"Terroriser les terroristes" ?

Vladimir Poutine compte-t-il "terroriser les terroristes" comme le fanfaronnait le (non) regretté Charles Pasqua ?

Le président russe compte-t-il faire aussi bien que ses homologues étasuniens ? Va-t-il ouvrir un Guantanamo en Iakoutie ? Un Abou Ghraib dans l'oblast d'Irkoutsk ?

Et avec quelle gueule va-t-il pouvoir dénoncer les méthodes des Yankees ?

Et que dire de nos poutiniens d'ici qui seront (peut-être) gênés par les méthodes de leur nouveau copain anti-impérialiste...

Œil arraché, oreille coupée, visages ensanglantés, un des présumés terroriste inconscient sur une civière... De toute évidence ces quatre hommes avaient passé un mauvais quart d'heure, qu'on imagine aisément dans une cave de la Loubianka, bien insonorisée.

Poutine, en montrant ces individus martyrisés, voulait sans doute envoyer un message aux instigateurs de cet horrible tuerie de Moscou. Sans doute l'organisation Etat islamique. Même si le pouvoir russe n'abandonne pas l'idée de mouiller les Ukrainiens pour souder un peu plus les Russes autour de leur Tsar.

Interrogé sur d'éventuels sévices sur les quatre supposés assassins, le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, a déclaré : "Je laisserai cette question sans réponse." 

Certes les déclarations passées du président russe, en 1999 lorsqu'il promettait "On ira les buter jusque dans les chiottes", comme le comportement des troupes russes en Tchétchénie, ne laissent que peu de doute quant à l'humanisme qui inspire Poutine et les siens. 

On se souvient combien la milice Wagner et feu son chef Evgueni Prigojine ont utilisé les images violentes pour se forger une aura de terreur censée impressionner l'ennemi.

Mais on pourra nous opposer "à la guerre comme à la guerre", l'essentiel est de vaincre. Sans doute, mais comment ? Poutine disait en 2015 après l'attentat contre un A321 russe, toujours aussi martial : "Nous allons éliminer les terroristes en Syrie avant qu'ils ne viennent commettre des attentats sur notre sol".

Sans plus de succès que Pasqua, W. Bush et autres Supermen, car ces choses là sont tout de même un peu plus compliquées à régler que par des rodomontades. Preuve en effet : l'horreur de Moscou et ses 137 victimes. Et avant elle, la tragédie de la prise d'otage dans un théâtre de Moscou qui fit 124 morts parmi les otages russes.

Il ne s'agit ni d'oubli ni de pardon mais du droit. Le droit qui est l'expression de rapport de forces sociales et politiques mais qui peut aussi, comme force ayant une autonomie relative, agir sur le réel comme ressource mobilisable dans des luttes émancipatrices.

Bref, se comporter sans respecter le droit ou faire un droit d'exception comme le "Patriot Act" qui permet toutes les saloperies, la torture et l'enferment sans procès, c'était signé made in USA. On sait désormais, au cas où on ne se serait aperçu de rien avant, que c'est aussi signé made in Russia.

Rien ne ressemble plus à l'impérialisme qu'un autre impérialisme.

Antoine Manessis