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A propos de d'Alexis Tsipras nous écrivions le 22 mai dernier dans notre article Tragédie grecque: "Aura-t-il un sursaut de dignité et quittera-t-il la direction de Syriza?" Et bien c'est fait. Ca ne règle pas grand chose mais c'est une condition de base à un sursaut de la gauche.

Syriza fut une alliance de gauche radicale, de communistes, de trotskystes, d'écologistes et de sociaux-démocrates de gauche, des marges de la vie politique grecque.

La vie politique grecque était bipolaire, dominée par la ND (droite) et le PASOK (social-libéralisme). Le vote pour Syriza bouleversa la donne politique. Son score électoral était de 3,5 % en 2004, 4,6% en 2009 et 36% en 2015.

C'est alors que la gauche devint majoritaire et accéda au gouvernement. Un vent d'espoir balaya le pays.

Face aux pressions de l'UE, de la BCE et du FMI, la Troïka, Tsipras organise un référendum pour connaître l'opinion du peuple grec en juillet 2015. Elle est sans appel 61,3% disent OXI (Non en grec) au chantage de la Troïka, au diktat de l'Allemagne comme puissance dirigeante de l'EU.

Pourtant lorsque la Grèce est menacée d'être jetée hors de la zone euro, le gouvernement Tsipras accepte les conditions drastiques du plan de la Troïka: une austérité sauvage et une mise sous tutelle du pays. Pour ceux qui ont voté Syriza, ce sera un jour de deuil.

Le gouvernement de Syriza a passé outre la décision du peuple, il a capitulé devant la volonté d'écraser radicalement la tentative du premier gouvernement de gauche radicale en Europe et il a poursuivi l’austérité. Ce fut vraiment le moment charnière, ce qui a provoqué la chute de la popularité de Syriza et la progressive remontée de la droite, Nouvelle Démocratie.

Le peuple grec ne pardonnera pas cette trahison. D'autant que d'autres solutions étaient envisageables, mobiliser les masses, se tourner vers des partenariats alternatifs, bref se battre. Mais aussi, si l'on estimait ces alternatives irréalistes, dire la vérité au peuple Hellène et se replier en bon ordre dans la dignité pour poursuivre le combat et ne pas se transformer en Quisling de l'a Troïka. Plutôt que cela, Tsípras fait le choix de devenir l'exécuteur du plan de méga-austérité et de négation de la souveraineté du peuple. Il déclare lui-même "J'assume la responsabilité d'un texte auquel je ne crois pas, mais je le signe pour éviter un désastre au pays". Cela a provoqué une désorientation politique parmi ceux qui soutenaient Syriza. Tsipras a reconnu que des accommodements avaient été faits par Syriza malgré et contre le vote massif des Grecs pour rejeter les conditions de "sauvetage" lors du référendum.  "Nous en étions arrivés au point où nous ne savions plus si nous étions de gauche, de centre-gauche ou centristes "raconte Makis Balaouras, un ancien député de Syriza qui avait été emprisonné et torturé par la junte des colonels. 

Sans doute est-ce sévère mais le raisonnement de Tsipras était un raisonnement pétainiste : capitulation et collaboration.

Sa réaction une fois acculé fut d'apparaître comme le bon élève de l'UE et de se constituer une base de masse alternative en Grèce.  Il se met en chasse des électeurs centristes, apparaissant fréquemment lors de réunions de groupes socialistes en Europe tout en faisant appel aux partisans traditionnels du centre-gauche chez lui. Quand la gauche court après le centre, elle perd. C'est le cas dans toute l'Europe.

Syriza entre dans une crise existentielle, cachée par le fait que des Grecs estiment que même un Syriza déshonoré et démonétisé est préférable à la Droite. Mais ils ne sont plus que 18% à l'assumer dans un isoloir.

Que reste-t-il donc de Syriza ? Il faut tirer de son déclin cette conclusion : quand la gauche se coupe du monde du travail, elle se perd. Syriza a recentré son discours sur l’affaire des écoutes, les problèmes liés à l’État de droit ou la critique de la mafia grecque. Ces questions sont essentielles, mais quand le coût de la vie augmente de 7,4 %, quand des parents doivent se priver pour donner à manger à leurs enfants, quand ils ne peuvent plus se soigner, quand des  foyers ne peuvent plus partir en vacances, elles ne sont pas les questions prioritaires. Un Grec sur quatre est menacé de pauvreté ou d'exclusion sociale, selon l'autorité statistique du pays. Le taux de chômage de 18,5% est le plus élevé de la zone euro. Les jeunes sont les plus touchés : près de 40% d’entre eux sont sans emploi. Et le pays perd ses forces vives : 400 000 jeunes diplômés ont émigré depuis le début de la crise, un chiffre considérable sur une population de 10,7 millions d’habitants. La Grèce est donc loin d’être tirée d’affaire, malgré 10 ans de thérapie néolibérale de choc, à laquelle Syriza a contribué et participé.

Même lors de l'accident ferroviaire qui fit 57 morts si les proches de Syriza accusaient le gouvernement Mitsotakis, ceux proches de Nouvelle Démocratie lui reconnaissaient une responsabilité, mais ils soutenaient qu’elle était partagée et que le gouvernement Mitsotakis avait hérité de la privatisation réalisée par Syriza. Et c'était vrai. Sans compter que les Grecs sont très politiques et qu'ils savent que Mitsotakis obtiendra sûrement aux yeux de l’Europe un traitement plus léger, parce qu’il représente quelque chose que l’UE aime bien : un parti néo-libéral, autoritaire et conservateur.

Si tous ces partis semblent compromis aux yeux de l’opinion grecque et que l'on constate là-bas comme ailleurs la désaffection politique, on peut avoir une note d'espoir en voyant comment les jeunes ont voté: 33 % des 17-24 ans ont voté Nouvelle Démocratie, 28,8 % Syriza, 10,5 % pour le Pasok, 6,4 % pour le KKE, 5,9 % pour Solution grecque et 5 % pour MéRA25. Nouvelle Démocratie fait donc un moins bon score chez les jeunes que dans la population, contrairement aux partis de gauche.

Il faut noter aussi que la ND est davantage un parti de masse qu’un mouvement. Contrairement à Syriza. A l'heure où la question de l'organisation de la gauche se pose partout et en France particulièrement, ce constat devrait aider à prendre de nouvelles orientations plus démocratiques et plus claires. Répétons-le la question de la structure organisationnelle de la gauche est une question centrale face à d'inéluctables affrontements de classe.

Un mot sur le KKE (le Parti communiste de Grèce). Il reste un parti extrêmement organisé, qui n’est pas coupé du monde du travail. Il dispose même d’un courant syndical, le PAME, un front très présent dans les luttes sociales.

Mais le KKE sous une apparence monolithique est plein de contradictions et d’ambiguïtés : il prône la révolution en mots mais lors du référendum de 2015 il a appelé à voter nul alors que ce vote portait un potentiel révolutionnaire trahi par le KKE comme par Syriza, il reste hostile aux formes que peut prendre la contestation social quand il ne la contrôle pas (il est contre le mouvement des places),  il soutient la sortie de l’Union européenne, mais participe aux élections européennes et last but not least il n’offre pas aucun débouché, aucune alternative. En fait ayant théorisé l'abandon de toute politique d'alliance, il s'est figé dans un rôle tribunicien mais sans aucune perspective politique autre que l'affirmation messianique de la révolution "socialiste-communiste" à laquelle personne, y compris lui-même, ne croit.

Mais dans la mémoire collective grecque, c’est le parti de la Résistance. De la Résistance durant la Seconde guerre mondiale (EAM-ELAS), de la guerre civile (AD), de la dictature des colonels et aussi en un sens de résistance sociale.

Quand aux gauches radicales et aux gauchistes, ils ont été pulvérisés, aucun ne parvenant au 5% qui permet une présence parlementaire. Même la tentative intéressante de Varoufakis allié avec l'Unité Populaire a tourné au fiasco. Sur ce champ de ruines mais aussi d'expériences politiques, il va falloir reconstruire une gauche crédible ce qui sera, ne le cachons pas, d'une extrême difficulté compte tenu du positionnement de Tsipras en 2015 dont l'héritage sera un boulet, du dogmatisme et du sectarisme du KKE, de l'inconsistance de la gauche radicale.

Le Premier ministre Mitsotakis s’est présenté comme le Macron grec et leurs politiques sont de fait très similaires et leurs alliances politiques se ressemblent aussi.  Mitsotakis a anticipé légèrement : dans son gouvernement trois ministres qui viennent d’une extrême droite antisémite, raciste, xénophobe et anti-LGBT. 

 

Antoine Manessis.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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