/image%2F3589191%2F20231226%2Fob_9e6308_noir-et-blanc-encadre-future-dj-logo.png){kind=logo}
/image%2F3589191%2F20230725%2Fob_9d5251_gpa-afp-10.jpg)
"Lili" contre "bobo" ? C'était en 1970-1980. Ca ne vous dit sans doute plus rien d'autant que ces mots ont changé de signification. Mais un très bref rappel historique a son utilité.
Lili ça voulait dire "libéral-libertaire". L'objectif était de dénigrer l'un ou l'autre selon le public à qui l'on s'adressait. Pour le côté gauche, libéral était infâmant et pour le côté droit, libertaire était dangereux. Celui qui possédait donc les deux qualificatifs était doublement foutu.
Libéral visait surtout l'aspect économique du terme. Autrement dit, c'était être un partisan du capitalisme. Mal vu à gauche évidemment, mais aussi par une fraction de la droite, aujourd'hui disparue, de tradition colbertiste pourrions nous dire, ou inspirée par le catholicisme social.
Libertaire visait l'aspect culturel et ce que certains appellent aujourd'hui "sociétal". Une dimension de Mai 68 était visée: la libération des mœurs, l'anti-autoritarisme... Le libertaire était voué aux gémonies par la droite mais aussi par une fraction de la gauche pour qui la discipline, en politique comme dans la vie personnelle, était synonyme de rigueur révolutionnaire et prolétarienne.
Bobo voulait dire, loin de son usage actuel, bolchevick-bonapartiste.
Bolchevick effrayait la droite qui l'identifiait au mal absolu. Et à gauche une partie seulement y voyait une référence valorisante, même si elle était déjà un peu obsolète.
Bonapartiste aussi suscitait la franche hostilité de la gauche et même des libéraux de droite comme le centre droit des années 1970-1980. A l'époque l'UDF et le RPR étaient plus ou moins en guerre. Ce qui veut dire que la droite gaulliste voyait dans le bonapartisme une matrice de son identité (cf. René Rémond).
Mais unir les deux termes était compliqué tant les marxistes dénonçaient le bonapartisme, les gaullistes le bolchevisme. Le seul usage qui en fut fait fut pour dénoncer l'autoritarisme du courant communiste, cette critique venant du courant anarchiste.
Bobo a vu sa signification changer assez vite pour signifier bourgeois-bohème. Un terme très utilisé par l'extrême-droite contre les intellectuels de gauche, même si ceux-ci ne sont ni bourgeois ni bohème. Et par une fraction de paléo-gauchistes contre ces mêmes intellectuels. Terme qui vise la petite-bourgeoisie citadine et progressiste qui suscite une aversion certaine chez les abrutis fascistoïdes pour qui un livre est un objet non identifié ou chez certains sectaires qui considèrent que faire du vélo et être végane est contre-révolutionnaire.
Les mêmes vouent aux flammes de l'enfer les libéraux-libertaires et les bobos identifiés les uns aux autres. Les mêmes qui reprochent à Bourdieu d'avoir pris l'accent parisien ou à Mélenchon d'avoir dit un jour apprécier le quinoa. Les mêmes qui récusent la GPA quand un pays comme Cuba l'a adopté dans sa Constitution. Les mêmes qui se déchaînent contre Mai 68 vu comme symbole d'émancipation personnelle. Les mêmes qui ouvertement ou sournoisement détestent le féminisme, dénonçant "la théorie du genre", qui d'ailleurs n'existe pas. Les mêmes qui éructent contre les études postcoloniales (quand eux dénoncent le "racisme antiblanc") ou considèrent qu'elles éloignent de la lutte des classes. Les mêmes qui hurlent contre l'intersectionnalité sans savoir ce que le concept signifie. Les mêmes qui voient dans la lutte du PKK (Kurde) la main de la CIA. Les mêmes qui opposent leur conception figée et coloniale de la République contre les racisé-e-s en lutte. Les mêmes qui différentient et opposent le social au sociétal. Les mêmes qui dénoncent le wokisme. Les mêmes qui opposent des dogmes à la pensée critique.
Bref, les rouges-bruns se retrouvent dans les mêmes détestations.
A retenir pour ne pas sombrer dans la confusion qu'ils entretiennent.
Antoine Manessis