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Extrait de l'affiche du film L'Hypothèse démocratique, de T. Lacoste (2021)

 

 

 

Le 31 juillet 1959 était fondé ETA (Euskadi ta Askatasuna - Pays Basque et liberté), un mouvement révolutionnaire et indépendantiste en lutte contre le terrorisme du régime franquiste, puis contre l'Etat espagnol post-franquiste. L'organisation prenait comme symbole un serpent (représentant la sagesse, et par extension la politique) enroulé autour d'une hache (représentant la force, et par extension la lutte armée). 

ETA annonce en 2011 un cessez-le-feu "permanent, général et vérifiable" et son autodissolution en 2018.

Ce fut au prix d'un long et coûteux combat, 60 années de lutte contre l’État espagnol et pour un Pays basque socialiste et indépendant. L'histoire d'ETA est faite de propositions politiques, de stratégies politico-militaires et d’actions armées. D'ailleurs il est notable que les phases d’offensive armée interviennent à l’appui de négociations politiques dans une perspective de règlement du conflit. 

Loin d’être la "bande terroriste" que les médias espagnols et français se plaisent à dépeindre, ETA s’efforce d’intervenir dans le champ politique comme un acteur à part entière, porteur d’une stratégie politique (politico-militaire), et déploie son action sur les plans politiques, militaires et sociaux avec des moyens d’action pour une large part illégaux. ETA pratique, de façon privilégiée, le ciblage des victimes. Même s'il y eut des victimes "collatérales".

 

Par ailleurs il est clair qu'ETA a connu des périodes historiques différentes en 60 ans. La période de la lutte contre le franquisme, puis pendant la "transition", puis la guerre d'usure (terrorisme d'ETA et terrorisme d'Etat) et enfin le chemin de l'abandon de la lutte armée et de l'affirmation de la lutte politique. Reste donc que les évolutions stratégiques opérées par ETA, confirment qu'au sein de l'organisation, le politique a prévalut sur le militaire.

Il faut noter également que, plusieurs fois, les solutions politiques étaient sabotées par le pouvoir espagnol (arrestations des négociateurs, révélations publiques...). Sans parler du terrorisme anti-ETA par des groupes mêlant policiers, truands et militants d'extrême-droite, véritables "escadrons de la mort" comme les GAL de sinistre mémoire. Ajoutons que la "guerre sale" contre ETA fut menée des deux côtés de la frontière par les gouvernements espagnol et français.

 

L'histoire d'ETA n'est pas unilatérale, l'organisation réagit au contexte dans lequel elle se meut. Ainsi au début des années 2000, l’attaque contre la gauche abertzale prend la forme d’interdictions légales de partis (Herri Batasuna), d’associations (Jarrai/Haika, Segi, Xaki, Gestoras Pro Amnistía), de l’assemblée des maires et des conseilleurs municipaux (Udalbiltza), de syndicats (Langile Abertzaleen Batzordeak - LAB), de journaux (Egin, Gara, Ardi beltza, Euskaldunon Egunkaria) . Elle s’incarne également dans "l’Accord pour les libertés et contre le terrorisme" signé entre le Parti populaire et le Parti socialiste à Madrid. Enfin, l’offensive antiterroriste du gouvernement espagnol met à profit les attentats du 11 septembre à New-York et du 11 mars à Madrid  pour mobiliser contre ETA qui n'a rien à voir avec eux. La presse participe bien évidemment à cette offensive. Et ETA, tout en montrant son existence, est obligé de tenir compte de cette donne nouvelle.

Les périodes de mobilisation armée soutenue sont associées à des moments politiques forts pour le Pays basque telle la transition vers la démocratie où se joue le statut politique de la région ou les phases de négociation avec le gouvernement du début des années 1990. Elles sont également liées à une dynamique de réaffirmation d’une présence sur la scène politique (cas des années 2000 comme nous l'avons effleuré plus haut). ETA s’est efforcée, par ses actions militaires et ses propositions politiques, de se placer sur la scène publique comme un acteur politique incontournable. Il s’est agi, pour l’organisation armée, d’instituer un rapport de force avec le gouvernement, dans une logique politique, afin de parvenir à une négociation.

 

Aujourd'hui, à la lumière des récentes élections municipales, régionales et législatives au Pays Basque on se rend compte que la gauche abertzale et EH Bildu, sa coalition, connait une progression remarquable puisqu'elle dépasse le PVN et que cela ouvre des perspectives politiques pour le peuple basque.

On remarquera aussi le parcours parallèle entre le Sinn Fein irlandais et EH Bildu basque qui recueillent les fruits des luttes passées (IRA et ETA) et de leur capacité à s'adapter au changement sociaux, politiques et culturels afin d'atteindre leurs objectifs historiques en faisant "l'hypothèse démocratique"*.

 

Antoine Manessis

 

 

Des dizaines de prisonniers politiques basques (180) sont encore scandaleusement emprisonnés en Espagne et en France. 5 ans après l'auto-dissolution d'ETA. La vengeance d'Etat en Espagne et en France doit cesser. Exigeons la libération immédiate des prisonniers politiques basques.

 

* "L'hypothèse démocratique" est un documentaire absolument remarquable de Thomas Lacoste dont nous avons parlé le 6 mai 2022 sur NBH 

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