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"Combattre et vaincre à tous nos combats n’est pas l’excellence suprême, l’excellence suprême consiste à briser la résistance de l’ennemi sans combattre." 

Sun Tzu (Chine, Ve siècle avant notre ère)

 

Les incidents qui ont marqué la manifestation du 1er Mai à Paris, et en particulier les agressions absolument condamnables contre des militants de la CGT, s'inscrivent dans un contexte sur lequel nous devons réfléchir en évitant de nous faire balader par des a priori et des schémas caducs.

 

Le premier aspect de l'analyse, sans doute le plus important, est la gestion des manifs par la police, et donc le pouvoir. Depuis des années maintenant (avec une accélération depuis une bonne dizaine d'années environ) nous sommes, en tant que manifestants, confrontés à des comportements policiers qui ont changé la façon de manifester et l'ambiance des manifs. Les blocages, les nassages (la "souricière" disent les Québécois), l'encadrement de cortège par les forces de l'ordre (devant, derrière, sur les côtés), les contrôles, les fouilles, les vérifications d'identité, la manière d'interdire la liberté de circulation autour des manifs, les charges aléatoires et indistinctes de la police, l'usage d'armes extrêmement dangereuses (LBD et grenades, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, avait demandé leur interdiction), les arrestations massives : toutes ces méthode finissent par rendre difficile de manifester librement.

En effet, les conséquences de la "doctrine du maintien de l'ordre" ne concernent  pas seulement le déroulement des manifs. mais aussi leur fréquentation. Combien de fois n'avons-nous pas entendu : "ma copine est enceinte, elle ne sera pas à la manif", "j'ai de l'asthme, je ne viens pas demain", "je suis trop vieux pour avaler les lacrymos"... Et simplement le fait que des incidents violents émaillent désormais systématiquement les manifs entraîne une désaffection certaine.

 

Un deuxième aspect de notre réflexion est l'organisation du SO (service d'ordre) des manifs. c'est-à-dire la protection des manifestants par les manifestants eux-mêmes, les organisateurs de la manif. Pour qui se souvient des SO de la fin des années soixante et des années soixante-dix, il y a eu un changement spectaculaire vers les année 1990-2000. Les SO sont devenus quasi-invisibles, en tous les cas beaucoup moins nombreux et moins efficaces. Là aussi il semble qu'il y ait eu de la part des syndicats (CGT) et des partis de gauche (essentiellement le PCF et accessoirement les groupes gauchistes) un changement de doctrine et que le SO était, pour faire court, mal vu.

 

Troisième aspect l'institutionnalisation pour ne pas dire la momification de la manif : les fameuses manifs plan-plan, traîne-savate, sans aucun mot d'ordre repris par les manifestant.e.s. A partir de là l'interrogation vient toute seule : à quoi sert la manif ? On y va, on taille la bavette avec les copin.e.s, on boit un coup (pendant ou après, selon sa "culture" manifestante), on se compte (avec l'expérience on ne se goure pas trop) et...on rentre à la maison. Content, si on était nombreux. Râleur, si la pluie avait fait son office contre-révolutionnaire. Mais est-ce suffisant ? Comment la radicalité et la colère sociale peut-elle s'exprimer ainsi ? Comment ceux qui en veulent plus, qui veulent concrétiser leur cri de protestation, de révolte, ne se heurteraient-ils pas avec ceux qui pensent que péter un abris-bus n'est pas la prise de la Bastille ? On voit bien qu'il ne s'agit pas de dire que celui-ci ou celui-là a raison ou tort mais de répondre à l'attente de finalement toutes et tous les manifestant.e.s, s'interrogeant sur ce que manifester veut dire en 2021 et comment le faire de façon offensive, massive et signifiante.

 

Quatrième aspect. La confusion règne dans les esprits et l'ambiance politique s'en ressent. Le débat politique et la conscientisation se font pour certains à travers les réseaux sociaux, dont on ne peut pas dire qu'ils portent à la finesse dialectique. Cette confusion se révèle aussi par la présence lors de la manif du 1er Mai à Paris de groupuscules complotistes, anti-vaccins, etc. Certaines erreurs politiques entre composantes du mouvement populaire ont aussi laissé des traces. Notons aussi concernant l'accusation de "collabo" à l'adresse de la CGT qu'il n'y a pas que les éléments violents et bas du plafond pour porter cette accusation. Et puis au sein de mouvances aussi hétérogènes que les Gilets jaunes, les Autonomes (organisés ou non dans des Black blocks), etc. difficile de toujours trouver de la cohérence. Sans négliger ceux pour qui une manif n'en n'est pas une sans bagarre. Sans récuser l'infiltration d'éléments d'extrême-droite ou d'agents provocateurs (une vieille habitude de tous les gouvernements bourgeois).

 

Mais il faut se garder de réponses simplistes à une situation et des événements qui ont des causes politiques que nous devons comprendre et résoudre. En se rappelant que l'adversaire principal est le capital, son pouvoir et sa police. Et sans oublier l'objectif de notre adversaire que Sun Tzu nous dévoile dans sa réflexion en exergue de notre texte.

 

Antoine Manessis.

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