Projet mondial pour la paix et la justice (2 et fin)

18 Décembre 2020

Certains des comptes rendus de vos dirigeants ont une certaine attitude dérisoire à l'égard des questions internationales - «Jeremy s'intéresse uniquement à ce qui se passe en Papouasie occidentale» plutôt qu'aux supposées «préoccupations des gens ordinaires». Mais pour beaucoup de gens de ma génération, la guerre en Irak était en soi un réveil politique. Comment pouvons-nous relier ces différents niveaux de problèmes?

Une partie de ce qui a été écrit est intéressante, mais d'autres sont extrêmement condescendantes et ne semblent pas enracinées dans la réalité de la vie des gens dans ce pays. La pauvreté et la dislocation qui existent sont absolument énormes, le nombre de personnes qui accèdent aux banques alimentaires augmente, tout comme le nombre de personnes vivant dans des logements précaires.

Tout dans nos manifestes a été conçu pour redistribuer le pouvoir et la richesse, pour démocratiser notre économie et pour reconnaître la nécessité d'une révolution industrielle verte, pour fournir des emplois et la durabilité environnementale dont nous avons tous besoin. Ainsi, nos manifestes ont été conçus pour répondre aux besoins des gens ordinaires.

Mais comme je l'ai dit lors de la campagne de 2017, la sécurité dans nos vies dépend aussi de notre politique étrangère. Les armes nucléaires et une énorme augmentation des dépenses en armements nous rendent-ils réellement plus sûrs ou plus vulnérables? Les effets mondiaux de la pandémie, de la dégradation de l'environnement, des flux massifs de capitaux financiers et du pouvoir des entreprises mondiales dans le monde ne nous sont-ils pas préjudiciables?

L'idée que nous pouvons nous immuniser contre ce qui se passe dans le monde est complètement absurde, comme le découvre même Boris Johnson. Il doit conclure une sorte d'accord commercial avec l'UE d'ici le 31 décembre ou espérer un accord amoureux des États-Unis, même sans son ami Trump à la Maison Blanche - ce que je ne pense pas qu'il réussira.

Mais il y a aussi un point moral important dans tout cela. La guerre en Irak a coûté la vie à des centaines de milliers de personnes. C'était basé sur un mensonge absolu. Les gens en Grande-Bretagne et dans le monde pouvaient le voir pour ce qu'il était. Lors de la manifestation de Hyde Park en 2003, j'ai dit que si la guerre en Irak continue, ce seront les guerres de demain, le terrorisme de demain et les flux de réfugiés de demain. Avais-je tort?

Il y a maintenant plus de réfugiés dans le monde qu'à aucun moment de l'histoire - plus de soixante-dix millions de personnes et en augmentation. Ce sont tous des gens qui veulent vivre, faire leur marque, apporter leur contribution. Allons-nous évoluer vers un état de sécurité qui envoie la marine contre les réfugiés, ou faire quelque chose sur les plans politique, économique et environnemental pour résoudre le problème central de l'inégalité et de l'injustice mondiales?

Je suis prêt à plaider cette affaire n'importe où. Et ne pensez pas que la jeune génération, la jeunesse de la classe ouvrière qui grandit en Grande-Bretagne et en Amérique, n'en est pas pleinement consciente. Black Lives Matter s'est répandu dans le monde si rapidement parce que les gens ont vu quelque chose de leur situation dans la façon dont la police se comportait envers les Noirs aux États-Unis.

Votre vie a été particulièrement façonnée par la politique latino-américaine: récemment, vous avez parlé à Jacobin de votre voyage au Chili en 1969, peu avant l'élection de Salvador Allende, lorsque vous vous êtes également rendu en Bolivie. Cette année, au milieu de toutes les circonstances sombres et des défaites, un point positif a été le Mouvement pour le socialisme (MAS) qui a remporté les élections dans ce pays. Pensez-vous que les expériences actuelles en Amérique latine ont également des leçons sur la façon dont nous faisons de la politique ici?

Oui, car la résilience du message de justice sociale est très forte.

J'étais au Chili en 1969 au moment où l'Unité Populaire venait de se former. J'avais dix-neuf ans; J'observais juste des choses, écoutais de la musique folklorique merveilleuse, voyais des gens se rassembler de différents courants politiques, y compris la communauté mapuche avec la gauche.

Cela a abouti à la victoire de l'Unité Populaire en 1970, mais avec moins de 40% des voix. Allende a formé l'administration qui a tant fait pour essayer d'améliorer les conditions de vie, l'éducation, le logement et les opportunités culturelles pour les pauvres. Il a été renversé par la CIA en collaboration avec l'armée chilienne, lors d'un coup d'État brutal . Mais son esprit vit.

Qui se souvient de Pinochet avec affection, qui se souvient d'Allende avec affection? Je pense que nous connaissons la réponse. L'héritage est énorme: dans les manifestations au Chili l'année dernière qui ont provoqué le référendum et le débat public sur la nouvelle constitution - quels noms revenaient sans cesse? C'était Allende, Victor Jara , Pablo Neruda…

De même, au Brésil: Lula a dirigé la fondation du Parti des travailleurs (PT). Il est devenu de plus en plus une force politique puissante, il a remporté les élections, mais ensuite Lula a été destitué par ce que l'on ne peut appeler que la loi, tout comme Dilma Rousseff. Pourtant, aujourd'hui, la force du PT revient, en raison des mesures qu'il a mises en place pour réduire les pires niveaux de pauvreté. La résilience du message est énorme.

Encore une fois, en Bolivie, le MAS est né en partie sur le dos d'une très longue tradition de politique radicale remontant à de très nombreuses décennies. La Bolivie a également un sens beaucoup plus fort de l'hégémonie non espagnole par rapport aux autres pays d'Amérique latine, et la plus grande diversité linguistique. L'opposition à la privatisation de l'eau a nourri la croissance d'un mouvement qui a fini par devenir président d'Evo. Il a été renvoyé - et est allé au Mexique, en Argentine et maintenant de retour en Bolivie. Mais sa place dans l'histoire est absolument assurée. Je souhaite bonne chance au nouveau gouvernement bolivien - et j'espère qu'il pourra poursuivre la redistribution du pouvoir et des richesses que le gouvernement d'Evo a réalisée.

Vous avez consacré cinq décennies à un travail de solidarité internationale, le plus souvent en opposition directe avec les gouvernements britanniques de l'époque. Sans entrer dans les détails de votre suspension, ces derniers mois ont apporté un maccarthysme particulier. Y a-t-il quelque chose de nouveau là-dedans - est-ce différent de ce que la gauche a souffert dans les années 80, sous Margaret Thatcher?

Il y a toujours une pression individuelle sur les gens qui s'expriment. Hier soir, nous avons discuté de Tony Benn. Sa fille Melissa a donné un message charmant à son sujet et a parlé des abus que leur famille a subis de la part des médias de droite. L'hostilité envers la gauche de la part de sources médiatiques très puissantes et très à droite n'est pas nouvelle.

En 1907, Keir Hardie fait un tour du monde. Il s'est rendu aux États-Unis, en Australie, en Inde, en Afrique du Sud, puis il en a rendu compte lors d'un rassemblement massif à l'Albert Hall. Sa tournée a été suivie par le Daily Mail , qui l'a condamné pour son soutien aux Indiens contre le Raj britannique et pour s'être opposé au racisme en Afrique du Sud. Il a été sévèrement maltraité. La gauche dans les années 1930, lorsque George Lansbury était le chef du parti travailliste, a été gravement maltraitée; Nye Bevan a été maltraité.

Mais la réalité est que si vous faites passer un message qui conteste le pouvoir antidémocratique de certaines sources médiatiques, ainsi que l'injustice et les inégalités au sein de notre société, alors ils vont se rebeller. Je le sais. J'ai souffert de toutes ces absurdités pendant un bon moment et je continuerai sans aucun doute à le faire.

Mais c'est un prix à payer, s'il fait passer un message de justice sociale qui donne aux gens espoir et optimisme. Lors des réunions que je fais, je dis: le pouvoir existe dans de nombreux endroits; il s'agit en partie d'occuper des postes élus. Mais il s'agit aussi du pouvoir des communautés de changer les choses, d'éviter les fermetures d'usines, de développer des écoles et des crèches, des parcs et des centres communautaires, d'avoir de l'air pur là où il y a de l'air vicié, d'obtenir de l'eau propre là où il y a de l'eau sale. Toutes ces choses donnent du pouvoir aux gens, et c'est ce que notre mission politique doit être - autonomiser les gens face aux élites qui ne veulent pas qu'ils soient habilités.

Sur ma suspension, évidemment je le regrette profondément, et je suis très reconnaissant pour tout le soutien que j'ai reçu de l'intérieur du parti et de la communauté. Et j'exhorte les gens à lutter contre cela, car le mouvement syndical nous appartient à tous.

Pour terminer sur le projet pour la paix et la justice, que peuvent faire les gens pour s'impliquer?

C'est un projet nouveau et passionnant - et un territoire inconnu pour nous tous.

Nous chercherons à analyser les problèmes; d'organiser avec, de connecter et d'autonomiser des groupes qui existent déjà, et de soutenir de grandes campagnes pour le changement. Nous voulons coopérer et non concurrencer les autres. Par exemple, nous avons reçu des messages de soutien pour le lancement jusqu'à présent de la campagne Orgreave Truth and Justice dans le Yorkshire ainsi que des syndicalistes en Bolivie et aux États-Unis. Et relier ces campagnes, voir les grandes et petites images en même temps, est si important.

Nous travaillerons avec les syndicats et les mouvements sociaux pour construire un réseau de militants, d'activistes de base, de penseurs et de dirigeants, pour partager des expériences et générer des idées sur des solutions à nos problèmes communs. Qu'il s'agisse des travailleurs de Rolls-Royce qui défendent leur emploi à Barnoldswick, ou des énormes manifestations en Inde, que ce soit des enfants qui ont faim ici dans l'un des pays les plus riches du monde ou qui croupissent en tant que réfugiés de la guerre et des crises.

Nous combinerons la recherche et l'analyse avec la campagne et l'organisation. Et nous pouvons nous appuyer sur les politiques socialistes populaires développées au sein du Parti travailliste au cours des cinq dernières années.

J'espère que nous allons construire quelque chose d'important ensemble. Cette année, nombre d’entre nous se sont sentis impuissants face à des forces indépendantes de notre volonté. Ça ne doit pas être comme ça.

Nous aurons un lancement mondial le 17 janvier, avec un très grand public mondial. Nous aurons des chiffres du monde entier et de plusieurs générations là-bas. J'en suis très enthousiaste et j'espère que vous vous joindrez à nous.

FIN