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Emmanuel Macron sera le premier président de la République à avoir prononcé le mot d'autonomie. En visite sur l'île et devant l'Assemblée de Corse il a déclaré vouloir  "bâtir une autonomie à la Corse dans la République. Ce ne sera pas une autonomie contre l’Etat, ni une autonomie sans l’Etat, mais une autonomie pour la Corse et dans la République. Je suis favorable à ce qu’une nouvelle étape soit franchie. Pour ancrer pleinement la Corse dans la République et reconnaître sa singularité, nous devons avancer et il faut pour cela l’entrée de la Corse dans notre Constitution. C’est votre souhait, je le partage et je le fais mien car je respecte et je reconnais l’histoire, la culture, les spécificités corses dans la République."
Même si c'est du vent comme souvent avec Macron, c'est un signe d'une évolution incontestable des esprits sur le continent.

 

Macron a donné six mois aux groupes politiques corses présents à l'Assemblée de Corse, des indépendantistes à la droite, pour arriver à un "accord" avec le gouvernement menant à un "texte constitutionnel et organique" permettant de modifier le statut de l’île, texte qui pourra alors être présenté à Paris. L’attente était immense sur l’île de Beauté, dirigée par les nationalistes depuis huit ans.

 

"Le statut d’autonomie que nous appelons de nos vœux s’inscrit au sein de la République française" a répondu la président de l'exécutif corse, Gilles Simeoni. 

Cet été les nationalistes avaient adopté un projet d'autonomie plaidant pour un pouvoir législatif dans tous les domaines sauf le régalien, pouvoir qui serait confié à l’assemblée de Corse, dans laquelle ils occupent les trois quarts des sièges. Ils veulent également un statut de résident, la co- officialité de la langue corse et l’inscription de la notion de peuple corse dans la Constitution.

La droite, par la voix de Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, estime que les demandes des nationalistes franchissaient des "lignes rouges" même si a contrario Macron a quant à lui déclaré "Il n'y a pas de ligne rouge". 

Mais Macron, qui a besoin d’une majorité des trois cinquièmes, et donc des Républicains, au Congrès (Assemblée nationale et Sénat réunis) pour graver dans le marbre de la Constitution toute évolution institutionnelle de l’île, demande, au préalable, un accord politique dans l’île entre nationalistes et opposition de droite. Pas gagné.
 

Le président de la République a aussi rendu hommage à la Résistance corse. La Corse fut le premier territoire français libéré, le 4 octobre 1943, grâce à une insurrection populaire, et à l’aide des troupes françaises d’Afrique. Il a ainsi salué la mémoire du résistant corse Fred Scamaroni, avant d’aller saluer celle de Danielle Casanova, résistante communiste corse morte en déportation à Auschwitz. On sait que le PC en Corse a joué un rôle central dans l'insurrection libératrice et son influence fut énorme à la Libération. Il fut à la tête de la préfecture et dirigea 260 mairies sur 320. De Gaulle va soutenir le retour des clans pour contrer l'influence des communistes.

Désormais la gauche n’a plus aucun représentant à l'Assemblée de Corse et le Parti Communiste sombre dans les urnes. En témoignent les 3,18% réalisés par la liste conduite par Michel Stefani aux Territoriales de juin 2021. Même le bastion historique de Sartène a été perdu.

 

Sans surprise à l'extrême-droite, le RN considère que l'autonomie de la Corse c'est "déconstruire la nation française".  Sébastien Chenu, vice-président du RN a déclaré "Si Emmanuel Macron ouvre cette porte, alors les revendications vont être très nombreuses et c'est la France qui va s'émietter. Je pense que c'est son dessein depuis qu'il est à la tête de notre pays."

Discours qui omet le suffrage universel et la démocratie, ce qui n'est pas étonnant de la part des néofascistes. En effet ce sont les citoyen-ne-s de Corse qui ont voté pour les autonomistes et les indépendantistes, leur donnant une très large majorité, exprimant ainsi la volonté politique des Corses. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes n'est pas à géométrie variable.

Mathilde Panot, présidente du groupe de la FI, a déclaré fort justement  "Vous avez trois députés sur quatre qui sont autonomistes et 70% des Corses qui votent pour les autonomistes. Nous ne pouvons pas passer à côté des résultats des urnes. Vous avez en Corse une particularité insulaire qui est marquée, et des résultats des urnes qui sont là aussi sans appel".

 

 

Reste que la question centrale c'est : l'autonomie (ou l'indépendance, pourquoi pas) pourquoi faire ?

S'il s'agit de remplacer un capitaliste français par un capitaliste corse, le bénéfice pour les Corses serait maigre : symbolique, peut-être, mais concrètement ? Les autonomistes et les indépendantistes sont devant leur responsabilité historique et ils devront définir leur projet avec plus de clarté. 

Au Pays Basque, par exemple, chacun sait que la gauche abertzale a centré sa dernière campagne législatives sur les enjeux de classe, l'antifascisme et l'union de la gauche. Avec succès. La perspective des indépendantistes basques est un "Pays Basque indépendant et socialiste".

Les Corses souhaitent l'autonomie. Il leur faudra préciser, si les choses avancent et se concrétisent, laquelle.

 

Antoine Manessis

 

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