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Nous sommes au lendemain d'élections municipales qui se sont déroulées dans des conditions particulières compte tenu de la pandémie qui frappe notre pays et dont le trait marquant est la forte abstention. Certes l'abstention relève pour partie de la crise sanitaire mais elle exprime aussi un décrochage croissant des citoyens pour des élections qui semblent de plus en plus a-politiques. Les partis se cachent, honteux de ce qu'ils sont, ne comprenant pas, semble-t-il, que cette prolifération de dénominations imbéciles, dépourvues de sens politique, ne peuvent que dégoûter davantage les citoyens que les candidats prennent pour des idiots.
La crise de la représentation politique ne tombe pas du ciel. Elle est la conséquence de multiples facteurs dont l'analyse n'est pas le sujet de ce bref article mais disons pour résumer que la rupture démocratique est le résultat d'une action politique, celle des classes dirigeantes et de ses "fondés de pouvoir", qui vise justement à éliminer le facteur "peuple" de la donne politique. C'est bien une sorte de vote censitaire qui est voulu et mis en place par le pouvoir. Les mesures prises sur la plan institutionnel et politique visent à éloigner les masses des élections. La construction de l'Union Européenne est une caricature de cette logique. Mais, faisant cela, la bourgeoisie sape l'un des fondements de sa domination : le consentement auquel l'élection contribuait.
Les intercommunalités, les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les métropoles, cassent les communes qui sont l'échelon de base de la République française et de notre démocratie. Cet éloignement institutionnel des centres de décision de la commune vers les régions, les nouveaux fiefs des féodaux modernes, explique largement l'abstention constatée. D'autant que les maires, même plus ou moins vaguement progressistes, ne mènent pas de batailles politique avec les citoyens contre la baisse des dotations de l'Etat. Ils ne font qu'accompagner le mouvement en pleurnichant mais finalement en appliquant à leur tour des politiques austéritaires.
Reste que les communistes ne parviennent pas à apparaître porteurs d'une alternative crédible même en unissant leurs forces : par exemple à Lens le PCF et le PRCF présentaient une liste commune qui réalise le score de 2,6%... Le maire PS est réélu au 1er tour avec 55,5%, suivi du RN 22,8, d'un divers droite 12,4, d'EELV 5,5 et LO réalise 1,3. Attendons l'analyse sans complaisance qu'en feront nos camarades.
Henning Mankell
Pour finir nous avons cru utile de citer le grand écrivain suédois Henning Mankell * qui en 2011 dénonçait déjà avec beaucoup de lucidité l'atteinte gravissime à la démocratie que représente cette attaque concertée du grand capital et de son Union Européenne contre les communes.
" Les citoyens sont de plus en plus nombreux à exprimer le fait qu'il ne se sentent plus partie prenante de la démocratie.
On retrouve cela à plein d'endroits du monde mais en Suède je prétends que le processus à été enclenché en 1963, quand nous avons instauré le regroupement des communes. D'un coup les décisions se sont prises à plusieurs dizaines de kilomètres de l'endroit où ces résolutions allaient être appliquées. A partir de là le sentiment qu'avaient les gens de pouvoir s'identifier aux décisions politiques s'est vidé de sa substance. Et c'est pourquoi j'affirme que l'un des tournants le plus décisifs et les plus dangereux de l'histoire politique suédoise a été prise à ce moment-là, quand nous sommes passés des petites communes aux communautés de communes." ( Mankell (par) Mankell. Un portrait. Kirsten Jacobsen)
Antoine Manessis.
* Henning Mankell (1948-2015) romancier et dramaturge suédois, tout particulièrement connu comme auteur d'une série policière (que je ne saurais trop vous conseiller) ayant pour héros l'inspecteur Kurt Wallender. Critique sociale et politique se retrouvent dans ses œuvres. Mankell fut un militant engagé aux côtés des peuples d'Afrique et du peuple palestinien, il participa à l'expédition organisée en faveur de Gaza qui donna lieu à un abordage israélien qui fit une dizaine de morts.