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Ah comme c'est bon de lire et regarder certains journaux et sites archéo-communistes !
A mon âge se rajeunir de 50 ans et ça vaut son pesant de roubles.
Tant par les illustrations dont la ringardise n'a pas d'égal, que la typographie qui semble reproduire un numéro de l'Huma de 1956. Et cela contre toutes les règles de la typographie contemporaine, que l'on peut pourtant trouver n'importe où sur internet. Par exemple les points séparant les lettres des sigles est "d'époque" : ainsi on peut lire O.T.A.N. ou U.E. ou U.R.S.S. Incroyable mais vrai. Ces "as" de la propa reproduisent des visuels et reproduisent un style révélateur de leur univers mental. Passéisme, nostalgie, désuétude, refus du changement, inertie, incapacité à saisir le mouvement...
Certes il y a là un aspect touchant, un peu comme ces soldats japonais qui continuaient la guerre (achevée en 1945) dans la jungle philippine en 1974. Mécanisme psychologique finalement assez banal de défense par lequel le sujet refuse de reconnaître la réalité d'une perception ressentie comme menaçante et traumatisante.
L'anéantissement de certitudes dogmatiques, de croyances métaphysique, dans le sens où l'on croit en des choses indépendamment de la praxis, de l'expérience concrète, entraîne ce genre de déni. Et ce déni prend une forme concrète que l'on retrouve dans les textes, journaux, tracts, affiches...le matériel de propagande.
Celui-ci exprime ce refuge dans le passé, le temps des certitudes, le "bon vieux temps" où le Parti avait toujours raison. La typographie ringarde ou la langue de bois n'est pas seulement le fait de l'incompétence ou/et de l'obsolescence, elles permettent de figer les choses et de faire comme si les règles ne changeaient pas, que le monde ne changeait pas. Bref une autruche la tête plongée dans le sable ne voit pas grand chose de ce qui se passe autour d'elle...
Mais la forme est bien évidemment l'expression du fond. C'est tout un positionnement politique, stratégie serait un bien grand mot, que révèle cette communication/propagande poussiéreuse et archaïque. La politique exprimée ainsi est allergique à toute modernité, de fond et de forme, car celle-ci subvertit les références qui la fonde et qui ne sont que des répétitions du passé. C'est d'ailleurs pour cela que même face à des propositions de modernisation la réaction est hystérique: changer signifie mourir. Répéter une vieille typographie ou répéter des mots d'ordre ayant 85 ans (Front populaire), 77 ans (CNR) ou, comme le CME*, une soixantaine d'années...relève fondamentalement de la même démarche.
Les formes obsolètes ne font qu'exprimer une attitude psychologique de déni et un fond, une "ligne" politique engluée dans un passé indépassable sous menace d'ouvrir les vannes de la vie telle qu'elle est et donc remettre en cause la foi. On sait que l'Inquisition a été remplacée en 1965 par la Congrégation pour la doctrine de la foi. Nos hilarantes et pathétiques expressions propagandistes paléo-orthodoxes n'ont-elles finalement pas le même but : préserver la doctrine de la foi, désignant les hérétiques et les apostats ?
Cela pourrait ne pas être gênant si quelques jeunes avides d'absolu et quelques moins jeunes incapables d'affronter leurs illusions perdues ne perdaient pas leur temps et leur énergie à mouliner du vent. Certes ce n'est pas le nombre de ceux-là qui pose problème mais face au sombre début de siècle qui est le nôtre, le mouvement progressiste et révolutionnaire a besoin de chacun sur tous les fronts. Le culte du Parti ne doit pas être confondu avec l'impérieuse nécessité de l'organisation. Car organiser le combat ne signifie pas s'enfermer dans une secte.
Comme le disait Jean Ortiz "il ne me paraît pas y avoir d’autre solution, pour une alternative anticapitaliste, que d’ouvrir bien grand nos portes et nos fenêtres".
Antoine Manessis.
*Capitalisme Monopoliste d'Etat, théorie élaboré par l'économiste communiste Paul Boccara. Louis Althusser l'a qualifié de "point zéro de la théorie marxiste" mais ce jugement nous parait injuste.