses se sont-elles passées ainsi ? L’issue était-elle inévitable ? Où se trouvent les responsabilités ?" Pour Kouvélakis "deux points sont à cet égard essentiels. Le premier, c’est qu’il fallait prendre au sérieux l’affrontement avec l’Union européenne et ses instances.../... Le deuxième point, c’est qu’un plan de rupture, souvent appelé « plan B », devait s’appuyer sur la mobilisation populaire et, à son tour, la stimuler."  Lors du référendum du 5 juin 2015 les Grecs ont dit « non » aux diktats de l'UE, mais "leurs dirigeants avaient déjà renoncé et ce renoncement a complètement désorganisé le camp populaire et l’a entraîné vers la déroute". Kouvélakis considère qu'à partir de cette défaite du printemps grec, "la colère populaire en Europe est captée de façon croissante par les forces de la droite radicale et de l’extrême-droite"

A notre sens Kouvélakis se centre trop sur la question européenne. C'est la désertion de la gauche des positions de gauche (sur l'UE mais aussi sur tous les sujets sociaux, économiques, idéologiques, géopolitiques...) qui permet à l'extreme-droite de "capter" une partie de la colère populaire.

Pourquoi Syriza a-t-il prit peur ? Kouvélakis a une hypothèse "la direction de Syriza, composée de cadres relativement âgés (et, de façon écrasante, d’hommes), issus.../... du Parti communiste grec. Ce sont des gens marqués par la défaite de la gauche communiste du "court vingtième siècle" et qui, pour la plupart, l’avaient intériorisé". Même Tsipras "avait fait ses premiers pas militants au tout début des années 1990 dans les rangs de la KNE." Pour lui Tsipras "n’avait pas compris, car il ne voulait pas et, en un sens, ne pouvait pas comprendre, qu’en face de lui, il avait des adversaires littéralement prêts à tout, déterminés à l’écraser pour en faire un exemple, montrer qu’aucune autre politique n’était possible au sein de l’Union européenne."

Nous sommes très sceptiques sur ce point. Non sur la partie historique qui nous parait au contraire fine et juste. Mais sur la sous-estimation de l'adversaire : ni Tsipras, ni personne ne pouvait se tromper. D'ailleurs c'est contradictoire avec ce que dit Kouvélakis: la direction de Syriza n'aurait pas eu peur si elle ne savait pas à qui elle avait à faire. Quand on subit comme le peuple grec prêt de 40 ans de dictature ça rend (trop?) prudent mais ça ne rend pas naïf...

Kouvélakis conclue ainsi " toute force politique de gauche qui prétend mettre en œuvre une politique de rupture avec le néolibéralisme et qui n’explique pas pourquoi et comment elle ne ferait pas comme Syriza et Tsipras en 2015  ne mérite pas une minute d’attention."

Comment mener cette lutte ? Kouvélakis propose: "Il faut une organisation digne de ce nom, doté d’un véritable ancrage au niveau local et national, avec une présence dans les quartiers populaires, là où les hommes et les femmes des classes exploitées et dominées vivent et travaillent. Il faut des liens solides avec le mouvement syndical, avec le mouvement social, avec des formes associatives et de participation directe… Tout un maillage est à construire pour pouvoir effectivement compter sur la mobilisation populaire."

Sur ce point nous le rejoignons. Nous avons écrit il y a quelques jours un papier sur cette question qui est centrale (Ne pleurez pas organisez vous! NBH 16 juillet).

 De plus il propose une perspective d'un projet à long terme où "des mots comme ceux de « socialisme » ou d’« écosocialisme » sont importants". Pourquoi pas ? Mais ce ne sont pas les mots qui nous semble essentiel mais la conviction dans les masses qu'une alternative est possible, crédible.

Il met en garde toute naïveté à l'égard de la bourgeoisie "On a également entendu un philosophe et ancien ministre de l’Éducation appeler les policiers à faire usage de leurs armes contre les manifestants. Une déclaration qui témoigne parfaitement de l’« ensauvagement » en cours de la bourgeoisie française ! Si cette classe se sent menacée, nul doute qu’elle ira jusqu’au bout pour mater un peuple qu’elle sait indiscipliné, enclin à la révolte".

Juste remarque mais qui n'est pas un scoop. La question étant on fait quoi face à cette disposition d'esprit de la bourgeoisie ? On promeut la Dictature du Prolétariat ? Ou on tente de constituer un rapport de forces qui permette d'envisager l'isolement de l'adversaire et sa neutralisation par le combat de masse ? 

Prétendre que la lutte armée est inéluctable en dehors de son hypothèse concrète est politiquement irresponsable. Imaginons un député de la FI qui dirait que l'affrontement violent avec la bourgeoisie est inéluctable? Il serait crucifié et anéanti en l'espace de 24 heures. Le sens de l'opportunité n'est pas de l'opportunisme.

Kouvélakis conclue en référence à Gramsci : "il faut donc commencer par un effort de construction plus durable d’organisation et de convergence de ces mouvements sociaux, convergence qui n’a rien de spontané et qui ne peut être que le fruit d’un travail patient. Et ce front social doit être en interaction avec un front politique, ce sont les deux jambes sur lesquelles s’appuie une stratégie de "guerre de position".

En effet et nous en sommes loin. Mais il faut saluer, à l'heure où un gouvernement néo-fasciste est envisageable à Rome, le travail politique remarquable de Mélenchon et ses camarades qui ont , on ne le répétera jamais assez, sauvegarder une espace politique de gauche en France.

Bref un texte passionnant qui expose les problématiques de la gauche de transformation. Kouvélakis nous fait aussi des propositions incontournables. Reste qu'entre l'exposé théorique et sa traduction concrète il a la politique et que celle-ci est la résultante de toutes les forces en confrontation. Kouvélakis l'écrit mais il n'en tient pas suffisamment  quand il rappelle "la logique impitoyable qui découle des rapports de force existants finit toujours par s’imposer".

https://www.contretemps.eu/parcours-militant-melancolie-gauche-stathis-kouvelakis/

 

 

Antoine Manessis.

 

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