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A l'heure où l'on reparle du rôle des communistes dans la Résistance, en particulier avant 1941, nous croyons utile de vous proposer un article de Louis Poulhès, docteur en histoire, intitulé Le PCF pendant l'été 1940. Article publié par la Fondation Gabriel Péri. Vous pouvez le retrouver avec ses illustrations:   
https://gabrielperi.fr/centenaire/le-pcf-pendant-lete-1940/

 

Nous rappelons par ailleurs que dans d'autres pays occupés par les hitlériens, les communistes initient les mouvements de résistance en position parfois hégémonique. Cela avant 1941. Un exemple: en Grèce, le Parti communiste de Grèce (KKE) appelle à la lutte contre l'agression fasciste de Mussolini dès octobre 1940 et après l'occupation allemande les premiers groupes d’andartes (guérilleros) dans les montagnes apparaissent dès l’automne 1940 tandis que le KKE crée en septembre 1941 le Front national de libération (EAM), bientôt complété par une branche armée, l’ELAS, qui multiplie les attaques tout au long de l’année 1942 et contrôle des régions entières du pays.

D'autre part il est toujours étonnant que les attentistes (de Gaulle condamne les attentats contre les Allemands encore en 1942), sans parler d'autres, soient si exigeants à l'égard des communistes...La paille et la poutre.

Ce qui ne veut absolument pas dire qu'il ne faille pas poursuivre le travail critique sur cette période sombre de l'histoire y compris s'agissant du PCF.

NBH

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  Le PCF pendant l’été 1940

Louis Poulhès

Paris 1940- Dans une ville désertée par les deux tiers des habitants, le PCF est au plus bas à l’arrivée des Allemands dans Paris le 14 juin 1940. Nombre des militants ont fui durant l’exode et il a perdu sa direction intérieure avec le départ de Benoit Frachon. Jacques Duclos et Maurice Tréand arrivent de Bruxelles le 15 juin dans des conditions de grand isolement. Le parti conserve néanmoins un minimum d’activité qui croit avec le retour progressif des militants au cours de l’ été.
 
Les débuts de l’occupation allemande : une opération de séduction

Le Haut commandement allemand proclame que « les troupes ont reçu l’ordre de respecter la population et ses biens à condition qu’elle reste calme ». Il impose à ses officiers et soldats un modèle de conduite bienveillante à l’égard de celle-ci. 

La « correction » des soldats allemands provoque une surprise heureuse pour nombre de Français, en contraste avec la panique de l’exode. La préfecture de Seine-et-Oise exprime un sentiment largement partagé, en notant que l’attitude des troupes allemandes à leur arrivée fut considérée comme « courtoise » alors qu’on s’attendait à voir de « sanglants tortionnaires ».

La libération de prisonniers politiques

L’opération de séduction est théorisée par un expert allemand, Friedrich Grimm, qui conseille au commandement militaire : « Vous devez imposer une amnistie politique. Tous ceux qui ont été emprisonnés pour défaitisme, etc. doivent être immédiatement libérés- particulièrement les communistes. Mais il faut que la population sache que c’est vous qui avez obtenu que soient prises ces mesures. Vous devez être les libérateurs. » Une opération de libération de prisonniers politiques est effectuée sur ordre des Allemands fin juin dans la région parisienne et en juillet en province.

 

A la prison de Fresnes, une douzaine de détenus pour raison défaitiste (pour la plupart Allemands) sont libérés du 17 au 21 juin sur ordre des occupants, mais la quasi-totalité est libérée du 24 au 26 juin 1940, au nombre de 348 détenus dont 81 femmes et 267 hommes. Les détenus pour propos défaitistes divers comptent pour les quatre-cinquièmes, les communistes ou présumés tels 15 % (quarante-neuf hommes et cinq femmes).

Les détenus politiques des prisons parisiennes ont été évacués avant l’arrivée des Allemands, à l’exception de Fresnes ; la Santé et la Roquette n’en comptent donc que très peu. Plusieurs dizaines de libérations sont effectuées également en province, notamment à Rennes, Tours, Libourne jusqu’à la fin juillet 1940.

La négociation pour la reparution d’un organe de presse communiste

Une négociation est enclenchée le 18 juin 1940 avec les Allemands. Cinq rencontres entre un responsable allemand et une militante communiste Denise Ginollin ont lieu en trois jours, avant que la police française n’arrête le jeudi 20 juin Maurice Tréand membre du comité central et deux militantes, une troisième le lendemain. Tous sont libérés cinq jours après par les Allemands.

Une maquette (pour Ce Soir) est remise à Otto Abetz, représentant du ministre allemand des affaires étrangères, le 6 juillet 1940 lors de la deuxième phase de la négociation entre lui-même et deux membres du comité central du PCF, Maurice Tréand et Jean Catelas, après son refus de la publication sous le titre L’Humanité.

En pleine négociation, Abetz note le 7 juillet qu’« il existe un grand danger que le communisme en France gagne du terrain chaque jour » à cause du chômage et des difficultés de ravitaillement. Sa tentative d’instrumentaliser le PCF rencontre le souhait des dirigeants communistes d’utiliser les moindres possibilités légales.

 

L’avocat communiste Robert Foissin joue un rôle important dans la négociation. Les échanges entre l’Internationale et Duclos connaissent des décalages de plusieurs jours liés aux difficultés matérielles de la liaison.

La négociation s’étiole dès la deuxième quinzaine de juillet et prend fin en août après que l’Internationale communiste ainsi que différents services allemands ont fait part de leurs inquiétudes croissantes.

La recherche par le PCF d’une ligne politique

Le manifeste titré « Peuple de France » s’efforce d’expliquer les raisons de la défaite et de définir des perspectives d’action. 

Imprimé en petits caractères sur une page recto-verso, il est signé au nom du Comité central par Maurice Thorez et Jacques Duclos pour marquer son importance.

Premier grand texte publié par la direction communiste depuis les débuts de l’Occupation, il est rédigé par Jacques Duclos vers la mi-juillet. La date du 10 juillet 1940 indiquée plus tard est symbolique puisqu’elle correspond au vote des parlementaires qui met fin à la IIIe République. Il est diffusé dès la fin-juillet et surtout en août et septembre.

L’appel tente de répondre à une situation radicalement nouvelle. Il attaque essentiellement les gouvernements précédents et Vichy, mais la dénonciation des occupants est transparente notamment par la revendication réitérée d’indépendance nationale. Si « une paix véritable » est réclamée, le thème de la guerre impérialiste n’est pas mentionné. Les perspectives d’action restent néanmoins plus que vagues.

La relance de l’action

Le retour des militants, démobilisés ou revenant d’exode, favorise le développement de l’activité. Des « comités populaires » sont créés pour relancer l’action revendicative et rechercher l’implantation dans toutes les catégories de la population : chômeurs, démobilisés, femmes, retraités, mais aussi dans les entreprises.

La police parisienne est très tôt informée de la stratégie communiste qui cherche à mettre en place des organisations locales sur une base revendicative.

Des manifestations sont organisées fin juillet pour « reprendre » des mairies communistes. Il s’agit principalement de mobiliser les militants en réclamant le rétablissement des libertés populaires et le retour des élus.

 

La première manifestation de ce type a lieu à Villeneuve-Saint-Georges le 22 juillet 1940, puis à Montreuil le 23, à Maisons-Alfort et Alfortville le 25. Ces actions rassemblent jusqu’à plusieurs centaines de personnes.

Le développement de l’activité communiste au cours de l’été est constaté par les autorités, tant françaises qu’allemandes.

Côté français : « L’agitation et la propagande communistes, que favorisent la prolongation du chômage due à la lenteur inévitable de la reprise économique et les difficultés qu’éprouve la population à se procurer certaines denrées, se développent surtout dans la banlieue. » (31 juillet 1940) « La propagande communiste a recommencé à agir très vivement et avec succès auprès des masses ouvrières qui ressentent plus douloureusement chaque jour le chômage et la détresse financière. » (29 août 1940)

Côté allemand : « Le communisme est considéré en croissance. Il trouve un terrain favorable dans les nombreux chômeurs mécontents de l’inaction du gouvernement » (2 septembre 1940).

 
La reprise des arrestations

Les arrestations par la police française reprennent à Paris à partir du 13 juillet ; elles s’accélèrent dans la quatrième semaine du mois (dont une douzaine lors des manifestations devant les mairies), puis en août et plus encore en septembre. Elles sont effectuées au titre de l’ordonnance allemande du 20 juin 1940.

L’ordonnance règle les relations avec les populations des territoires occupés et porte principalement sur l’interdiction d’attroupement, de diffusion de tracts et de réunion publique (article 3), de grève (article 4), de diffusion de nouvelles non autorisées (articles 5 et 6). Ces dispositions sont reprises par une nouvelle ordonnance le 20 juin 1940.

Les militants communistes arrêtés sont livrés aux Allemands, nombreux étant jugés par un tribunal allemand qui les condamne à des peines de prison, en général de quelques semaines.

Les Allemands sont attentifs à tout attroupement, comme on le constate avec ce rapport du commissaire de police de Montreuil. Si toutes les activités non autorisées tombent sous le coup de l’ordonnance allemande, les militants communistes dont le parti est la seule des formations anciennes restée active sont l’objet d’une méfiance particulière au plus haut niveau des occupants.​​​ Otto Abetz considère la lutte contre le communisme comme « de la plus haute importance » (30 juillet 1940). L’état-major de commandement du commandant militaire estime qu’« il faut prendre garde à la croissance du communisme » et relève l’« attitude hostile devant l’occupation allemande » du mouvement communiste (2 septembre 1940)

 

 

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