Otto Dix- La guerre (1924)
Désigné nouveau chef d’état-major des armées françaises (CEMA), l’actuel patron de l’armée de Terre, le légionnaire Thierry Burkhard, est un général à la vaste expérience opérationnelle, dont la vision stratégique, qu'il partage avec Macron, est tournée vers ce qu'il pense être les conflits de demain, qu’il prédit plus durs et plus complexes. "Un conflit majeur entre États, ne serait plus à exclure" annonce-t-il frétillant..
Thierry Burkhard devrait donc orchestrer un virage stratégique majeur, à l’heure où la conflictualité change de visage à grande vitesse. "Ça fait plus de dix ans que l’armée s’est concentrée sur la menace du moment qu’était le terrorisme militarisé", or elle "doit changer d’échelle et se préparer à des conflits plus durs, de haute intensité alors que s’accélère la compétition stratégique sur la scène mondiale", expliquait-il en novembre dernier. La "compétition stratégique" pourquoi et pour qui? En quoi un ouvrier ou un chercheur ou une infirmière chinoise, étasunienne, française ou russe sont-ils ou sont-elles en "compétition stratégique"?
Un changement de paradigme donc dans la doctrine de défense qui impose d’adapter la préparation opérationnelle des soldats, d’investir dans les nouveaux champs d’affrontements – espace, cyber, fonds marins, réseaux sociaux – et de poursuivre la modernisation des matériels. Les armées devront en particulier "penser l’intégration des robots et de l’intelligence artificielle dans l’espace de bataille" à l’horizon 2040, notait récemment celui qui assumait jusqu’à présent les fonctions de chef d’état-major de l’armée de Terre. Le général Burkhard "devra consolider une réflexion sur la vision des armées dans la future revue stratégique qui suivra inévitablement l’élection présidentielle de 2022, analyser la conflictualité à 10 ou 20 ans et anticiper le modèle d’armée qui en découle", soulignait le général Lecointre (chef d'Etat Major des Armées partant).
Burkhard a été envoyé en Guyane, en Irak, en ex-Yougoslavie, au Tchad, au Gabon, en Côte d’Ivoire et en Afghanistan. Bref tous les terrains des interventions néocoloniales et impérialistes de la France. On est en droit de se demander ce qu'allait faire l'armée française en Afghanistan et avec le succès que l'on sait. En 2005, il devient l’un des adjoints du chef du Centre de préparation et de conduite des opérations (CPCO), d’où se pilotent toutes les opérations militaires françaises. Il en prendra le commandement en 2017. A partir de 2008, il commande durant deux années la 13e demi-brigade de légion étrangère (13e DBLE) à Djibouti. Il s’intéresser de près à la guerre informationnelle et aux moyens de contrer "les campagnes de désinformation" mais sans aucun doute de les mener pour le compte du pouvoir et de sa garde prétorienne.
L’armée française se prépare à des conflits de haute intensité, "exigeants et certainement plus meurtriers". En quelle honneur? Pourquoi le général Thierry Burkhard est-il convaincu que l’armée française doit changer d’échelle ? Changement d’échelle dans les menaces à prendre en compte, changement d’échelle dans le niveau des unités qui sont engagées et donc, changement d’échelle dans nos entraînements, précisait-il devant la Commission de la défense de l’Assemblée nationale, en 2020.
Du fait du retour de la haute intensité. A ses yeux les raisons ne manquent pas. Les tensions entre grandes puissances (Chine, Russie et USA) sont indéniables et la course aux armements a repris. La faute à qui? Pourquoi ne pas agir plutôt pour le désarmement réciproque et contrôlé? Des puissances moyennes (l’Iran, la Corée du Nord) pourraient provoquer des confrontations classiques entre armées conventionnelles. Ridicule ! Qui peut ne serait-ce qu'imaginer les Nord-Coréens attaquer la France ou qui que ce soit? Enfin des conflits dans des États en crise (Syrie, Ukraine, Haut Karabakh) voient la mise en œuvre massive de moyens symétriques (aviation de combat, artillerie, chars de bataille, drones…). Mais qui se mêle de ces crises, qui a internationalisé ces conflits sinon les grandes puissances capitalistes?
La haute intensité a quatre caractéristiques majeures. D’abord, elle est remarquable par son ampleur et par la quantité de forces déployées. Son haut niveau de violence implique, par ailleurs, de lourdes pertes : ainsi, en Estonie, pendant l’exercice SpringStorm (mai 2021), une force blindée franco-britannique a perdu 70 % de ses capacités humaines et matérielles en une matinée. La haute intensité se caractérise aussi par son caractère multinational, avec les atouts mais aussi les contraintes et les fragilités qu’entraîne la configuration coalisée. Enfin, il faut considérer un impact très important sur le territoire national, tant en termes de sécurité que par la mise en place d’une forme d’économie de guerre, touchant les secteurs nécessaires au soutien de l’engagement (armement, transport, santé, information…). Charmante perspective, après un conflit particulièrement meurtrier en Estonie aux côtés des Britanniques (????), que notre pays sous dictature militaire. Macron et ses généraux ont décidemment une vision très particulière de la République démocratique et sociale.
L’armée française est-elle prête pour la haute intensité ? Pas encore, dit le général Burkhard. Peut-être en 2023, lorsqu’aura lieu sur le territoire métropolitain l’exercice Orion. L’armée de Terre déploiera alors entre 5 000 et 7 000 militaires pendant quatre mois. Orion impliquera toute la gamme des capacités militaires à une échelle qui n’a pas été testée depuis des décennies. Oui, mais… ajoutent les Américains. Les patrons quoi! Un récent rapport de la Rand Corporation estime que la France est prête pour une guerre mais pas pour une guerre longue. En effet, les forces américaines disposeront, en cas de conflit sur le théâtre européen, d’un allié français sûr et robuste, rompu à l’interopérabilité. Mais les ressources humaines et matérielles des armées françaises s’épuiseront certainement très vite en cas d’engagement dans un conflit conventionnel mais de haute intensité où les pertes sont élevées et la consommation de matériel très importante. Mais voilà il faut donc sur ordre des Etasuniens prévoir plus de morts et plus de fric pour les armées. Mais de qui se moque-t-on quand on n'est pas foutu de fabriquer des masques et des vaccins !
Faut-il aussi apprendre à se passer des matériels onéreux, tant à l’achat et à l’entretien, et à revenir à des technologies meilleur marché ? Le chef d’état-major des armées partant, déclarait en juillet 2020 : "Je n’oppose pas la haute technicité à la masse, ni la technicité d’une armée à la rusticité d’une autre ; il faut les deux. Effectivement, il faut des chars, des missiles et des hélicoptères en nombre suffisant pour tenir le choc initial en cas de déflagration conventionnelle et pour durer. Mais les combattants français doivent aussi compter sur des drones et des satellites, et sur l’intelligence artificielle pour frapper plus vite, plus loin et plus efficacement." Les canons ou le beurre? Pour ces ganaches et leur chef Macron, le choix est déjà fait. Mais ces choix budgétaires ne relèvent pas de décisions militaires mais bien politiques. A nous de faire en sorte que ces sinistres plans de ces sinistres guignols ne se réalisent pas. 2022 est décidemment une date importante...