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Le PS est en crise. Sans doute finale. Mais de quel parti parlons-nous ?

De la social-démocratie ? Plus guère, sinon de façon résiduelle. En France celle-ci a toujours pris un aspect particulier. Jusqu'en 1914 marquée par le jauressisme et le guesdisme, puis en 1936, acceptant l'offre communiste de Front populaire, on peut dire que la S-D française a quelques marqueurs de gauche. Mais depuis l'éclatement du Front populaire on peut dire que la dérive droitière ou plutôt l'ancrage à droite de la S-D n'a pas cessé. Sans même parler de l'Union sacrée lors de la boucherie impérialiste, le parti socialiste fut impliqué dans la répression anti-communiste d'avant la Deuxième Guerre mondiale, le vote des pleins pouvoirs à Pétain, une présence disons...discrète dans la Résistance, l'alignement atlantiste durant la guerre froide, l'implication totale dans les guerres coloniales, l'ambiguïté face au coup d'état gaulliste de 1958,  bref dans ce qu'il a de pire. 

Cependant la conjonction des institutions de la Ve République d'un côté et de l'autre la stratégie d'union de la gauche sur un programme commun du PCF, finirent par susciter une réorientation du PS, confirmée par le congrès d'Epinay puis le ralliement au programme commun. C'est pourtant sans illusions que la direction du PC note par la voix de son secrétaire général au CC du 29 juin 1972:  "Nous ne serons pas seuls à la direction des affaires du pays. […] Il s’agira d’appliquer le Programme commun avec le Parti socialiste tel qu’il est. […] Nous n’avons jamais perdu de vue la nature profonde de notre partenaire. Le Parti socialiste représente, dans sa forme organisée, le courant social-démocrate réformiste tel que l’histoire l’a fait dans notre pays. Ses traits permanents en sont, au delà de la volonté réelle ou non de promouvoir des réformes sociales et démocratiques, la crainte que se mettent en mouvement la classe ouvrière et les masses, l’hésitation devant le combat de classe face au grand capital, la tendance au compromis avec celui-ci et à la collaboration de classe." Mais cette analyse n'est pas communiquée au Parti mais à la seule direction. Fatal.

Il faut dire que Mitterrand n'avait pas caché sa volonté de "plumer la volaille communiste". En 1969 il écrivait déjà que son ambition était de créer un "mouvement politique apte à équilibrer d’abord, à dominer ensuite le parti communiste, et à détenir enfin par lui-même, en lui-même, une vocation majoritaire". Clair, non ?

La rupture de l'union de la gauche en 1977 (sa gestion catastrophique par la direction communiste) et la victoire de Mitterrand en 1981 sonnent le glas de la stratégie du PCF, confirmé par l'hégémonie du PS au sein de la gauche. Dès 1982-1983 le PS entame son virage néolibéral. Progressivement il devient un parti du capital en alternance avec la droite. On constate une osmose, une interpénétration entre le personnel politique du PS et celui de la bourgeoisie.

Cette évolution est accélérée, aggravée par la crise du communisme puis son effondrement.

Cela se constate un peu partout où les partis sociaux-démocrates avaient de l'influence. Evolution qui d'ailleurs se poursuit de nos jours, s'approfondit même puisque désormais des sociaux-démocrates, comme au Danemark, adoptent des politiques directement inspirées des néofascistes ou gouvernent avec eux comme en Italie.

Cependant cette mutation entraîne le déclin de la S-D. Déclin visible dans nombre de pays dont la France où le PS est soit pulvérisé, soit absorbé par la Macronie. 

Reste l'influence du parti socialiste dans les institutions telles que les mairies, les conseils territoriaux et régionaux. C'est autour de ces bastions que le PS va tenter de survivre et de se réorganiser. Mais cela n'ira pas sans difficultés. Des satellites comme les Radicaux ou le PCF, lui-même en survie, sont acquis, l'objectif de tout ce monde étant de continuer à grenouiller dans ce cadre institutionnel sans autre objectif que les carrières des élus et la survie des appareils. Mais rien n'est simple: le PS est concurrencé sur sa droite par la Macronie et sur sa gauche par la France Insoumise. Si pour le moment les mouvements d'opinion n'ont pas une traduction forte en terme d'élus, le danger est réel et fatal pour le PS. Et les résultats de la présidentielle peuvent accélérer les choses.

D'autant que stratégiquement il n'y a pas de place pour le parti du compromis capital/travail, le capital n'étant absolument plus contraint à céder quoi que ce soit.

On verra sans doute dans les semaines qui suivront la présidentielle et les législatives des tentatives de réanimation. Même François Hollande, et les quelques affidés qui lui restent, sont en lice, ce qui en dit long sur l'état de décomposition du PS. Plus sérieusement c'est sans doute autour de grands féodaux que les choses vont se recomposer du genre de la présidente de la région Occitanie, Carole Delga, au parcours typique: fonctionnaire territoriale, membre du Parti socialiste depuis 2004, elle est maire de Martres-Tolosane entre 2008 et 2014, vice-présidente du conseil régional de Midi-Pyrénées de 2010 à 2012 et présidente de la région depuis 2016. Notons aussi qu'elle est violement hostile à la gauche, à la FI, ce qui dans le cadre de son parti embourgeoisé est devenu sans doute un atout. La question qui reste pourtant centrale pour ces tentatives est l'espace politique qu'elles peuvent occuper et donc ce qui peut les différentier de la Macronie. On a beau chercher, on ne trouve pas...

Pour la bourgeoisie la question qui va se poser à terme est celui de l'alternance. Droite/ gauche, cet essuie-glace qui avait l'avantage de donner l'impression d'un changement sans changement. Mais il semble que les citoyen-nes n'adhèrent plus, ne croient plus à ce schéma. C'est ce que la victoire en 2017 de Macron a indiqué.

Reste l'avenir. Chacun voit qu'à un moment, qui sait peut-être dès ce soir, la Macronie connaitra une telle usure et une telle désaffection qu'il lui faudra quitter la partie. Or qui pourra alors jouer à la fausse alternative ? Marine Le Pen tout de suite et à moyen terme il y a encore le RN qui peut se recomposer autour de Marion Maréchal Le Pen avec les LR ou tout au moins ceux qui résisteront aux sirènes macronistes. Cette perspective est en effet inquiétante d'autant plus qu'une fraction de plus en plus importante du grand capital peut être séduite par elles. Il y a aussi au sein de la Macronie une fraction qui se prépare à la relève autour d'Edouard Philippe. Mais les crocodiles ne manquent pas dans le marigot...

Bien entendu il reste un espoir. Que la gauche de gauche, la gauche de transformation, autour de la France Insoumise, s'organise et se structure davantage et soit non l'alternance, mais l'alternative au pouvoir bourgeois. Cela peut arriver ce soir, 10 avril...

 

Antoine Manessis.

 

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