Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

 

Comment faire vivre un antifascisme qui, de toute évidence, a perdu sa force propulsive ?

Sans doute, pour commencer, en essayant de comprendre contre quoi nous nous battons.

A nos yeux, et donc tout cela est discutable, deux facteurs sont dominants dans la résurgence et l'affirmation de plus en plus forte du néofascisme.

 

1 - Nous pensons que le racisme post-colonial structure profondément les mentalités et les institutions, les appareils d'Etat de nombre de grands pays en Europe, pays qui furent des puissances esclavagistes et/ou coloniales. 

Le racisme est donc central dans le phénomène néofasciste contemporain.

Les résultats des toutes récentes élections au Pays Bas ne s'expliquent pas autrement. 

Cela étant dit, il faut que ce racisme structurel et latent soit instrumentalisé par des forces politiques. Et cela dans une conjoncture politique particulière. Il ne s'agit pas de nier les déterminants spécifiques mais de dégager les grands axes du phénomène pour pouvoir le combattre lucidement.

Le racisme a d'ailleurs toujours et partout été utilisé par les fascismes. Avec une forte coloration antisémite avant guerre puis anti-Arabe et islamophobe. 

 

2 - Le deuxième facteur nous semble être la souffrance sociale des classes populaires et d'une fraction de la petite et moyenne bourgeoisie déclassée ou menacée de déclassement. Cette souffrance sociale se traduit par un ressentiment profond à l'égard de tout ceux qui sont assimilés au "système". Un ressentiment qui n'est pas producteur d'une espérance puisqu'il n'ouvre pas sur une perspective politique émancipatrice, il n'est pas porté par une conviction de masse que les choses iront mieux demain.

Revivifier l'espérance qu'un autre monde est possible est une tâche centrale pour notre camp.

L'effondrement du communisme, emporté dans la tombe avec le soviétisme, et de la social-démocratie, ralliée au néolibéralisme au point d'en devenir une des expressions politiques, a décrédibilisé l'idée même d'une alternative. 

L'un des mérites historiques de Jean-Luc Mélenchon et ses camarades est d'avoir commencé à réhabiliter cette perspective.

 

Le néofascisme d'après guerre s'était reconstitué autour de deux axes politiques : l'anticommunisme et le racisme. Le FN en particulier, héritier de la milice, de Vichy, du PPF et de toute cette engeance s'est emparé de ces deux thématiques. 

L'une d'elle est obsolète mais elle est toujours utilisée contre le gauche et les syndicats. Au Chili, au Brésil, en Argentine un communisme inexistant permet aux extrêmes-droites de dénoncer la gauche. En France aussi avec la formule "islamo-gauchisme" (qui a remplacé le "judéo-bolchevisme") le néofascisme attaque la gauche et en premier lieu la France Insoumise. En l'assimilant qui plus est à l'islamisme, lui même confondu avec l'islam. Et Mélenchon est présenté comme un mixte de Guevara et de Ben Laden, Lula en communiste, Boric en Allende et Massa en crypto-communiste.

 

Cet axe double, racisme et anti "islamo-gauchisme", permet à l'extrême-droite de capter les voix de l'électorat de droite en déshérence. En particulier sa fraction populaire et/ou la plus réactionnaire.

 

A ce point de notre exposé, soulignons combien la droite, en espérant survivre à sa crise en adoptant le discours du néofascisme, obtient le contraire : elle légitime et normalise les thématiques fascistes. Et la droite n'est pas seule dans ce cas. Toutes les forces politiques, de Valls à Roussel en passant par Ciotti, semblent croire que c'est en imitant le RN qu'elles feront face au rejet qui les frappe. Peine perdue.

Aux yeux de la fraction populaire acquise à l'extrême-droite, les partis traditionnels font partie du "système" comme les journalistes, comme les artistes, comme le "in", les gens aisés, qui, depuis leurs quartiers sans immigrés, leur donnent des leçons de moral comme dit C-News. Ressentiment qui croise le racisme et le social. Les mêmes mécanismes qui faisaient qu'Hitler baptisait son parti "national-socialiste des travailleurs d'Allemagne" (NSDAP). A quoi s'ajoutent la fraction bourgeoise, conservatrice, catholique intégriste. Quand un électeur sur deux ne vote pas, cela fait du monde qui permet à l'extrême-droite d'imposer sa présence au sein de l'union des droites comme en Italie, en Espagne, en Hollande, partout.

 

A l'envers, comme une antithèse, s'imposent donc les lignes d'un antifascisme susceptible de mobiliser la gauche et les abstentionnistes. Reconquérir les électeurs du RN ne serait que la cerise sur le gâteau, certainement pas le point de départ de l'antifascisme.

Il s'agit donc plutôt de prendre le contrepied absolu du RN (Reconquête et autres saloperies du même genre).

Donc un antiracisme radical et offensifEt un programme social en une dizaine de mesures simples, à piocher dans le programme "L'avenir en commun" (SMIC, blocage des prix, augmentation des salaires, politique des loyers, santé et école, environnement...).

Il faut aussi cesser de présenter l'immigration comme devant être traité "humainement" et non "brutalement" comme le souhaite le néofascisme. Il faut dire que l'immigration n'est pas un problème, qu'elle est même une composante de la solution. Que le pays a besoin des travailleuses et travailleurs étrangers pour quasiment tous les secteurs d'activité. Que le meilleur moyen pour que le capital n'exploite pas les immigrés et les travailleurs étant déjà sur place (en faisant pression sur les salaires) c'est d'accorder les mêmes droits aux immigrés qu'aux autres. Et qu'on déconstruise avec vigueur les stupidités fascistogènes du genre "On ne peut pas accueillir toute la misère du monde" et leur aboutissement dans le fantasme imbécile et aberrant du "grand remplacement".

Il n'y a pas les "nationaux" contre les "étrangers". Il y a les opprimés de tous les pays contre les oppresseurs de tous les pays. Il va falloir avoir le courage de la vérité sans tortiller et torturer les mots sous prétexte que certains ne comprendraient pas. Moins on assumera notre internationalisme, plus les fascistes imposeront leur faux "bon sens", plus ils empoisonneront l'esprit public avec le nationalisme et le racisme.

Il faut combattre pied à pied la xénophobie, les racismes, l'antisémitisme et l'islamophobie. En se rappelant que les génocides ne sont pas fondamentalement le fait de racistes fous ou cruels mais qu'ils ne peuvent avoir lieu que quand des États, des institutions, une idéologie, bref ce sont des politiques qui les permettent.

 

Quand à la politique sociale elle est notre lien avec l'histoire, de "la Sainte-Egalité" des Sans-culottes à "la Sociale" des Communards, elle est la preuve que quand la gauche est de gauche le sort de chacune et chacun est amélioré : temps de travail, congés payés, sécurité sociale, liberté syndicale, salaires, etc. La traduction concrète et au quotidien de ce qu'est la gauche. Changer la vie ? Utopique ? Mais le mouvement populaire, les luttes populaires, la gauche comme expression politique du mouvent social l'a fait ! Que serait notre vie sans ces conquêtes sociales ?

 

Antiracisme et politique sociale, n'est-ce pas ce qui a animé la Résistance et son programme "Les jours heureux". Cette Résistance antifasciste donc antiraciste qui fut l'œuvre de Français-e-s et d'étranger-e-s. D'étrangers que les droites extrêmes et les extrêmes-droites de l'époque, bien avant même l'occupation allemande, vouaient aux gémonies comme le font aujourd'hui les RN, les Reconquêtes et autres Ciotti, Retailleau et compagnie à l'égard des Arabes, des Noirs, des Roms. Comment l'oublier quand on s'apprête à recevoir au Panthéon Missak Manouchian et ses camarades des FTP-MOI (juifs, Polonais, Italiens, Arméniens, Espagnols, Roumains). Comment l'oublier quand ils ont donné leurs vies contre le fascisme et une société plus juste ?

 

La gauche n'est la gauche que combattante. Parviendrons- nous à insuffler la force propulsive qui nous manque?  Au moins devons nous essayer et cela ne pourra se faire qu'en rassemblant largement contre les racistes assumés, comme les fachos et les droites qui tiennent le même discours, ou ceux qui se planquent, grimés en "républicains" comme le Printemps du même nom et sa mouvance. Défendons, sans que la main tremble, un antiracisme militant, de chaque instant. 

Il faut les faire retourner dans les égoûts dont ils n'auraient pas du sortir, avant que la peste ne gagne. 

Ce sont nos faiblesses, nos hésitations, nos reculs, notre manque de courage parfois, de clarté souvent qui ont permis au virus de se répandre. Il nous faut retrouver les gestes et les mots barrières.

 

 

Antoine Manessis

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :