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                                                                            Staline et Boukharine

 

 

Le mensonge peut-il servir le combat émancipateur ? Nous ne le pensons pas. Et il semblerait que l'histoire nous montre plutôt le contraire.

A court terme mentir peut avoir une certaine efficacité. A moyen et long terme l'effet est destructeur.

Accuser Boukharine d'avoir comploté dès 1918 pour assassiner Lénine et Staline, d'avoir tué Kirov, empoisonné Gorki et d'être un espion de toutes les puissances capitalistes étrangères pour le compte desquelles il s’apprêtait à dépecer l’URSS et à partager ses territoires entre l’Allemagne, le Japon et la Grande-Bretagne, pouvait-il aider la révolution ? Il ne nous semble pas.

Que Boukharine ait eu tort dans certaines de ses positions comme son opposition à l'industrialisation à marche forcée est tout à fait concevable. Que cela eut nécessité un combat politique acharné, sans doute. Mais fallait-il pour vaincre les "contradictions au sein du peuple" transformer Boukharine en sorcière et le brûler sur un bûcher ? Et cela en 1938 alors que Boukharine avait accepté de se soumettre à la ligne majoritaire de la direction du parti.

Ce procédé moyenâgeux de faire avouer des crimes imaginaires n'a-t-il pas marqué la culture communiste au fer rouge ? Au point que des "procès de Moscou à Paris" ont été conduit contre André Marty ou Charles Tillon, sans doute non exempts d'erreurs ou même de fautes. De là à accuser "le mutin de la mer noire" d'être un flic et de l'exclure du parti ou de limoger d'ancien chef des FTP il y avait un pas.

Plus tragiques encore les procès de Prague, de Sofia, de Budapest et ceux de Belgrade contre les partisans du Kominform. Pourtant Tito s'était proclamé "premier stalinien du monde" et Belgrade choisi comme siège du Kominform. Puis soudain, face aux signes d'indépendance de Tito, c'est l'excommunication et la dénonciation du "titisme", qui valait comme le "trotskisme", exclusion (ou pire) dans tout le mouvement communiste international.

A quoi ont servi ces accumulations de mensonges ? Et surtout que révèlent-elles ?

Les accusations délirantes n'ont servi qu'à diviser et scléroser les partis communistes. Aucunes n'ont servi une dynamique positive pour le mouvement. Toutes ont même servi les ennemis du communisme organisé, lui offrant des occasions de le discréditer.

Surtout elles révèlent un rapport aux masses qui a abouti à l'écroulement final. Aucune confiance dans la capacité de jugement des masses. Un avant-gardisme qui faisait de la direction du parti une entité infaillible. Les masses étant incapables de comprendre les situations et leurs enjeux il fallait leur raconter des mensonges, leur donner des bouc-émissaires,  qui expliquaient les erreurs, les défaillances, les difficultés que rencontraient les révolutions. le socialisme n'était plus "l'oeuvre créatrice des masses" mais celle des directions communistes, avant-gardes conscientes et omniscientes. Offrir certains dirigeants en sacrifice était censé confirmer le raisonnement global.

Que cela se soit aussi déroulé en Chine comme dans à peu près tous les partis communistes du monde démontre que ce que l'on appelle stalinisme, c'est-à-dire une type de fonctionnement et répétons-le de rapport aux masses faisaient parti de l'éthos des PC. 

Il est amusant, compte tenu de l'absence de conséquences sérieuses, mais navrant, d'un point de vue rationnel, d'entendre, aujourd'hui encore, au sein des groupuscules qui tentent en vain de faire survivre ces modes d'être de retrouver spontanément un vocabulaire vieux de presque un siècle. Boukharine était qualifié de "semi-anarchiste" et au XXIe siècle un communiste critique était qualifié de "semi-mutant".

Le mensonge consistait aussi à enjoliver ou déformer les choses. Une manipulation des mots et des images permet de faire croire à ce qui n'existe pas ou à nier ce qui a existé. Les célèbres caviardages des photos où les disgraciés du jour disparaissaient en sont la caricature. Le caractère stupide de ce genre de comportement ne doit pas en cacher ce qu'il révèle de la fragilité de l'ensemble. Car on ne peut tromper tout le monde tout le temps.

Aujourd'hui encore les méthodes sont les mêmes. "Un grand rassemblement" est annoncé même si chacun sait qu'il ne réunira que 15 personnes. Parfois pour camoufler le fiasco le rassemblement ou la manif deviennent des "délégations". "L'appel des résistants communistes" à telle ou telle action est en fait l'appel de trois anciens résistants. Et tout est à l'avenant. Et malheur à celui qui constate et dit publiquement l'échec : il devient un défaitiste, un traître trotskiste ou un "semi-mutant".

Dire la vérité c'est "désespérer Billancourt". Alors que seule la vérité est révolutionnaire puisqu'elle permet de construire sur des bases saines, des fondations solides et en faisant confiance aux masses. L'histoire a montré combien de mal a pu faire cette véritable perversion intellectuelle que constitue l'utilisation du mensonge pour suppléer et cacher le réel.

Puissions-nous, tous ceux qui se réclament du combat pour l'émancipation, retenir la leçon et ne pas céder à la facilité apparente du mensonge et à son effet destructeur inéluctable.

 

 

Antoine Manessis.

 

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