"Notre vengeance sera le rire de nos enfants" Bobby Sands

Le Brexit pourrait bien être une occasion de poser la question de l'unification de l'Irlande.

En effet l'île est divisée depuis 1921 à la suite de la lutte de libération nationale menée par les Irlandais.

Cette lutte séculaire a connu une renaissance contemporaine avec l'insurrection de Pâques 1916. Celle-ci est vaincue et ses dirigeants fusillés par les impérialistes britanniques. Mais ce fut pourtant le point de départ du combat de libération contemporain. Au sein du front patriotique qui se mis en place à cette époque il faut noter la présence forte d'un courant marxiste dirigé par James Connolly. Il est l'un des cofondateurs de l’Irish Labour Party et de l'Irish Citizen Army - dont Lénine dira qu'elle fut " la première Armée rouge en Europe"- qui deviendra une composante de l’IRA (Irish Republican Army). Très impliqué dans le syndicalisme de lutte avec Jim Larkin au sein de l'Irish and General Workers'Union (ITGWU), Connolly est un des marxistes qui a su comprendre l'importance de la question nationale. Sa très célèbre phrase "La cause du travail est la cause de l’Irlande. La cause de l’Irlande est la cause du travail" résume parfaitement sa pensée.  Connolly  fut fusillé le 12 mai.

Après un combat acharné, une guerre d'indépendance où l'impérialisme fit preuve de sa sauvagerie et les Irlandais de leur héroïsme, un  compromis fut signé en 1921, le Traité de Londres. Accepté par une partie des patriotes irlandais mais refusé par d'autres et une large majorité de la population,  cet accord a provoqué la division du pays. Ce traité fut l'élément déclencheur d'une guerre civile entre les anti-Traité et les partisans de celui-ci qui dura jusqu'en 1923. Les pro-Traité dirigèrent le pays jusqu'en 1933, date à laquelle Emon de Valera, qui était anti-Traité, gagna les élections. Progressivement un processus politique permis à l'Irlande d'affirmer son indépendance et aboutit en 1949 à la proclamation de la République d'Irlande. Cela étant la division de l'Irlande provoque la perpétuation de la lutte de libération nationale dans la partie occupée par l'impérialisme britannique.

Un mot sur le Parti Communiste d’Irlande (CPI). Il a été fondé en octobre 1921. Son président était Roddy Connolly, le fils de James. Roddy Connolly avait participé militairement, à l’âge de 15 ans,  au Soulèvement de Pâques. Roddy Connolly expliquait qu’en échange d’un partage des pillage du butin de l’Empire britannique et de l’exploitation des travailleurs irlandais, l'aile droite pro-Traité du Sinn Féin, et avec elle la couche supérieure de la bourgeoisie irlandaise qui le soutenait désormais, avaient détruit ensemble le mouvement pour l’indépendance et renforcé l’impérialisme britannique. Il combat avec les Anti-Traités et tente d'orienter le mouvement vers des positions de classe et rassembleuses. Mais en 1923, tout était fini. l’État Libre, soutenu par Churchill et Lloyd George, avait triomphé. La Guerre Civile Irlandaise jeta la lumière sur les divisions de classe à l’intérieur du mouvement irlandais pour l’indépendance.

Le combat pour l'indépendance et la réunification de l'Irlande continua durant des décennies. Chacun connait le Bloody sunday où les troupes britanniques commirent un massacre contre des manifestants pacifiques irlandais des Droits civiques en 1972. Ou en 1981 l'agonie héroïque du militant Républicain Bobby Sands et de neuf de ses camarades morts après une longue et terrible grève de la faim pour obtenir un statut de prisonniers politiques. Margaret Thatcher, premier ministre britannique, ne cédera jamais déclarant même avec cynisme "Nous ne sommes pas prêts à accorder un statut spécial catégoriel pour certains groupes de gens accomplissant des peines à raison de leurs crimes ou délits. Un crime ou un délit est un crime ou un délit et seulement cela, ce n'est pas politique". Elle et l'impérialisme britannique ont assassiné B.Sands et ses camarades. Bobby Sands avait qu'en à lui écrit peu avant sa mort  "J'étais seulement un enfant de la classe ouvrière d'un ghetto nationaliste, mais c'est la répression qui a créé l'esprit révolutionnaire de liberté. Je ne me reposerai qu'à la libération de mon pays, jusqu'à ce que l'Irlande devienne une république souveraine, indépendante et socialiste. Notre vengeance sera le rire de nos enfants. " 

Après donc des années de combat militaire et politique l'IRA et son organisation politique, le Sinn Fein, signèrent les accords du" Vendredi saint" avec les Unionistes (les protestants qui veulent rester dans la Grande-Bretagne), le gouvernement britannique et de la République d'Irlande. Certains membres de l'IRA s'opposèrent à cet accord.

C'est dire que la question incontournable de l'unification de l'Irlande continue de se poser. Le Brexit actualise cette problématique de façon indirecte. En effet si la G-B sort de l'UE, la République d'Irlande étant dans l'UE et l'Ulster (Irlande du Nord) dehors, puisque le Nord de l'Irlande est toujours occupée par les Britanniques, les gouvernements britannique, irlandais et l'UE sont face à un casse tête. Ils tentent de trouver des solutions pour régler les éventuels problèmes que poserait cette situation. Or il n'y a qu'une seule solution pour résoudre la question : la réunification de l'Irlande. Et sans doute un référendum au sein de l'Irlande réunifiée sur l'appartenance ou non du pays à l'UE. Sachant que le PC Irlandais est pour la sortie de l'UE. Le Sinn Fein par la voix de sa dirigeante, Mary Lou McDonald, a déclaré "Il est temps de commencer à se préparer à cette unification."Des membres de la classe politique nous disent que ce n'est pas le moment de discuter de l'unité irlandaise. Ils ont tort. C'est vraiment le bon moment pour en discuter (...) Le gouvernement doit commencer à en préparer les plans", a-t-elle dit. "Le chemin à suivre pour que le Nord soit dans l'UE est clair, c'est l'unité de l'Irlande", a ajouté la dirigeante du Sinn Féin. Sans doute le SF pense-t-il que appartenance à l'UE favoriserait la réunification. Et sans doute est-ce une erreur de calcul puisque nul n'a vu que l'UE favoriser l'indépendance de quelque pays que ce soit. C'est même l'exact contraire.

Antoine Manessis.