Mikis Théodorakis : "Je veux quitter ce monde en communiste"

Mikis Théodorakis, un des plus grands compositeurs du monde, est mort aujourd'hui 2 septembre à 96 ans. Sa vie se confond avec l'histoire de son peuple fait de durs combats et de tragédies. L'esclavage capitaliste, le fascisme, la guerre civile, les camps, la torture, les violences policières mais avant toute chose la Résistance à ces forces obscures.

Militant de l'EAM-ELAS, communiste, patriote, antifasciste il fut cent fois arrêté, déporté, torturé, emprisonné, exilé, laissé pour mort par les mussoliniens, les hitlériens, les fascistes grecs. 

Sa musique exprime cette Résistance farouche et finalement invincible d'un peuple qui fit dire face à la Résistance grecque : "Désormais on ne dira pas que les Grecs se battent comme des héros mais les héros se battent comme des Grecs."

Contre l'occupant, contre la droite, contre la junte des Colonels, contre les barreaux des cellules et de Makronissos, face aux matraques, contre l'impérialisme étasunien,  l'indomptable Théodorakis a lutté, vécu et espéré.

Et composé. Théodorakis est un musicien, un compositeur, un chef d'orchestre et un chanteur. Un artiste grec et universel. Dans le monde entier son talent, son génie sont reconnus. Le plus bel hommage que vous pouvez lui rendre c'est d'écouter sa musique : opéras, symphonies, cantates, oratorios, musique de chambre, musique de film et chansons populaires. Il n'y a pas une Grecque, un Grec qui ne connaisse par chœur des chansons de Mikis.

Théodorakis fut à travers sa musique la voix du peuple grec enchaîné. Il fut le cœur du peuple.

Toute sa vie fut consacrée à son art, à son peuple et à sa patrie.

Jusqu'au bout de son existence il créa et lutta. Sa création et sa vie étant en soi un défi lancé à ceux qui tentèrent de le faire taire au point d'interdire sa musique comme le firent les Colonels fascistes mis en place par les États-Unis d'Amérique.

Contre la sinistre "Troïka" (UE, BCE, FMI) qui a violé la souveraineté du peuple et l'a plongé dans la misère, Théodorakis avec son frère d'armes Manolis Glezos ont encore lutté, vieillards usés par des vies de combats, encore gazés et frappés à 90 ans par les flics gangrénés par les néo-nazis d'Aube Dorée.

Yannis Ritsos et Mikis Théodorakis

Théodorakis avait alors lancé un appel aux peuples d'Europe :

" Nous ne vous demandons pas de soutenir notre combat par solidarité, ni parce que notre territoire a été le berceau de Platon et Aristote, Périclès et Protagoras, des concepts de démocratie, de liberté et d’Europe. Nous ne vous demandons pas un traitement de faveur parce que nous avons subi, en tant que pays, l’une des pires catastrophes européennes aux années 1940 et nous avons lutté de façon exemplaire pour que le fascisme ne s’installe pas sur le continent. 

Nous vous demandons de le faire dans votre propre intérêt. Si vous autorisez aujourd’hui le sacrifice des sociétés grecque, irlandaise, portugaise et espagnole sur l’autel de la dette et des banques, ce sera bientôt votre tour. Vous ne prospérerez pas au milieu des ruines des sociétés européennes. Nous avons tardé de notre côté, mais nous nous sommes réveillés. Bâtissons ensemble une Europe nouvelle ; une Europe démocratique, prospère, pacifique, digne de son histoire, de ses luttes et de son esprit. Résistez au totalitarisme des marchés qui menace de démanteler l’Europe en la transformant en tiers-monde, qui monte les peuples européens les uns contre les autres, qui détruit notre continent en suscitant le retour du fascisme. "

Théodorakis insulté par la droite française

Rappelons que la droite et l'extrême-droite sont les mêmes là-bas et ici. Ainsi en 2012 l'honnête et intègre Jean-François Copé, qui indique : « Jean-Luc Mélenchon dont l'un des grands amis est Mikis Théodorakis, qui professe ouvertement des propos antisionistes, antisémites, dans des termes extrêmement choquants ». Il reprend ces propos au journal télévisé de France 2 le 12 juin 2012. Nathalie Kosciusko-Morizet (qui travaille désormais  dans un fond d'investissement Antin Infrastructure Partners, ah! les gens qui "réussissent" comme dit Macron) s'exprime également dans le même sens. Alain Juppé, fort de sa condamnation par la justice française pour "abus de confiance, recel d'abus de biens sociaux, et prise illégale d'intérêt",  réitère ces attaques à France Inter. Ainsi, selon le journal Libération, Alain Juppé « accuse Jean-Luc Mélenchon d’entretenir des « relations sulfureuses » avec des personnalités se disant « antisémites », comme le compositeur grec Mikis Theodorakis, voyant là un motif pour le PS de « s’expliquer » sur ses alliances avec l'« extrême gauche » ». Jean-François Copé, lors d'une émission de France Inter le 25 juin 2012 reprend les accusations contre Míkis Theodorákis.

Dans une longue lettre datée du 15 juin 2012, publiée le 23 juin en version française sur son site internet personnel, et reprise ensuite par le journal L'Humanité, Míkis Theodorákis répond à ses détracteurs :

 « Je suis Grec et fier de l'être, car nous sommes le seul peuple en Europe qui, pendant l'occupation allemande (1941-1944), non seulement n'a pas exercé de poursuites contre les juifs mais, au contraire, les a aidés à vivre et à survivre avec tous les moyens dont nous disposions. À l'époque, j'étais moi-même partisan de l'Armée populaire de libération (ELAS) et je me souviens que nous avions pris sous notre protection de nombreuses familles de juifs grecs, que nous nous sommes souvent battus contre les SS pour les sauver et beaucoup d'entre nous l'ont payé de leur vie. » […] « Donc, me qualifier de raciste et d’antisémite n’est pas une simple calomnie, mais l’expression de la pire bassesse morale, issue le plus souvent de cercles proches d’organisations et d’individus opérant dans la mouvance du néonazisme et auxquels la crise a permis de relever la tête pour nous menacer et – incroyable, mais vrai – nous accuser, eux, d’antisémitisme en utilisant un arsenal de mensonges et de déclarations insidieuses ! Il suffit de dire, par erreur manifeste, dans une interview de trois heures, « antisémite » au lieu d'« antiraciste », et on s'empare d'une seule et unique phrase dont on isole un mot, brandi comme un étendard, tout simplement pour servir l'intention de m'incriminer. » .

Méthode bien connue, bien rodée par les chiens qui s'en donnent à cœur joie avec toujours les mêmes cibles la gauche de transformation. Notons que Jean-Luc Mélenchon était déjà dans leur collimateur...

 Pour nous qui avons eu l'honneur de rencontrer Mikis à sa sortie de prison nous exprimons notre infinie tristesse mais aussi notre reconnaissance à Mikis, digne fils du peuple grec, artiste dont l’œuvre appartient à tout l'humanité.

                  Mikis Z* !

                  Antoine Manessis

* ζῇ  prononcé en français Zi, il est vivant.