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Pour le peuple italien l'histoire ne s'arrêtera pas le 25 septembre.

Si la victoire de la coalition néo-fasciste et droite ne fait guère de doute, nous savons bien que les choses ne sont pas statiques. 

La coalition constituée par Fratelli d'Italia (Fd'I), la Lega (la Ligue de Salvini) et la droite berlusconienne (Forza Italia) possède des positionnements qui n'annoncent pas un long fleuve tranquille en son sein. 

Les électorats des partis de la coalition ne sont pas homogènes. 

La base populaire de La Ligue n'est pas celle de Fd'I, plus bourgeoise. Cela implique des attentes différentes voire divergentes. Les électorats des partis en général et ceux de la coalition sont très volatiles: le Lega est passée de 4% à 8% puis 18% et 34% en un temps record. Les sondages lui donnent autour de 12% dimanche. Il en va de même pour Fd'I qui était à 4% et caracole en tête des sondages à 25%...

Ajoutons l'abstention qui s'annonce historique en Italie (on nous annonce autour de 30%). Et qui relativise les rapports de forces.

Ajoutons des différences d'approche au sein de l'extrême-droite entre la fraction pro-OTAN et la fraction poutinienne. Meloni contre Salvini et Berlusconi..

Même au sujet de l'UE il y a plus qu'une nuance entre les deux courants. Salvini, bien que rallié à l'européisme, garde un discours marqué par son euroscepticisme originel quand Meloni tente d'apparaître favorable aux subsides de l'UE tout en montrant son soutien à Viktor Orban. Ce qui gêne Berlusconi, membre du PPE qui a pris ses distances avec la Hongrie.

D'autre par si Meloni a le dessus sur le plan électoral, la Lega est beaucoup mieux implantée que Fd'I tant au niveau municipal que régional. 

Bref il se peut que ces failles au sein du bloc néo-fasciste deviennent des fractures.  D'autant que l'institutionnalisation et le soutien du capital vont tendre à une politique néo-libérale de l'extrême-droite qui entrera en conflit avec les souhaits d'une partie de sa base de masse.

Il reste un domaine qui rassemble les néo-fascistes et qui d'ailleurs correspond aux souhaits du patronat. C'est celui du cadre politique qu'ils veulent imposer au pays. Cela sous deux aspects:

- le renforcement bonapartiste de l'exécutif au détriment du parlement, du "régime des partis", une évolution vers un régime présidentiel et autoritaire,

- et une attaque en règle contre les libertés démocratiques. Ainsi Meloni et ses alliés veulent une réforme constitutionnelle leurs permettant de s'en prendre à ceux "qui font l'apologie du communisme et de l'islamisme". Réforme qu'ils pourront mettre en place s'ils obtiennent une majorité des deux-tiers. Bref l'islamo-gauchisme, voilà l'ennemi. Derrière ce baratin inepte il y a la volonté de criminaliser les adversaires du néo-fascisme, la gauche de gauche et les migrants, réfugiés et étrangers.

De telles réformes sont d'autant plus dangereuses que tous les partis bourgeois pourront dans l'avenir se servir de cette nouvelle Constitution débarrassée de l'esprit des Partisans anti-fascistes.

D'une part Meloni veut un blocus maritime autour du pays pour empêcher les migrants de se réfugier en Italie et cela avec la complicité de la Libye .

Et d'autre part elle veut se donner les moyens de frapper les mouvements sociaux, les luttes, les grèves, la gauche de gauche. Elle aura à sa disposition des groupes de choc néo-fascistes tel Forza Nuova qui s'est illustré en 2018 en attaquant le siège de la CGIL. Forza Nuova dont le slogan "Dieu, Patrie, Famille, Travail" rappelle le "Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis une chrétienne et vous ne me le retirerez pas !' de Meloni.

Ce sont là sans doute les dangers principaux que cette coalition fait courir au peuple italien.

Il ne faut pas compter sur le PD (parti démocrate) pour mener le combat. Ce parti est une précipité issu du mélange d'une fraction droitière de la social-démocratie et de la D-C (démocratie-chrétienne). Ainsi son chef actuel Enrico Letta est-il issu de la D-C. Pour combattre la coalition néo-fasciste le PD se réclame de Mario Draghi...c'est dire son inutilité. 

D'autres petits partis espèrent, comme celui de Mattéo Renzi (le Macron italien), gouverner avec Meloni mais sans Salvini trop "populiste" et poutinien.

D'autres encore se rapprochent de Salvini tel Italexit de Gianluigi Paragone (issu du M5S, de la Lega et de Fd'I) qui est pour la sortie de l'Italie de l'UE, de l'euro et de l'OTAN. Un UPR italien qui se définit comme "parti conservateur".

Le M5S dirigé désormais par Giuseppe Conté (dont il n'était même pas membre jusqu'en 2021) tente d'apparaître comme une alternative plus "sociale", non sans un certain succès sondagier, puisqu'il passe de 9% à 14% surtout dans le sud du pays.

A la base l'électorat des droites est riche et vieux (CSP+) comme en France. Même si les droites attirent une fraction populaire de l'électorat en colère mais sans perspective alternative. 

A gauche il y a une profonde résignation à la victoire de Meloni et son opération de "dédiabolisation" a au moins partiellement fonctionné et la crainte du néo-fascisme est très atténuée. Quand on entend Hillary Clinton dire que l'élection d'une femme comme présidente du conseil en Italie est un progrès indépendamment de ses opinions, on peut penser que Margaret Thatcher fut aussi un progrès dont sans doute Bobby Sands et ses camarades ont mal saisi l'importance.

Théoriquement un espace existe pour la gauche de gauche. Une tentative s'est faite jour autour de l'Unione Popolare, dirigée par Luigi de Magistris, un magistrat anti-corruption et anti-mafia qui fut maire de Naples. L'UP est composée de divers partis et associations dont Potere al Popolo et Rifondazione Comunista. Jean-Luc Mélenchon est allé à Rome pour soutenir cette initiative inspirée de l'exemple français. Mais ce regroupement est tardif et son impact sur l'opinion semble limité et les sondages ne prévoient pas que l'UP dépasse les 3% qui lui permettraient d'avoir des élus.

 

Voilà où nous en sommes à la veille de ce qui sera sans doute un dimanche noir. Un siècle après la Marche sur Rome c'est le néo-fascisme qui est conquérant. Mais comme il a un siècle il sera vaincu.

 

Antoine Manessis.

 

 

 

 

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