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                             Des acteurs du remarquable film britannique Pride de Matthew Warchus (2014)

 

 

Dans les débats qui traversent l'opinion, certains à gauche adoptent deux postures qui sont aussi insatisfaisantes et improductives l'une que l'autre.

 

La première consiste à prétendre que la question sociale est obsolète et que désormais la gauche doit se concentrer sur des questions dites sociétales comme le féminisme, l'écologie, la fin de vie, la GPA etc. Le think tank social-démocrate Terra Nova a théorisé sur cette priorité sociétale.

 

La seconde consiste au contraire à proclamer l'absence de contradiction entre les questions sociétales et le capitalisme et donc la nécessité de donner la priorité, voir l'exclusivité, aux questions sociales (salaire, emploi, liberté syndicale, etc.) 

 

Ces deux positions sont très révélatrices d'une difficulté de la gauche française d'appréhender les phénomènes historiques de façon dialectique. En fait la tendance au dogmatisme est prégnante à gauche. Comme si une attention à telle ou telle question était exclusive d'une autre. Comme s'il n'était pas évident que c'est au contraire la synergie des différents fronts de lutte (social et/ou sociétal si toutefois cette distinction a un sens politiquement opérant) qui renforce chacun de ces fronts. Pensons à ce brave Jules Guesde qui ne voulait pas défendre cet officier bourgeois qu'était le capitaine Dreyfus par purisme révolutionnaire...

Comme si la libération des femmes, sens même du féminisme, ne s'inscrivait pas, avec sa spécificité, dans l'émancipation humaine. Paraphrasant Lénine, ne pourrions-nous pas dire qu'un sexe (ou un genre) qui en opprime un autre ne saurait être libre? 

Comme si la préservation de l'environnement, humanité et nature, ne passait pas par la création de conditions et d'un mode de production qui abolit le capitalisme dont la logique, par essence, est destructrice de la vie.

 

Que certains croient que le capitalisme est compatible avec l'émancipation des homosexuels et pas avec l'augmentation des salaires est évidemment une erreur et une faute politique. Le capitalisme n'est pas Dieu. Il s'adapte à des rapports de forces. Et il a été contraint depuis qu'il existe à plier devant les luttes : les enfants (au moins dans certains pays comme le nôtre) ne vont plus dans les mines à 5 ans et les femmes ont conquis le droit de voter. Que le capitalisme tente de tirer profit de tout, y compris de ses défaites ou de ses reculs, ne signifie pas que la lutte pour tout ce qui concerne la vie des humains dans tous les domaines, sans aucune exception ne soit pas une exigence politique et éthique pour les progressistes.

Stratégiquement et tactiquement c'est de plus la condition du rassemblement populaire et donc de la victoire. C'est en partant de ce qui vivent concrètement les femmes et les hommes que l'on construira une alternative au chaos capitaliste. C'est d'ailleurs pourquoi les marxistes donnent l'importance qu'ils donnent à la classe ouvrière (celle d'aujourd'hui comme d'hier). C'est parce que son vécu, et non l'opération de l'Esprit-Saint ou une Destinée manifeste, en fait une classe qui de façon radicale en luttant pour ses intérêts met en cause le capitalisme et contribue ainsi à l'émancipation de toute l'humanité. 

 

Voilà pourquoi il n'y a pas de hiérarchie dans les luttes, plus exactement, comme le disait André Tosel : "la lutte pour les libertés dites sociétales ne peut être séparée du combat pour les libertés sociales. La liberté est indivisible, même si des priorités doivent être fixées en fonction des conjonctures historiques". Voilà pourquoi un homo passé à tabac par des abrutis, le viol d'une femme par un criminel, l'usage d'un pesticide qui va coller un cancer à un enfant ou le licenciement boursier (ils le sont tous en fin d'analyse) sont des crimes et suscitent des combats.

Le rôle des organisations et des militants politiques progressistes n'est pas de hiérarchiser ces combats, il est de les fédérer. De prendre chacun là où il est pour faire de son combat notre combat collectif. Et en s'appuyant sur les revendications diverses, les inscrire dans un projet politique qui réponde à celles-ci. En faisant ainsi en sorte que les revendications dispersées deviennent les revendications de tous. Et si par dessus le marché nous baptisons cela le socialisme ou Dieu sait quoi, alors nous aurons une chance de faire masse et de gagner.

 

Antoine Manessis.

 

 

 

 

 

 

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