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Bien des camarades et des lecteurs nous disent "ignorez donc les groupuscules", pourquoi perdre du temps à répondre à des discours que personne n'entend ? Il y a du vrai dans l'argument. Mais ayant, un temps trop long, cru à l'utilité d'entretenir politiquement un flamme qui porterait en elle la chaleur, l'énergie nécessaire au mouvement des gens et des choses, nous pensons qu'il ne faut pas laisser les adeptes des sectes sur le "mol oreiller" de leurs certitudes, qu'il faut aider au réveil du "sommeil dogmatique" comme disait Kant.
Du coup en quelques lignes voyons la dernière perle théorique des jdanoviens.
Il faut déjà de prime abord apprécier le vocabulaire qui fleure bon son petit Vichinsky pour les Nuls: "les apostats « eurocommunistes » et les renégats gorbatchéviens fourriers de la contre-révolution". On appréciera aussi les guillemets - Dieu sait pourquoi - à eurocommunistes. Et la référence religieuse même pas camouflée.
On goûtera avec gourmandise la profondeur de l'analyse: "Si l’on refuse d’assumer la dialectique du patriotisme-indépendantisme populaire, de l’antifascisme et du pacifisme anti-impérialiste, c’est avant tout parce qu’on ne veut pas se rendre indépendant de la social-démocratie, fut-elle « insoumise », et qu’on veut continuer de nicher confortablement en son sein ou à ses marges. le vieux projet pourri et social-européiste de déposer une liste à ce scrutin supranational compromettant afin de « se faire connaître », de renflouer sa boutique politicienne et de rester dans le cercle de la gauche fréquentable".
Comme disait l'autre c'est là que gît le lièvre, dans le "vieux projet pourri" c'est-à-dire de présenter une liste aux élections européennes. En effet quel scandale, une liste aux élections ! Et surtout pour ce faire connaître. Quelle compromission ! Nos jdanoviens qui eux se complaisent dans l'incognito, eux qui sont si heureux d'être inconnus des travailleurs et du peuple, jamais ils n'auraient de pensées aussi opportunistes et veules. Ou alors c'est pure jalousie pour des groupes concurrents un peu moins enfermés dans la paresse intellectuelle de la répétition sans fin de vieilles formules obsolètes. Et la crainte que leur propre néant ne leur saute aux yeux s'ils se confrontaient au suffrage universel...
Ils poursuivent leur explication: "Sur de telles bases euro-complaisantes.../...on restera éternellement sous la coupe, aujourd’hui, de LFI (c’est-à-dire, sans intention péjorative envers les personnes, de la social-démocratie de gauche), des Euro-« Ecolos » ou du P »C »F-PGE (donc, vive la NUPES, horizon indépassable et voué aux navrantes défaites à répétition !), des directions confédérales euro-formatées des syndicats et/ou des diverses orgas euro-trotskistes dont l’euro-illusionnisme, voire l’euro-atlantisme (« à bas les dictateurs Poutine et Xi » ; « il faut plus d’armes pour l’Ukraine », etc.), est le fédérateur idéologique."
Cela mérite notre attention. Eux, nos jdanoviens, ne sont sous la coupe de personne, pensez-vous. Ils sont indépendants. France Insoumise, Ecolos, PCF, NPA...CGT, Solidaires... Vade retro satana ! La gauche et le syndicalisme réellement existants dans les poubelles de l'histoire, place au grand parti de Thorez. Il faudrait quand même que quelqu'un se dévoue et leur dise que nous sommes au XXIe siècle. Quant à dénoncer les chefs de file des impérialismes étasuniens, russe et chinois, "c'est de l'euro-atlantisme". Zut alors ! Lénine qui combattait tous les impérialismes (y compris le sien) devait être un "euro-atlantiste"...
Et que dire d'une phrase sublimement débile: "la NUPES est vouée aux défaites à répétition"? Une telle remarque, de la part de gens qui ne font rien, qui ne sont pas grand chose, qui peinent à réunir plus de 15 personnes à Paris et dont la défaite, l'échec, l'effondrement, l'implosion est un fait historique central, ne manque pas d'un certain sens de l'absurde. Quand le candidat des jdanoviens aura fait 22% ou - encore mieux - quand les jdanoviens auront fait la révolution ils pourront parler. En attendant un minimum de décence devrait les inciter à regarder la poutre dans leurs yeux plutôt que la paille dans l'oeil de la NUPES.
Mais poursuivons ce voyage en absurdie: ils dénoncent leurs frères-ennemis dont "la méthode menchevique n’a jamais produit que l’impuissance"....incroyable mais vrai ! Du haut de sa puissance future la secte excommunie. Elle s'adresse ainsi aux traîtres qui tentent de faire du neuf après le fiasco historique d'un modèle caduc "Alors commence par ne pas pinailler sans fin, de manière typiquement menchévique, « horizontaliste » et « gazeuse », contre le « centralisme démocratique » (c’est-à-dire contre la discipline démocratique révolutionnaire du prolétariat dans son parti) et contre la forme-parti"
On croit rêver...On ne sait trop ce que les menchéviks ont à faire avec ces délires, mais on sait où nous a amené le "centralisme démocratique" et la "forme-parti". On le sait suffisamment pour que l'on recherche des formes d'organisation débarrassées des scories du passé et de la défaite.
Mais ils ne s'arrêtent pas là, nos révolutionnaires en charentaises. Vlan ! Trois citations de Ho-Chi-Minh, Jaurès et Politzer (les pauvres) pour justifier leur nationalisme: la méthode des citations justificatives a fait ses preuves, il y a 70 ans. C'est ce qu'on appelle vivre avec son temps.
Sans compter une minable attaque contre "le chef de file eurocommuniste italien Enrico Berlinguer" il est vrai chef d'un parti communiste qui avait alors 2 millions d'adhérents (dont 40% d'ouvriers) et 30% des voix aux élections. Et qui pensa la seule stratégie nouvelle inventée par le mouvement communiste depuis le VII congrès de l'Internationale, en 1935.
Mais cela est peu de chose comparé au bégaiement sans fin de la doxa jdanovienne même si elle n'a plus aucun écho ni aucune traduction concrète.
Et puisqu'on aime les citations en voici une en conclusion : "Il y a plus de choses sur la terre et dans le ciel, Horatio, qu'il n'en est rêvé dans votre philosophie." Shakespeare...sans doute un eurocommuniste.
Antoine Manessis