Impérialisme français, hors d'Afrique !

Prenons le bon côté des choses: le coup d'Etat au Niger est un revers pour les impérialistes français.

Et ce qui affaiblit, non pas le pays, mais l'impérialisme français est une bonne nouvelle. Dien Bien Phu en fut une, bien sûr d'une autre dimension véritablement historique. Mais ne boudons pas notre plaisir quand un pays fout un coup de pied au cul de l'impérialisme français. Même si les jeux ne sont pas encore faits.

Emmanuel Macron a condamné "avec la plus grande fermeté le coup d'Etat militaire" en cours au Niger et a appelé "à la libération" du président Mohamed Bazoum. "Ce coup d'Etat est parfaitement illégitime et profondément dangereux pour les Nigériens, pour le Niger, et pour toute la région", a poursuivi le président. Oubliant qu'il y a des coups d'Etat dont Macron se dépêche de reconnaître la légitimité quand ils sont conformes aux intérêts des grands capitalistes français comme au Tchad. 

Evidemment pour le reste on doit attendre. Mais cela concerne le peuple du Niger. Certainement pas le président français.

Quelle sera l'orientation des militaires putschistes ? Sachant que le prétendant au pouvoir est l'ancien chef de la garde présidentielle, le général Abdourahamane Tiani, un fidèle du président renversé, on ne peut que modérer son enthousiasme.

Mais au-delà des manœuvres des élites, on doit tenir compte des courants de fond qui travaillent les peuples d'Afrique. En Centre-Afrique, au Mali, au Burkina, en Guinée...un peu partout les peuples sont excédés par le néo-colonialisme français avec ses troupes qui croient encore pouvoir décider du sort des Africains et exploiter leurs richesses.

Ce que l'on sait c'est que l'opposition au président déchu, Mohamed Bazoum, est composée de forces anti-impérialistes et que leur présence compte pour les putschistes s'ils veulent s'appuyer sur une base de masse. Ce que l'on sait aussi c'est que la population nigérienne est excédée face aux scandales de corruption chronique. Par ailleurs le gouvernement n’a pas été capable de répondre aux menées djihadistes qui trouvent un terreau favorable du fait de la situation sociale.

Ce sont d'ailleurs les raisons qu'a données le général Tiani, président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), pour justifier le coup d'Etat: "Les forces de défense et de sécurité regroupées au sein du CNSP ont mis fin au régime de la VIIᵉ République, une action motivée par la seule volonté de préserver le Niger de la dégradation continue de la situation sécuritaire, et cela sans que les autorités déchues nous laissent entrevoir une véritable solution de sortie de crise". Le Niger, jusqu'alors vassalisé par les pays occidentaux, devient le troisième pays du Sahel, miné par les attaques de groupes djihadistes à connaître un coup d'Etat depuis 2020. "L'approche sécuritaire actuelle n'a pas permis de sécuriser le pays" a ajouté le général Tiani, ce qui est difficilement contestable.

Bien entendu les médias des milliardaires (qui pillent l'Afrique) et de l'Etat français dénoncent déjà la main de Moscou, comme au bon vieux temps où Massu voyait la main du communisme international en Algérie. La finesse de l'analyse est toujours la même. Sauf que les véritables chercheurs ne pensent pas que ce soit le cas. Que les différentes puissances impérialistes aient des vues sur l'Afrique et cherchent à en tirer profit, cela ne fait pas de doute.

Reste que ce sont les peuples qui en dernière instance décident. Et pour le moment les habitants de Niamey ont apporté leur soutien aux militaires putschistes, écœurés par l'impuissance du président déchu et sa servilité à l'égard de l'impérialisme français. Les populations ouest-africaines sont en quête de plus d’indépendance et moins d’ingérence dans les affaires de leur pays par la France. Le Niger va-t-il devenir membre de ce consortium de nations africaines qui en ont marre du "partenariat unipolaire" (Afrique/Occident) et optent pour une multipolarité de leur coopération (Afrique/reste du monde) et le non-alignement ?

On peut l'espérer.

Antoine Manessis.