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                             Deux vieux mangeant de la soupe    -    Francisco Goya (1823)

 

 

La probable affiche de l'élection présidentielle aux États-Unis d'Amérique sera probablement la même en 2024 qu'en 2020. Soit le candidat du parti démocrate Joe Biden versus le candidat du parti républicain Donald Trump. 

D'abord pourquoi en parler? Nous ne sommes pas tous Étasuniens, contrairement à ce qu'écrivait Le Monde le 12 septembre 2001. En revanche comme citoyen du monde nous sommes concernés par le choix de celui qui dirige la première puissance mondiale dont notre propre pays est le vassal. La personnalité et les idées ou encore le bilan, en cas de réélection, des prétendants à la Maison Blanche, peuvent jouer un rôle dans le déroulement des événements à venir et qui directement ou indirectement nous concernent.

Pour nuancer ce qui précède remarquons aussi que, globalement, la politique des États-Unis est la même quel que soit le président élu. C'est bien l'impérialisme qui est aux commandes de ce pays et qui impose par mille artifices institutionnels, financiers, idéologiques et étatiques la domination du parti unique du capital.

Mais nous disons bien globalement. Ce qui veut dire qu'il y a des nuances, et parfois un peu plus que des nuances, dans les politiques suivies par Washington. Comme ailleurs et ici même en France : qui ne voit que les politiques du général de Gaulle à Macron en passant par Mitterrand, Chirac ou Hollande ne sont pas identiques, outre les époques et les contextes qui sont évidemment différents.

Reste que le personnel politique qui dirige un pays est aussi un révélateur de sa situation.

Quand le choix se résume à deux vieillards blancs tournant autour de 80 ans, on se dit que quelque chose cloche dans la vie politique étasunienne. 

Par exemple que l'abstention massive des classes populaires, composées de nombre d'Afro-Américains, fait que 70 % du corps électoral est blanc.

 

État des lieux...

 

...Au parti républicain on a assisté au fil des ans (rappelons-nous du Tea party) à une fusion entre l'establishment républicain "classique" et un néo-fascisme "made in USA", amalgame que Donald Trump symbolise en mettant le curseur des républicains extrêmement à droite. Cette dérive extrême-droitière permet de coaliser des électorats très hétérogènes. Reste que le profil de l'électeur type de Trump est plutôt masculin, blanc, peu diplômé, parfois au revenu convenable, parfois classes moyennes "déclassées", des jeunes désabusés du "système", habitant en milieu rural et âgé de plus de 45 ans mais pas seulement. Ainsi il est notable que les travailleurs des Etats de la Rust Belt, la fameuse "ceinture de rouille", qui ont souffert de la désindustrialisation et des délocalisations, ont basculé vers Trump. La part de la population active dans l’industrie manufacturière est ainsi passée de 19 % en 1980 à environ 8 % en 2016. Les démocrates devenant les symboles de la mondialisation, de Wall Street et, plus largement, du "système".

...Au parti démocrate on a décidé de la jouer Bernard Cazeneuve, "gauche raisonnable", néo-libérale. Ce fut fatal à Hillary Clinton mais après 4 ans de Trump, ce fut favorable à Biden qui parut sans doute reposant. L'électorat du parti démocrate est un électorat citadin, à bon niveau de diplômes, à faible niveau de revenus, appartenant à des minorités ethniques ou religieuses: un électorat classique de gauche qui s'est largement abstenu avec Hillary Clinton comme candidate et qui est retournée aux urnes pour écarter Trump. Les questions de racisme, de violences policières, des migrants, de l’avortement, du mariage homosexuel, de la société multiculturelle ont joué un rôle de premier plan en faveur des démocrates. Reste que le vote de la working class blanche n'est plus acquis au parti démocrate. Parmi ceux qui ont un emploi, 75 % d’entre eux ne sont pas salariés (alors que 63 % des Blancs diplômés le sont) et 61 % sont payés à l’heure. En outre, 14 % d’entre eux ne sont pas couverts par une assurance santé, contre seulement 3 % des Blancs diplômés.

 

Perspectives.

 

Que Joe Biden décide de se représenter alors qu'il n'en n'avait visiblement pas envie montre que le PD souhaite conserver sa ligne centriste dans le pays et impérialiste à l'internationale. Sans doute les chefs du PD n'ont pas voulu briser des équilibres internes d'autant que la gauche est dynamique et pouvait envisager peser sur les Primaires. Avec un président sortant la donne est différente. Et pour satisfaire une fraction plus exigeante de son électorat, les démocrates peuvent faire de l'âge du capitaine un atout en faisant miroiter à moyen terme une présidente Noire l'actuelle vice-présidente Kamala Harris.

Du côté de Trump il a les mêmes atouts que lors de sa victoire contre H. Clinton, rassembler la droite en y ajoutant une fraction du vote populaire, mais aussi les mêmes faiblesses que lors de sa défaite face à Biden, sans compter ses affaires judiciaires et son bilan nullissime vis à vis de la working class, des travailleuses et des travailleurs.

Bref les jeux sont ouverts. Mais surtout on se rend compte que la situation ne porte pas une dynamique de fond, ni même un virage social entre ces deux candidats qui faciliterait le vote en faveur des démocrates ou du moins contre le néo-fascisme de Trump. Or la situation sociale, le vécu des gens, reste le moteur de leur choix partisan. Les difficultés économiques tendent à renforcer les ressentiments réactionnaires, raciaux et anti-immigrés. Trump reste donc une menace bien réelle.

 

La surprise Trump en 2016 nous rappelle que les mauvaises surprises existent et qu'elles menacent partout.

 

Quand les classes populaires restent dans l'abstention et que, pour une fraction d'entre elles, le ressentiment, la xénophobie et le racisme remplacent l'espérance, on doit s'inquiéter. Et surtout tant que la gauche ne sera pas une alternative crédible, rassembleuse et radicale, le pire peut survenir. Aux États-Unis, en Italie comme en France. 

 

Antoine Manessis.

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