Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

                                          Al-Sissi et Le Drian: "Tu la connais l'histoire de la France pays des Droits de l'Homme et du citoyen?".

 

 

On en parle pas. Ou peu. Sauf pour ses pharaons et ses pyramides. L'Egypte pourtant vit sous un régime militaire et oligarchique de terreur. Ah si le maréchal Abdel Fattah al-Sissi était de gauche, ou pire communiste, nous entendrions parler de lui chaque jour. 

BHL ferait article sur article dans Le Point, Le Monde et Libération dénonceraient "le totalitarisme", la télévision interviewerait les parents de jeunes emprisonnés sans jugements et torturés souvent à mort. On nous parlerait des disparus, des exilés, des pauvres (30% de la population du pays vit en dessous du seuil de pauvreté), de l'absence des libertés démocratiques, de logements, de travail, de santé publique. 

Les autorités frappent toute opposition, qu’elle soit exprimée publiquement ou simplement supposée. Elles ont sévèrement réprimé le droit de réunion pacifique ainsi que la liberté d’expression et d’association. Des milliers de personnes sont en détention "provisoire" qui dure sans limite et sans recours. Plusieurs dizaines de journalistes ont été arrêtés arbitrairement pour le simple exercice de leurs activités professionnelles ou l’expression d’une opinion critique. Les conditions de détention sont cruelles et inhumaines et les détenu·e·s sont privés de soins. Beaucoup en meurent. Des dizaines de travailleurs et de travailleuses qui n’avaient fait qu’exercer leur droit de grève ont été arbitrairement arrêtés et poursuivis. La torture restait une pratique courante dans les lieux de détention officiels et non officiels.

L’Égypte fait partie de la coalition dirigée par l’Arabie saoudite dans le conflit au Yémen, et de la coalition qui impose des sanctions au Qatar dans le cadre de la crise diplomatique en cours dans le Golfe. Elle soutient les Forces armées arabes libyennes autoproclamées, qui sont parties au conflit armé en Libye, notamment en autorisant les transbordements d’armes en provenance des Émirats arabes unis. Mais surtout l'Egypte de al-Sissi est un allié fidèle des Etats-Unis.

Et de la France. Macron n'a-t-il pas déclaré "refuser de donner des leçons" au maréchal al-Sissi ? Ajoutant "Je ne conditionnerai pas notre coopération en matière de défense, comme en matière économique, à ces désaccords (sur les droits humains)". Il faut dire que nous vendons beaucoup d'armes à l'Egypte et aussi du matériel très utile dans la surveillance et la répression des oppositions du dictateur égyptien. Emmanuel Macron a salué "la relation exceptionnelle et amicale entre la France et l'Egypte, pôle de stabilité" dans la région...Rappelons que le président français a remis la plus haute distinction française à son homologue égyptien, la grand-croix de la Légion d'honneur. Ben voyons.

En 2011- 2012 les inégalités, la corruption, la remise en cause de la réforme agraire, la précarité alimentaire, l'absence de liberté...avaient provoqué un vaste mouvement populaire contre la dictature militaire et oligarchique d'Hosni Moubarak. Malgré une répression sauvage ( environ mille morts) le peuple égyptien parvint à renverser la dictature. Un vaste mouvement social accompagné de grèves s'étend dans le pays.

Mais l'armée va conserver la haute main sur la suite des événements même si des élections libres ont lieu en 2012 qui donnent une majorité à Mohamed Morsi, candidat des Frères musulmans, avec 51,7 % des voix, qui devient ainsi le premier président élu démocratiquement en Égypte et le premier civil à occuper ce poste. Le islamistes ont gagné également les élections législatives.

Un an après cette victoire un vaste mouvement exige des élections anticipées estimant que Morsi et les Frères instaurent progressivement une nouvelle dictature. Des manifestations énormes sont organisées allant de la gauche aux anciens partisans de Moubarak. Les islamistes ripostent en mobilisant leurs partisans. Finalement c'est l'armée qui réalise un coup d'Etat et destitue le président Morsi, arrête les dirigeants de Frères musulmans qui dénoncent un coup d'État contre la démocratie. C'est le retour à l'État policier.

Les occidentaux, malgré les hypocrites contorsions qui leur sont habituelles, bien que "profondément préoccupés par la situation des droits de l'homme....", ils finissent par soutenir, à l'instar de Tony Blair, le putsch militaire prétendant que "l'armée égyptienne a dû choisir entre une intervention ou le chaos, elle a opté pour l'action, évinçant le président Mohamed Morsi démocratiquement élu." Très vite donc c'est buisness as usual. Pendant ce temps la dictature militaire s'installe écrasant dans le sang et à coups de massacres la résistance des Frères. Ainsi l'armée assassine 600 manifestants pacifiques du 14 au 16 août 2013 durant des manifestations.

Ainsi commence la présidence d' Abdel Fattah al-Sissi qui exerce une dictature sanglante. Depuis son arrivée au pouvoir en juillet 2013 , des milliers d'opposants au régime ont été tués ou emprisonnés alors que plusieurs centaines d'autres auraient purement et simplement disparu. Les médias égyptiens sont tous réduits au silence. Une chappe de plomb et la terreur s'abattent sur l'Egypte.

Comment s'est construit le choix fut-il entre les islamistes et les militaires ?

Par l'éradication de la gauche. Nasser déjà frappait la gauche et les Frères, Sadate de façon plus systématique encore s'appuya sur les islamistes pour combattre la gauche et la réprimer avec violence. Pour contrecarrer les organisations de la gauche nasserienne et les marxistes, Sadate fait libérer des milliers de détenus islamistes et leur octroie des libertés politiques. En 1972, les autorités font transporter dans des véhicules de l’État des militants islamistes pour reprendre par la violence le contrôle des universités et les leaders étudiants de gauche sont arrêtés. Manœuvre qui se retourna contre le président égyptien, victime lui-même de ses alliés, devenus ennemis, qui l'assassinèrent. Moubarak lui, entre en guerre contre les Frères ainsi en 2010 pendant les élections plus de 200 Frères musulmans ont été arrêtés lors de meetings électoraux violemment dispersés par la police, à Alexandrie et dans le delta du Nil. Amnesty International et les organisations égyptiennes de défense des droits de l'homme ont dénoncé le climat délétère, les «intimidations», la tension. En vain.

Le pouvoir militaire égyptien est partie intégrante de l'oligarchie capitaliste qui dirige le pays. Elle s'est débarrassée des gauches en s'appuyant sur les islamistes puis des Frères quand ceux-ci sont devenus la seule force d'opposition sérieuse au pouvoir. Quand le peuple égyptien est intervenu dans le processus politique il a été privé de sa victoire car il était dépourvu de toute perspective politique organisée, dans un premier temps par les Frères musulmans, alors seule force politique organisée, puis par l'armée qui a sifflé la fin de la récréation en instaurant un régime de terreur fort de l'appui des Etats-Unis -le pays est le deuxième bénéficiaire des financements américains derrière Israël et l'aide militaire américaine à l’Égypte se montant à 1 300 millions de dollars par an - et de la France. Mais aussi, il faut le souligner, de la Russie et de la Chine dans un véritable "partenariat stratégique global".

La gauche égyptienne existe mais elle est faible et broyée entre le pouvoir militaire et les islamistes.

 

Antoine Manessis.

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :