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Sous le régime progressiste de Soekarno, le premier président (1945-1967) de l’Indonésie, les féministes indonésiennes ont beaucoup plus d’opportunités pour ouvrir l’accès à l’éducation et à la liberté aux femmes indonésiennes.

La plus grande organisation féministe est le Gerakan Wanita Indonesia (Gerwani), Mouvement des femmes indonésiennes, fondée en 1950 sous les auspices du PKI (Parti communiste d'Indonésie) l'un des plus puissants PC du monde. Elle est active dans la défense des droits des femmes. Elle participe ainsi à la vie politique afin de représenter les femmes. Elle comptait plus de 650 000 membres en 1957. 

En 1965 a lieu le coup d’État fasciste du général Suharto, initié et soutenu par l'Exécutif des États-Unis et avec la complicité active de la CIA. le Gerwani est interdit. Nombre de ses membres sont violées et tuées. Les militantes de Gerwani qui ne sont pas massacrées sont fréquemment violées dans les camps et les prisons. La violence sexuelle contre les femmes était systématique et courante.

Entre un à deux millions d'Indonésien.ne.s sont exterminé.e.s : communistes, progressistes, syndicalistes et féministes. Un des pires massacres de masse du XXe siècle occulté par les médias du capital et inconnu du "grand public" : faites  le test autour de vous. Il faut dire que les pays occidentaux exultent : les Pays-Bas et le Royaume-Uni, anciennes puissances coloniales de la région, de même que l'Australie, se félicitent de la situation, de même que les États-Unis évidemment. L'ambassadeur américain, Marshall Green, ne cache pas son enthousiasme dans les messages qu'il envoie à Washington. Certains médias occidentaux se réjouissent également ouvertement des évènements : Time salue l'élimination des communistes indonésiens comme la meilleure nouvelle que l'Occident ait reçu d'Asie depuis des années ("the West's best news for years in Asia"). Robert Kennedy est à l'époque l'une des rares personnalités à exprimer son indignation devant l'horreur des évènements en Indonésie.

Cependant, à l’époque du "Nouvel Ordre", sous le régime de Suharto (1967-1998), les mouvements féministes sont violemment réprimés, éradiqués, le rôle de femmes est explicitement limité à la sphère domestique et l'égalité entre hommes et femmes est considéré comme une revendication communiste et subversive. Les femmes qui tentent de s'exprimer dans la sphère publique sont considérées comme Gerwani, donc communistes et en subissent les terribles conséquences à savoir prison, viol, assassinat...

De 1965 à la chute de la dictature en 1998, les femmes sont interdites d'espace public aussi toute mobilisation de femmes prend un caractère féministe.

Ainsi le combat contre une cimenterie appartenant à une multinationale allemande, HeidelbergCement, a mêlé la question de la terre et celle du genre. Les femmes de la campagne qui menaient cette lutte ont organisé une manifestation à Djakarta et ont reçu un soutien massif de la population. Cette lutte combinait des questions sociales et de représentation de la femme dans la société indonésienne.

Des luttes ouvrières se sont également développées autour du droit social et du droit des femmes. Un de ces combats exemplaires fut mené par une ouvrière qui a revendiqué son homosexualité pour lutter contre les violences sexuelles en entreprise (H&M, Zara...) et qui a également organisé les domestiques liant là encore les questions sociales, la situation des LGBT+ et les questions migratoires.

On voit donc que les Empreintes rouges* sont toujours visibles en Indonésie et que les luttes font vivre cette mémoire, ce souvenir du Gerwani en reconstituant, dans les luttes sociales et de genre, le mouvement féministe. 

Voilà un exemple d'intersectionnalité concrète, cette intersectionnalité qui suscite l'hostilité obtuse des  réactionnaires.

 

Antoine Manessis.

 

* Nous empruntons ce titre au livre Empreintes rouges. Nouvelles perspectives pour l'histoire du communisme français. Ouvrage collectif sous la direction de Dimitri Manessis et  Guillaume Roubaud-Quashie. (Presse Universitaires de Rennes).

 

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