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                                                                      Conversion de Paul 

 

Comment ne pas être frappé par le discours de Macron d'hier dans le contexte de la pandémie du coronavirus ?

Tournant le dos à ce qu'il a fait et ce qu'il a dit depuis qu'il a accédé subrepticement à la présidence de la République, il a tenu un discours, non pas de gauche, mais franchement keynésien. Il appelle à   "interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies et qui dévoile ses failles au grand jour". Il vante désormais le service public de santé, l’Etat-providence et tous ces "biens et services qui doivent être placés en dehors des lois du marché". "Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner, notre cadre de vie, au fond, à d’autres est une folie". Et de promettre "des décisions de rupture dans ce sens".  

 Sans sectarisme a priori mais après avoir connu :

- la lutte contre "fracture sociale" de Chirac,

- la "finance c'est mon ennemi" de Hollande;

- ou l'hommage par Sarkozy au jeune communiste Guy Moquet fusillé par les fascistes allemands,

-sans même remonter à la "rupture avec le capitalisme" du décoré de la Francisque,

- ou la "participation" comme hypothétique 3e voie du Commandeur,

nous nous permettrons un certain scepticisme quant aux "décisions de ruptures" de Macron. Un discours, aussi réussi soit-il, ne peut pas grand chose contre la massive réalité de la lutte des classes et des intérêts antagonistes qu'elle porte.

En revanche cet aveu keynésien du président de la République sonne comme la prise en compte de l'évolution idéologique de notre peuple. Evolution, faut-il le préciser, qui va dans le bon sens. La remise en cause du capitalisme, de sa logique, des ses œuvres et de ses pompes, est assez générale. Avec des degrés dans la compréhension et surtout dans les solutions. Et c'est là que le bas blesse : nous n'avons pas d'alternative crédible à proposer. Ni une organisation qui indique le Nord. 

Si nous laissons les groupuscules à leurs minuscules grenouillages pathétiques, seule La France insoumise atteint la masse critique qui lui permet de sauvegarder un espace politique progressiste. Mais son caractère petit-bourgeois plombe ce mouvement. Seuls des choix populaires, pas "populistes", peuvent encrer la FI là où se trouve sa force potentielle : la classe ouvrière, les précaires, les chômeurs, la base de masse des Gilets jaunes, les abstentionnistes, les habitants des quartiers populaires et une partie de l'électorat du RN. En alliance, bien entendu avec la petite-bourgeoisie cadres, ingénieurs, profs, techniciens et mais pas à sa remorque. L'orientation générale doit être à gauche, une gauche populaire et patriotique. Si Clémentine Autin ne se sent pas capable de chanter La Marseillaise tant pis. "Combien de divisions?"  pour ce courant petit-bourgeois dont l'engagement "éthique" ne l'empêche pas de partager avec la bourgeoisie son mépris "pour ceux qui clopent et roulent en diesel". Laissons Jadot jouer à la fille en vitrine du Quartier rouge d’Amsterdam pour gagner un marocain ministériel. Réaffirmons la centralité indépassable de la question sociale. Non pour l'opposer aux autres revendications mais pour qu'elle ne soit pas récupérable par le capitalisme "vert" et autres fariboles. Oui l’écologie est une chose trop importante pour la laisser aux mains d'EELV et son cortège de courgettes : verts dehors, blancs dedans.

Revenons à Macron et sa soudaine conversion. Terrassé comme Paul de Tarse sur le chemin de Damas non par une lumière divine mais par un virus, notre fringuant président trouve des accents à la Ambroise Croizat. Pourquoi ? Sans doute parce que la catastrophe où nous mène un capitalisme vainqueur du socialisme  est désormais visible, le désordre global règne, tant au niveau mondial que dans chaque pays. C'est l'URSS et la menace d'une révolution sociale qui ont obligé le capitalisme à concéder l'Etat-providence et des avancées démocratiques (suffrage universel 1945 en France). Ce sont les partis communistes qui ont donné une voix, une organisation et la dignité aux travailleurs, même s'ils furent aussi "églises et casernes" comme l'écrit encore E. Traverso.

Aujourd'hui le rapport de forces n'est pas celui-là. Mais il reste que la multiplication des mouvements sociaux à travers le monde, même sans perspective politique, crée une menace pour la capital. Il y a plusieurs façons pour lui de répondre à ce nouveau défit en gestation, la carotte et/ou le bâton. Tant que les citoyens pensent que "nous sommes condamnés à vivre dans le monde où nous vivons" comme le suggérait Furet, tant que le TINA de Thatcher imprègne les esprits, c'est un "avenir de ténèbres" (Hobsbawm) qui nous attend. Mais les nouvelles catastrophes qui nous attendent et dont la pandémie n'est que le prodrome pourraient bien remettre à l'ordre du jour la nécessité de changer le monde. Si nous devons prendre acte de l'échec du socialisme réel nous pouvons et devons chercher un nouveau chemin.

Ne serait-ce pas ce nouvel air du temps qui a inspiré à Macron un discours qui est une concession idéologique majeure à ceux, travailleuses, travailleurs des services publics justement, qui ont combattu sa politique dans notre pays ? Ce discours ne doit être en aucun cas source d'illusions mais doit être un encouragement à mener le combat sur un front toujours plus large.

Antoine Manessis. 

 

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