/image%2F3589191%2F20230131%2Fob_9616e3_drapeau-coco.jpg)
Fabien Roussel et la direction du PCF viennent de prendre une sérieuse option pour la victoire lors du congrès de Marseille en avril prochain. Les adhérents communistes (30.000 ont participé au vote sur 42.000) ont plébiscité à plus de 80 % le texte d’orientation de la direction, largement préféré au texte alternatif, tenant d’une ligne unitaire à gauche.
Pour Ian Brossat, proche du secrétaire national, ce vote est un "plébiscite" de sa stratégie de visibilité. "Les communistes sont très heureux de l’évolution de leur parti et satisfaits du travail mené par Fabien Roussel, il a redonné de l’air, de la fierté." Au vu des chiffres difficile de le contredire. La reconduction de Fabien Roussel à la tête du Parti communiste est bien partie. Malgré le score de 2 % à l’élection présidentielle qui ne semble pas poser question.
Mais il semble que pour la direction le danger vienne de la gauche et de la FI particulièrement. le PCF considérant que le politique récupère ou parasite l’agenda syndical quand il s'exprime ou quand il offre une perspective politique aux luttes. Dans ce cas on se demande à quoi sert une organisation politique. Et bien sûr le parti craint la "fédéralisation de la NUPES", qui aboutirait - horreur - à un effacement des identités propres des parties à la coalition. La dialectique entre unité et diversité ne semblant pas être le fort du PCF.
Le texte alternatif "Urgence du communisme, ensemble pour des victoires populaires" était soutenu par un appel signé par mille militants dont deux anciens secrétaires généraux du PCF, des députés, tels Elsa Faucillon ou Stéphane Peu, des maires. Les six maires de Gennevilliers, Allonnes, le Courneuve, Gentilly, Tarnos, Ivry ont appelé aussi à soutenir le texte qui s’oppose à la direction. Rien n'y fit. Une poignée de fédérations seulement ont placé le texte alternatif en tête, dont la Seine-Saint-Denis (54 % pour le texte). A ce propos, il serait intéressant d'avoir une analyse sociologique du vote des adhérents. Par exemple on voit que Brossat à Paris intra-muros soutenait Roussel, quand les élus du 93 étaient sur une position critique et unitaire. Bien sûr cela reste à creuser et affiner.
Mais il faut reconnaître à Roussel et son équipe d'avoir réussi à mettre ensemble les cadres de l'appareil et certains élus, qui ont souvent une attitude d'ouverture à des questions telles que le féminisme, les violences policières ou l'homophobie, avec la fraction orthodoxe très dubitative face à ces problématiques. Cela s'est fait sur l'anti-mélenchonisme* et la sauvegarde de l'appareil. Ralliant aussi le "marais" grâce à un discours identitaire. Le PC, Roussel ? "Vu à la télé." Cela devient un argument politique même si le discours de Roussel a, plus d'une fois, dérapé assez gravement.
On aurait pu croire que les sorties de Roussel sur Biden et sa carte au parti, sa critique sur les kolkhozes ou au contraire son discours de "super-Dupont" ou son rapprochement avec le Printemps républicain, auraient pu l'affaiblir dans différents secteurs, lui aliéner certains soutiens contradictoires, il n'en fut rien.
En perdition, les adhérents d'un parti sans stratégie, en déclin inexorable, s'enferment dans un refuge identitaire et une trouille bleue de l'unité perçue comme une perte de substance et même comme la cause du déclin. La réaction d'Hervé Poly, fédéral du Pas-de Calais, au vu des résultat du vote des adhérents est à cet égard paradigmatique : "Que dire des excellents résultats nationaux et dans notre département ? Dire que les trotskistes et autres liquidateurs ont été démasqués, écrasés par la base des communistes conscients des enjeux de notre congrès."
Cela mérite-t-il un commentaire ? Outre le style Vinchinsky, c'est l'ampleur de la pensée qui impressionne...
Ce qui est plus grave, si l'on élargit la focale, c'est l'état de la gauche et l'avenir de la NUPES qui pose problème.
En effet après son congrès le PS est coupé en deux parties égales dont l'une est hostile à la NUPES. Et si Olivier Faure a sauvé son poste, on peut se demander comment il pourra gouverner un parti si divisé et si affaibli.
Côté PC on vient de voir ce qui se profile : une aile orthodoxe, marchaisienne ou pire, servira de caution "identitaire" à un appareil qui n'a aucun autre cap que sa survie et capable de dérives inquiétantes dans le sens où elles cautionnent l'inacceptable.
Les Verts d'EELV ont choisi de ne pas franchement choisir mais tout de même... ils ont refusé catégoriquement une liste commune de la gauche aux Européennes qui étaient pourtant une occasion de faire de ces élections quasiment inutiles une démonstration d'unité et de force. Là encore, comme nombre de communistes et de socialistes, les Verts n'ont rien compris à la situation politique. Au danger que fait peser le néo-fascisme et à la nécessité de regrouper au maximum les forces de gauche au sein de l'Union Populaire Ecologique et Sociale et, pensons-nous, aller vers un congrès de Tour à l'envers.
Antoine Manessis.
* L'anti-mélenchonisme a gangréné toute la mouvance paléolithique, dans et hors du parti. On a pu ainsi entendre un distingué révolutionnaire, et néanmoins énarque, traiter Mélenchon de "girouette", "planche pourrie" et autres gracieusetés.