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Dans un lettre aux partis communistes du monde datant du mois de septembre, le Parti communiste  du Venezuela se livre à une charge virulente contre la politique de Maduro et du gouvernement du PSUV (parti socialiste unifié du Venezuela).

http://solidnet.org/article/CP-of-Venezuela-Popular-Revolutionary-Alternative-For-a-revolutionary-way-out-of-the-crisis/

Selon le PCV, qui a soutenu le "compatriote" (et non le camarade...) Maduro aux présidentielles de 2018 sur la base d'un Accord programmatique signé par Maduro, trente mois après le gouvernement n'a rien fait dans le sens de cet accord. De plus, les contradictions dans les relations entre le PCV et le gouvernement du PSUV ont été exacerbées dans la même mesure où "la mise en place d’une politique économique gouvernementale de plus en plus soumise aux intérêts du capital" et au détriment des conquêtes et des droits conquis par les travailleurs et "la mise en place d’une politique économique libérale, réformiste et visant la privatisation, totalement différente de ce qui était prévu dans l’Accord de Cadre Unitaire PSUV-PCV", véritable rupture entre le gouvernement avec la classe travailleuse.

Le PCV dénonce :  "La réalité concrète est visible dans la mise en place d’une politique régressive des salaires, qui résulte en une chute brutale des revenus nets des travailleurs, l’élimination des droits contractuels contenus dans les conventions collectives, l’évaporation de l’épargne et des allocations sociales, les licenciements de masse illégaux de travailleurs des secteurs public et privé avec la complicité ouverte des autorités du Ministère du Travail".

Il dénonce également la détérioration des services publics et leur privatisation, la précarisation des salariés et la répression et la criminalisation de l'action syndicale par l'Etat. Même les assassinats de militants paysans par les propriétaires terriens n'est pas sanctionné comme le meurtre de Luis Fajardo, du CC du PCV.

Le Venezuela est pris au sein de conflits mondiaux entre grandes entreprises transnationales, ce qui intensifie les contradictions inter-capitalistes estime le PCV pour qui " la lutte qui s’ensuit contre le siège impérialiste et en défense de la souveraineté est inséparable de la lutte pour une voie de sortie révolutionnaire de la crise capitaliste.../... Nous sommes convaincus que ce n’est pas par des concessions et par la soumission aux intérêts des capitalistes qu’on pourra vaincre l’impérialisme"

Cela étant après cette critique en règle du gouvernement, le PCV précise que cela "ne représente pas une rupture avec le gouvernement du Président Nicolás Maduro". La précision était sans doute utile. D'autant qu'ensuite le PCV ajoute : "Cet ajustement de la tactique implique une distance plus importante sur le plan des politiques internes : idéologie, politique, agriculture et, par conséquent, dans la conception du développement économique productif du pays et dans le contrôle social sur les processus de l’organisation sociale, de la production et de la distribution et également sur les aspects éthiques et moraux qui affectent sévèrement la société et, en particulier, l’administration gouvernementale." Quelque peu ironique le Parti communiste ajoute : "Nous ne nous retirons pas non plus du gouvernement puisque nous n’en faisons pas partie : personne ne peut quitter un endroit où il n’a jamais été ou dont il n’a jamais fait partie". 

Contre l'impérialisme et "le réformisme de privatisation"(suivez mon regard) le PCV propose une Alternative Populaire Révolutionnaire qu'il définit comme un projet de construction unitaire dont objectif immédiat est d’avancer dans le regroupement des organisations politiques et sociales révolutionnaires qui se retrouvent sur le besoin de bâtir une nouvelle alliance pour vaincre l’agression impérialiste et "emprunter une voie de sortie révolutionnaire de la crise capitaliste pour ouvrir le chemin de la révolution socialiste". Donc, comme son nom l'indique, une alternative à l'orientation actuelle de l'exécutif bolivarien.

Cette perspective stratégique et l'APR sont attaquées par "des portions de la direction nationale du PSUV et du gouvernement qui ont objectivement une dynamique qui exprime un conflit avec des intérêts de classe, en essayant de nier la gamme de contradictions qui existent  et qui appellent à des réponses et à des changements de la part de la politique gouvernementale." car elles sont une résistance de classe "face à la ligne non engagée de la politique gouvernementale.". Aujourd’hui, ces contradictions se manifestent clairement dans l’existence de projets politiques exprimant différents intérêts de classe. D’une part, la bourgeoisie  et des fractions de la petite-bourgeoisie, à la phraséologie pseudo-socialiste, accaparent la direction du gouvernement du Venezuela et mettent en œuvre une politique bourgeoise libérale. D'autre part le dépassement de la crise par l'approfondissement du processus révolutionnaire. Des discussions ont débuté avec le PSUV mais le dialogue n'a pas pu s'instaurer, car "les projets des uns et des autres expriment des intérêts de classe différents" estime encore le PCV.

Quelle signification donner à ce texte important du PCV ? 

Rarement la critique n'avait atteint ce degrés de virulence. Si le PCV ne rompt pas avec Nicolas Maduro il est clairement engagé dans un rapport de forces avec le gouvernement et le PSUV qui se sont, selon les communistes vénézuéliens, engagés sur une voie réformiste et bourgeoise libérale. Si ces mots ont un sens, le PCV donne raison au KKE (parti communiste de Grèce) qui depuis longtemps dénonçait l'orientation bourgeoise et capitaliste du bolivarisme. Il prend à contre-pied ceux qui amalgamaient les différents courants du processus en saluant un processus révolutionnaire et prenant au mot "la phraséologie pseudo-socialiste" du pouvoir. Mais en même temps cette critique de "gauche" légitime objectivement ceux qui, de "droite" ou de "gauche", avaient une attitude critique à l'égard du processus bolivarien. 

Pour les uns trop à gauche, néo-bolchevick à soubassement totalitaire, pour les autres semi-traître et ennemi de classe des travailleurs cherchant un compromis impossible avec l'impérialisme et l'oligarchie, Maduro est affaibli par ce positionnement du PCV, même si celui-ci n'est pas une force centrale de la vie politique du pays. Le PCV est même marginalisé : ses scores lors des élections législatives de 1973  sont de  0,7 %, en 1978 0,5%,  1 % en 1983 et 0,3 % en 1988 et en 1993.Il a actuellement 3 députés.

Durant la période de Chavez le PCV connaît une embellie relative qui en fait la 4e force de la coalition qui soutient Chavez, avec 1,2% du vote national aux présidentielles de 1998 et en 2006, 2,9%.

Il est aujourd'hui une composante, réduite, mineure mais audible de la coalition bolivarienne. Reste que le score de l'APR aux législatives de décembre 2020 sera une indication de l'écho de l'aile gauche du processus bolivarien et des rapports de forces au sein de la coalition bolivarienne mais aussi et surtout avec la droite, elle-même divisée.

Reste que la menace d'un putsch fasciste d'une fraction (au moins) de la droite et de Washington reste d'actualité. D'autant plus si la perspective d'une victoire de la gauche se confirme. Les interventions des puissances impérialistes, des États-Unis et de l'UE, Macron en tête, le sabotage économique, la subversion terroriste, la campagne médiatique de fake-news contre le Venezuela bolivarien, font craindre le pire.

Aussi qu'elle que soient les débats, légitimes à gauche, la solidarité avec le Venezuela bolivarien reste plus que jamais à l'ordre du jour de tous les progressistes.

 

Antoine Manessis.

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