Chili : n'oublions pas le 11 septembre...

     La Monéda, 11 septembre 1973, Allende et ses camarades les armes à la main.

Le 11 septembre 1973 l'impérialisme étasunien et la bourgeoisie chilienne assassinaient la démocratie et l'espoir au Chili, gouverné par le président Salvador Allende et le gouvernement de l'Unité populaire (union des gauches). 

Le néolibéralisme fera du Chili son cobaye. Il instaure un régime de terreur, assassinant, torturant, emprisonnant des milliers de partisan-es de l'UP. Le général Augusto Pinochet dirigera le pays laissant sa marque sanglante même après sa mort à travers des institutions et un système économique et social.

En octobre 2019 après une longue nuit démocratique le peuple chilien a mené un gigantesque mouvement social qui a ébranlé le système. 

Conséquence de ce mouvement populaire en mars 2022 Gabriel Boric, candidat de la gauche,  à la tête d’une alliance (Apruebo Dignidad) formée par sa coalition, le Frente Amplio, et le Parti communiste chilien, remportait les présidentielles. Une assemblée constituante fut élue, après que 80% des électeurs aient exigé une nouvelle constitution (mais 50% seulement des Chilien-nes avaient participé à ce référendum). 

Le 4 septembre un autre référendum, auquel ont participé cette fois 85% des électeurs, a rejeté le projet de nouvelle constitution sociale, démocratique, progressiste élaborée par la constituante, à 62% contre 38% qui approuvait le texte.

Cette défaite terrible pour la gauche chilienne, 49 ans après le 11 septembre, interpelle les gauches chiliennes mais aussi toutes les gauches dans le monde.

Comment expliquer cette défaite?

Bien sûr les droites (extrême-droite, droite, centre, sociale-libérale) se sont coalisées pour rejeter le projet constitutionnel. Bien sûr les médias, tous aux mains du grand capital (comme chez nous), ont mené une immense campagne de fake-news, affolant des fractions importantes des classes moyennes et populaires. Bien sûr les droites ont menti prétendant être favorable à un changement de constitution mais contre le projet soutenu par les gauches. Bien sûr la pandémie, la crise économique, la répression ont affaibli la dynamique de 2019. Bien sûr la présidence de Boric n'a pas changé le monde en 5 mois et, de plus, sans majorité au Congrès (l'Assemblée nationale chilienne) l'exécutif a été obligé de louvoyer y compris dans la composition de son gouvernement où participent des sociaux-libéraux. Cette situation a provoqué un mécontentement de certaines fractions des classes populaires qui attendaient davantage de Boric.

Toutes ces raisons réunies expliquent en partie cette défaite qui affaiblit la gauche de gauche chilienne et le jeune président Gabriel Boric, qui est tenté par un recentrage. Mais elles n'expliquent pas tout.

Reste aux gauches à affronter cette défaite dans un sens autocritique. Car ce résultat catastrophique (même les banlieues ouvrières de Santiago ont voté contre la nouvelle constitution) ne peut être compris sans l'analyse lucide des erreurs et fautes des gauches.

Cette analyse sera le travail de la gauche chilienne dans les jours et les semaines qui viennent. Loin des schémas et des logorrhées dogmatiques et sans confondre compromis nécessaire et compromission démobilisatrice. Tâche de la plus haute importance pour le peuple chilien mais aussi, on le voit bien, pour tous ceux, partout, qui luttent et qui croient qu'un "autre monde est possible".

Cette défaite du 4 septembre sera le coup d’envoi d’une campagne contre le gouvernement Boric, contre les mouvements sociaux, contre les femmes, contre les peuples indigènes, contre le peuple du Chili. Avant de lancer des anathèmes, il faudra bien prendre en compte cette solidarité de fait entre les composantes de la gauche.

Il faut vite surmonter ce nouveau traumatisme politique en ayant deux données centrales en tête: la bourgeoisie est capable de tout, absolument tout. Et la force décisive de la gauche est la mobilisation massive et majoritaire du peuple.

Antoine Manessis.