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Lénine ? Non. La IIIe Internationale ? Non.

Hugo Chavez, Nicolas Maduro, Lula da Silva, Bernie Sanders, Jeremy Corbyn, AMLO, Gustavo Petro... Jean-Luc Mélenchon ? Oui.

Que voulons- nous dire par là ? 

Certainement pas que "la substantifique moelle" de la pensée de Lénine nous soit indifférente ou qu'elle ne soit pas une source pour la pensée et l'action des partisans de l'émancipation.

Certainement pas que l'histoire de l'Internationale communiste et du mouvement socialiste au XXe siècle ne soit pas l'héritage commun des forces émancipatrices dans le monde et l'une des matrices des combats contemporains.

Mais nous devons saisir l'histoire et ses contradictions puisqu'elle impacte nos stratégies au XXIe siècle.

La révolution ne peut plus être appréhendée comme "le grand soir", comme une "guerre de mouvement", mais comme une "guerre de position" un  processus long, complexe et contradictoire de la transformation systémique, un processus menacé à chaque tournant, qui exige à chaque étape une conscience collective de la manière dont la révolution se joue dans chacun de ses épisodes existentiels.  La révolution peut devenir "glacée", comme le disait Saint-Just, ouvrant la porte à Thermidor, ou s'effondrer comme le soviétisme, ou muter comme le maoïsme devenu un hyper-capitalisme.

Le processus révolutionnaire implique le temps long. C'est une "guerre de position" comme le propose Antonio Gramsci qui estimait qu’il ne faut plus envisager la révolution comme insurrection généralisée et passage immédiat à la dictature du prolétariat. La guerre de mouvement, qui a permis la prise du pouvoir par les bolcheviks en 1917, ne permettrait plus d’obtenir la victoire. Pour Gramsci dogmatiser la guerre de mouvement c'est "un pur et simple mysticisme historique, l’attente d’une sorte de fulguration miraculeuse".

Pour Gramsci le rôle de la guerre de manœuvre et des tactiques offensives sont réduites à "une fonction tactique plus qu’à une fonction stratégique". Critiquant les thèses du 6e congrès de l'IC qui voyait dans les prémices de la crise du capitalisme la certitude d’une offensive mondiale du prolétariat et de sa victoire, Gramsci considère que "les choses ne se déroulent pas en un éclair ni par une marche en avant définitive". 

Sa lucidité l'amène à répondre à un camarade qui lui annonçait la défaite prochaine du fascisme et sa libération, "Je ne crois pas que la fin soit si proche. Je te dirai même que nous n’avons encore rien vu, le pire est à venir.

Gramsci dénonce  "les stratèges du cadornisme politique." Le général Luigi Cadorna (1850-1928) fut le chef d’état- major de l’armée italienne à partir de 1914, partisan de l’attaque frontale contre les forces autrichiennes, il fut responsable de la déroute italienne de Caporetto en octobre-novembre 1917. Gramsci explique: "Cadorna était un bureaucrate de la stratégie ; quand il avait fait ses hypothèses “logiques”, il donnait tort à la réalité et se refusait à la prendre en considération."

Il en existe encore de ces "bureaucrates de la stratégie"...

A l'époque de Gramsci, ces "stratèges du cadornisme politique", ce sont les chefs de l’Internationale communiste qui ont décidé le "tournant" et la ligne d’offensive générale du prolétariat.

C'est en tout cela que nous pensons que la pensée politique et stratégique de Gramsci est actuelle.

La traduction concrète de ces considérants c'est que le mouvement réel qui met en cause la capitalisme ne sont pas des insurrections mais des processus de changement démocratique et social progressiste. Comme tout processus il est traversé par de contradictions, des marches avant, des marches arrières, des accélérations, des ralentissements.

Mais il faut regarder les choses comme elles se passent partout : le nouveau cours des choses se cristallise autour de mouvements réformistes-révolutionnaires. C'est ce mouvement que nous résumions de façon quelque peu provocatrice en début d'article. 

Cette évolution est-elle d'ailleurs si étonnante ? 

Quand nous regardons l'histoire des révolutions "prolétariennes" du XXe siècle nous somme bien amenés à constater que celles-ci ont eu lieu dans des pays où la paysannerie était très largement dominante : Russie, Chine, Cuba, Vietnam...Et que dire des mouvements de libération nationale.

Quant au "camp socialiste" en Europe il est le résultat de la victoire de l'armée rouge soviétique contre le nazisme et non de révolutions ouvrières "indigènes". Ce n'est certainement pas dans les Pays Baltes, la Pologne ou la Hongrie et la Roumanie que l'on aurait trouvé une base de masse pour de telles révolutions. Ni même en Allemagne ou en Tchécoslovaquie compte tenu de leurs histoires. Peut-être dans les Balkans en Grèce, en Yougoslavie, en Albanie. On sait ce qu'il advint...

Sans doute n'avons nous pas suffisamment pensé ces faits, nous laissant portés par une mythologie certes mobilisatrice mais manquant d'analyse de situations dérangeantes à l'égard de la vulgate "marxiste-léniniste".

Depuis la révolution cubaine (dont l'orientation "socialiste" tient plus de la géopolitique et de la politique très agressive des États-Unis)  et l'insurrection nicaraguayenne (qui tient davantage d'un mouvement de libération national) ni en Amérique Latine, ni en Afrique, ni en Asie et encore moins dans les pays des centres impérialistes, pas l'ombre d'une révolution insurrectionnelle. La dernière tentative de "guerre de mouvement" fut la révolution d'avril au Portugal qui ne fut pas concluante malgré ses avancées démocratiques et sociales.

L'implosion du "grand-arrière" soviétique et "le passage pacifique au capitalisme" de la Chine, minés par leurs contradictions insurmontées, a entraîné la mort du mouvement communiste international et de ses sections, déjà bien affaiblies.

De plus face donc à une gauche "réformiste-révolutionnaire", la seule "réellement agissante", se dresse, outre les forces bourgeoisies classiques, une extrême-droite, un néo-fascisme du XXIe siècle, qui a le vent en poupe un peu partout, de l'Inde au Brésil, de Pologne à l'Italie, d'Argentine à l'Allemagne, des États-Unis à la France.

A part l'Irlande (Sinn Fein) et la Belgique (PTB) où la gauche est en dynamique "nationale-populaire" (Gramsci), la situation des forces de gauche reste...complexe. En France l'action de la France Insoumise a évité l'extinction de la gauche de gauche et a permis l'affirmation d'une force progressiste de masse même si les choses restent précaires.

 

Cet état des lieux peut ne pas satisfaire nos aspirations mais "les faits sont têtus" comme disait Ilitch. A chacun de nous d'en tirer les conséquences.

 

 

Antoine Manessis

 

 

 

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