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Au Liban la misère pousse les enfants hors de l'école à la recherche de petits boulots

 

Noël. S'il est un moment chez nous où les injustices à l'égard des enfants sont particulièrement ressenties c'est bien Noël. Dans l'océan de malheur qui frappe des enfants dans le monde impossible de choisir et de hiérarchiser. Qu'ils fabriquent des briques à partir de cinq ans du lever au coucher du soleil au Bengladesh ou qu'ils survivent en bande dans les rues de Rio sans espoir, affaiblis par les maladies et la dépendance à la drogue, des enfants souffrent et parfois meurent par la faute d'un système inhumain qui exerçât les mêmes terribles ravages il y a deux siècles à peine en Angleterre ou en France.

En cette période de fête, déjà toute relative en France où des millions de nos concitoyen-nes vivent sous le seuil de pauvreté, comment ne pas penser aussi aux enfants du Liban, au peuple libanais ?

En effet ce sont 74 % des Libanais qui vivent désormais sous le seuil de pauvreté. Le Liban traverse, depuis 2019, une crise économique sans précédent, l'une des pires dans le monde selon la Banque mondiale. Dans le pays, où le salaire minimum ne dépasse pas les 25 dollars quatre Libanais sur cinq dépendent désormais de l’aide alimentaire et sont considérés comme pauvres  selon l’Organisation des Nations unies.

Le président libanais estimait durant ses vœux à la télévision que le Liban aurait besoin de "six à sept ans" pour sortir de la crise. Pourquoi pas cinq er six ou dix et onze....on se le demande. De la part d'un des responsables de cette tragédie c'est un peu fort. Quant au gouverneur de la Banque centrale du Liban, Riad Salamé, autre acteur du drame, il affirmait que le Liban avait besoin de 12 à 15 milliards de dollars pour relancer son économie. 

Mais de quoi parlent-ils ces gens de la caste dirigeante ?

La crise n'est pas la peste noire. Elle est le produit d'un capitalisme débridé qui a gonflé une bulle financière qui a explosé détruisant toute la société. La corruption omniprésente caractérise l’élite capitaliste au pouvoir, qui pille et exploite le Liban depuis des années. Le port de Beyrouth est surnommé "la caverne d’Ali Baba et des 40 voleurs" tant y abondent le détournement et le blanchiment d’argent public, et les pots-de-vin versés pour éviter les droits de douane. Les politiciens et les hauts fonctionnaires sont impliqués depuis des décennies. Une chute impressionnante de la livre libanaise (la lira) lui a fait perdre une part importante de sa valeur. Les riches ont pu spéculer sur les devises et en tirer de remarquables profits. Ils se sont encore enrichis, alors que l’hyperinflation détruisait les conditions de vie des pauvres et liquidait l’épargne de la classe moyenne, paupérisant toute la société. Seule une poignée de capitalistes richissimes à force d’arnaques, de vols et de corruption ont pillé les finances publiques, s’enrichissant encore en creusant le déficit public, jusqu’à forcer le gouvernement libanais à faire défaut. Ce sont eux qui ont littéralement réduit leur pays à la banqueroute.

La crise touche toutes les activités du pays et tous les secteurs. La santé par exemple puisque le Liban n'a plus les moyens d'acheter 85% des médicaments. Que les  Libanais ne peuvent plus payer leur hospitalisation, la dévaluation de la livre libanaise rend inaccessible le paiement de médicaments et des soins hospitaliers. Que 40% des soignants ont fuit le pays pour échapper à la catastrophe.

Le système politique et sa répartition sectaire est bloqué. Chacun campe sur ses positions avec sa base de masse. Les Forces libanaises chrétiennes, le Courant du Futur de Saad Hariri, les Aounistes (partisans du présidente-général Aoun), Amal, le Hezbollah, le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt toutes les forces qui comptent au Liban sont incapables d'envisager un système politique non-confessionnel, non-sectaire, laïc qui à terme les feraient disparaître au moins en tant que tels. 

Sans compter le jeu des puissances régionales comme l'Arabie Saoudite qui souhaite affaiblir le Hezbollah, allié de l'Iran et des grandes puissances qui soutiennent chacune une des factions libanaises. Rappelons l'ingérence et les déclarations surréelles de Macron et sa visite au Liban où il s'est comporté comme un satrape, un gouverneur du temps béni des colonies. Sans oublier l'exploitation de la situation au Liban par les néofascistes, Zemmour par exemple cite cette crise comme le résultat du "multiculturalisme".

Un vaste mouvement populaire a ébranlé le système en 2019 mais il a avorté. Et les forces progressistes sont relativement faibles. Le Parti communiste a participé en 2019 et 2020 aux très massives manifestations visant le système confessionnel, la corruption et les inégalités sociales. Avec les formations politiques situées les plus à gauche du mouvement (Mouvement citoyens et citoyennes dans un État, Mouvement des jeunes pour le changement, Mouvement du peuple, Organisation populaire nassérienne) ils ont esquissé une sortie de gauche de la crise. Hélas ce mouvement n'a pas abouti. Et la menace de guerre civile, agitée par les factions opposées, reste comme une épée de Damoclès sur la tête du peuple libanais déjà assommé par tant de coups.

Le Liban est un exemple de ce à quoi aboutit un capitalisme déchaîné. Exemple dont les médias se détournent tant il met en cause ce qu'ils servent. Exemple dont la gauche doit aussi tenir compte.

 

Antoine Manessis.

 

 
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