Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

Le projet de Sahra Wagenknecht devait se concrétiser dans une nouvelle orientation de la gauche. Pour ce faire, la figure de la gauche radicale allemande avait créé son propre courant ou mouvement Aufstehen ! (Debout !).

Son objectif était de combattre l'extrême-droite, l'AfD, et de réintroduire la lutte des classes dans le débat politique. Critique à l'égard de l'UE, le mouvement prône "une Europe unie de démocraties souveraines", ce qui reste ambiguë. Mais il prône aussi des nationalisations, des emplois sûrs, de bons salaires, une fiscalité juste et un nouvel État social. Contrairement aux caricatures des adversaires de gauche (et de droite) de Aufstehen, il se positionne  pour assurer le droit d’asile pour les réfugiés. Mais insiste pour "lutter sur place contre la pauvreté, la faim et les maladies de la misère et ouvrir des perspectives dans les pays de naissance" des migrants. Enfin Aufstehen s'inscrit dans le cadre d'un capitalisme keynésien "social, souverain et réglementé", avec une politique étrangère de coopération plus étroite avec la Russie. 

Certains à Die Linke pensent que "Le problème, c'est qu' Oskar Lafontaine (fondateur de Die Linke) et Sahra Wagenknecht ne tiennent pas vraiment à faire l'union des gauches". D'autres dirigeants de Die Linke les accusent de "populisme". Au SPD on parle "d'attaque frontale contre la social-démocratie". D'autres, y compris en France, accusent Aufstehen d'être "anti-migrant". Selon Pierre Rimbert, du Monde Diplomatique, cette question migratoire serait très largement instrumentalisée à des fins de décrédibilisation du mouvement. Reste que le positionnement sur la question migratoire semble problématique pour toute la gauche en Europe. Mais il est vrai que plus celle-ci s'éloigne de la référence marxiste, plus il lui devient difficile d'exprimer une option de classe sensée.

Die Linke ayant rompu ses liens avec la classe ouvrière allemande, étant devenu un porte-voix de la petite et moyenne bourgeoisie, rejetant le marxisme au profit d'un anti-racisme sans contenu de classe et d'un "populisme de gauche" européiste, on pouvait penser que, malgré ses limites, la tentative de Lafontaine et Wagenknecht pouvait permettre à la gauche de retrouver le chemin de la classe ouvrière. On pouvait penser que Aufstehen avait saisi qu'on ne combat le poison du racisme que par la lutte sociale, les revendications sociales unifiant le combat d'une classe ouvrière aux origines différentes.

La démission de Sahra Wagenknecht (qui est née en 1969 en RDA et avait adhéré en 1989 au SED) de la direction de Aufstehen sonne tout de même comme un échec, au moins provisoire, d'Aufstehen. Les résultats des récentes consultations électorales montrent que les couches populaires allemandes, les citoyennes et citoyens de l'ex-RDA en particulier, lourdement frappés par l'annexion néolibérale violente de la RFA, se tournent plus volontiers vers l'extrême-droite que la gauche. Oscar Lafontaine a résumé la question sans apporter de réponse: "Regardez ce qui se passe en ex-Allemagne de l’Est : l’AfD y est devenu le parti des travailleurs et des demandeurs d’emploi. Cela doit nous faire réfléchir, à gauche, sur ce que nous avons raté".

Pas seulement en Allemagne.

 

Antoine Manessis

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :