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Après 2006 le Vietnam plongeait dans le capitalisme.

Une transition brutale. En 2007 le pays entrait dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) alors qu'éclatait un scandale de corruption au sommet de l'Etat, impliquant pour partie des fonds étrangers. Hanoï recevait le sommet de coopération économique Asie-Pacifique (Apec). Au même moment la bourse de Ho Chi Minh-Ville (sud) a été multipliée par quatorze en valeur, de 500 millions à 7,5 milliards de dollars. Les investissements étrangers battaient tous les records, au delà des 9,5 milliards de dollars. Investisseurs et commentateurs des médias bourgeois ont délaissé l'optimisme pour les louanges dithyrambiques . Avec les Etats-Unis, l'ancien ennemi, l'atmosphère est tout aussi positive. Le patron de Microsoft, Bill Gates, était accueilli en héros. Le président Barack Obama a annoncé, lundi 23 mai 2016, à Hanoï la levée de l’embargo sur les ventes d’armes américaines au Vietnam, l’un des derniers vestiges de la guerre entre les deux pays, qui s’est achevée en 1975.

Le pays a recueilli cette année les fruits de deux décennies de politique de la "Doi Moi"? le Renouveau, initiée timidement en 1986. Le nouveau Premier ministre d'alors, Nguyen Tan Dung, est un "réformateur" sur le plan économique. Une nouvelle génération prend la relève à la tête du Vietnam. Le pays a transformé son système légal, de nouvelles lois entrent en vigueur, les derniers héritages du collectivisme disparaissent, les discours et le décorum "communistes" se heurtent à la réalité d'une concurrence effrénée, d'un capitalisme sauvage. Comme l'écrit en 2019 Pierre Daum dans le Monde diplomatique* : "le capitalisme le plus brutal - illustré par la ruée sur les terres paysannes - fait bon ménage avec une propagande communiste toujours très présente". 

Depuis la “ rencontre de Chengdu ” de 1990, les dirigeants vietnamiens s'étaient ralliés à l'impérialisme chinois pour garder le pouvoir, tout en achetant le soutien d’escouades entières de membres du Parti, de l’armée et des forces de sécurité transformées en une nouvelle classe de capitalistes tout cela au nom d’une " économie de marché à orientation socialiste " comme l'a joliment écrit Nguyên Phu Trong le secrétaire général du PCV.

Mais les choses changent et depuis le Vietnam cherche à trouver un point d'équilibre entre la Chine et les Etats-Unis qui garantisse la stabilité politique et le développement dans le cadre d'une relative indépendance même si les Vietnamiens craignent davantage une vassalisation à la Chine compte tenu de son influence grandissante en Asie.  L'actuel premier ministre vietnamien, Pham Minh Chinh, en visite à Paris en 2021 a déclaré étudier les propositions visant à l'endiguement de la puissance chinoise. N'oublions pas que la Chine a mené en 1979 une "opération militaire spéciale" contre le Vietnam, une "leçon" avait dit Deng Xiaoping, en fait une guerre. Ces choses-là ne s'oublient pas. Pas si vite.

Reste que la Chine est devenue un partenaire commercial et industriel de premier plan, tout en continuant d’inquiéter comme elle l’a toujours fait au cours de l’histoire des relations entre les deux pays. 

Un pouvoir autoritaire d'un parti se disant communiste. Une économie capitaliste qui a sorti des masses de la pauvreté mais fait exploser les inégalités. Une politique internationale d'équilibre subtil et pragmatique.

Reste que le peuple vietnamien qui a triomphé de l'impérialisme le plus puissant du monde après un combat indiscutablement héroïque lui ayant coûté 3;8 millions de morts soit 8% de sa population, a vu le capitalisme l'emporter et l'impérialisme étasunien prendre ainsi sa revanche.

Alors que le Parti communiste vietnamien tire une bonne partie de sa légitimité de la transition réussie du pays vers l’économie de marché, un risque existe pour l’avenir. Avant la crise de 2008, les grandes fortunes se faisaient dans l’entourage de l’État, dans un contexte où les affaires ont toujours fonctionné par relations. Si le marché boursier a généré de nombreuses fortunes, le contexte apparaît aujourd’hui plus incertain. Le Viêt Nam continue de créer de la croissance, il a toujours du mal à créer de l’emploi : 1,6 million de jeunes supplémentaires se retrouvent chaque année sur le marché du travail, tandis que l’économie n’en absorbe que 800000.Le pouvoir vietnamien a ainsi amendé dans son intérêt le système légal, défini des nouvelles règles économiques et développé une propagande visant à maximiser l’enrichissement de ses nouvelles élites. Une tendance faisant émerger une économie capitaliste "mafieuse".

 

Pas sûr que Ho-Chi-Minh eut apprécié. 

 

 

Antoine Manessis.

 

* Capitalisme et propagande communiste. Pierre Daum. Le Monde Diplomatique. Février 2019. 

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