Il n'y a pas de sionisme de gauche

Les récentes élections en Israël ont rendu évidentes les évolutions de la vie politique et des forces en présence.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou a constitué un gouvernement qui va de la droite extrême à l'extrême droite fasciste et raciste. Cette coalition envisage une réforme du système judicaire. "Ce qui ferait de la corruption la religion officielle d’Israël" écrivait The New York Times (1er novembre 2022) qui qualifie ce gouvernement, désigné après les législatives du 1er novembre 2022, comme "le gouvernement le plus à droite de tous les temps" en Israël. Médiapart se demande : "Israël : Vers une nouvelle théocratie au Proche-Orient ?" et poursuit en notant que la pente vers un Etat religieux avait été inaugurée par Netanyahou et sa loi de "l’Etat-Nation" des juifs. De plus il faut savoir que l’état civil et le statut personnel – mariage, divorce, pension alimentaire, garde des enfants, adoption – relèvent déjà des tribunaux rabbiniques. Un peu comme les tribunaux islamiques dans certains pays musulmans. Les Itamar Ben-Gvir, Belazel Smotrich ou Arye Dery et leurs partis sont des racistes et des fascistes dangereux de la pire espèce.

Comme à l’accoutumée, l’Occident est quasiment muet face à cette déferlante fasciste et raciste en Israël. Même Le Monde (5 novembre 2022) appelle à un réexamen par les Occidentaux de leur relation avec Israël " Ne serait-ce que pour constater que leur quasi silence à propos de la poursuite de la colonisation en Cisjordanie et du mépris quotidien envers les droits les plus élémentaires des Palestiniens n’a fait que renforcer les positions israéliennes les plus extrêmes. Et ce silence a également accéléré l’enterrement de la solution à deux Etats."

Même le maire de Tel-Aviv craint "qu'Israël se transforme en théocratie". "Nous allons être un Etat halakhique", a-t-il ajouté, en référence à la loi religieuse juive.

Notons que la gauche est pulvérisée. Le Parti travailliste, qui fut largement hégémonique durant les premières décennies d'existence d'Israël, a réalisé 3,6% des voix et n'a plus que 4 députés. Le Meretz, autre parti de gauche, n'a que 3,1% des voix et n'a  plus de représentation à la Knesset (parlement israélien). Une autre coalition de gauche, essentiellement arabe israélienne, Hadash-Ta'al, au sein de laquelle on trouve le parti communiste israélien, réalise 3,7% des voix et obtient 5 députés.

Cela étant il est utile de saisir que le sionisme, fondamentalement une idéologie coloniale, ne peut qu'aboutir au fascisme. Comme la logique qui prétend "récupérer sa terre" porte la guerre. Puisqu'en 2000 ans la terre en question a changé dix fois de propriétaire...On imagine sans mal où aboutirait ce genre de revendication partout dans le monde...

Il y a eu l'illusion en Europe, certainement pas au Proche-Orient, qu'il existait un sionisme de gauche. Laïc et démocratique. Mais il fallait pour ce faire fermer les yeux sur l'aspect colonial de l'occupation d'une partie de la Palestine.  Evidemment ce ne sont pas les puissances, France, Angleterre, Etats-Unis..., elles-mêmes coloniales, qui allaient s'en offusquer. Après la Guerre des six jours, il devint plus difficile de cacher la nature coloniale du sionisme. Désormais - et depuis un bon moment - la politique de colonisation assumée d'Israël ne fait que confirmer cette réalité incontournable.   

Parallèlement à ce fait central les gouvernements israéliens ont mis en œuvre de nombreuses réformes néolibérales, visant à privatiser et à libéraliser les différents secteurs économiques du pays. Les travaillistes tentaient de mener une politique social-démocrate pour le peuple israélien tout en étant des colonisateurs implacables vis à vis du peuple palestinien. Netanyahou a cessé les faux-semblants. II a  accéléré cette tendance à la libéralisation du marché, à la privatisation et à la restriction des droits du salariat et aux pressions sur les institutions y compris la justice.

La libéralisation économique d’Israël sous Netanyahou est la principale cause de l’augmentation du coût de la vie en Israël, notamment en matière de logement.

Lorsque le coût de la vie augmente, trop, les gens sont confrontés à deux alternatives : résister au système capitaliste qui les soumet à ces niveaux de vie, ou tourner leur ressentiment et leur colère vers les communautés marginalisées ou d’autres "ennemis étrangers". Dans un Etat colonial cela se retourne contre le colonisé humilié, méprisé et réifié. Et écrasé quand il secoue ses chaînes.

Ainsi le sionisme ajouté au néolibéralisme, sans parler du soutien inconditionnel de l'impérialisme étasunien à son porte-avion moyen-oriental, ne peut que produire ce fascisme et ce racisme aujourd'hui dominant en Israël. Il faut bien comprendre la continuité et non la rupture entre David Ben Gourion et Benjamin Netanyahou et les fascistes fous furieux au gouvernement aujourd'hui. C'est Deir Yassine*, en 1948, qui a baptisé Israël du sang de ses martyrs. 

L'occupation coloniale, armée en Palestine par son idéologie sioniste, corrompt les meilleures intentions du monde et la dimension messianique du sionisme s'est fracassé contre la réalité de la colonisation. hier soir 80.000 manifestants dénonçaient à Tel-Aviv "le gouvernement de la honte" et voulaient "sauver la démocratie". C'est un pas dans la bonne direction et nous saluons ces femmes et ces hommes mais ils ne doivent surtout pas oublier ce que disait Karl Marx : “Un peuple qui en opprime un autre ne saurait être libre”.

Antoine Manessis.

* Deir Yassin, le massacre de 200 femmes et enfants assassinés de sang froid par l'Haganah et l'Irgoun (embryon de l'armée israélienne),  faisait partie d’un plan d’ensemble destiné à vider la Palestine de sa population arabe. Dans The Birth of the Palestinian Refugee Problem 1947-1949, Benny Morris, historien israélien, explique que Deir Yassin a été "l’événement qui a eu le plus d’effet, au cours de la guerre, pour précipiter la fuite des villageois arabes hors de Palestine ".