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Castro disait que Cuba est "une souris dans le cul de l'éléphant" étasunien. Incontestablement les Etats-Unis d'Amérique du Nord n'ont toujours pas digéré après plus de 60 ans que la petite île de 11 millions d'habitants ait osé se soulever pour la liberté et la dignité contre le régime fantoche des étasuniens dirigé par le dictateur Fulgencio Batista.

Depuis la tentative de la baie des Cochons, de la CIA et de la Mafia, pour renverser le gouvernement révolutionnaire de Fidel Castro, la plus grande puissance mondiale ne parvient pas à se débarrasser de l'île rebelle. Terrorisme, subversion, corruption, 638 tentatives d'assassinat de Fidel par les Etats-Unis (Le Monde 26/11/2016), rien n'y fait. Même la disparition de l'Union Soviétique, soutien principal de Cuba, n'est pas parvenu à renverser la révolution cubaine.

Quel est le secret de cette résistance?

Pour être allé deux fois à Cuba et m'être entretenu avec des responsables du Parti et de l'Etat ainsi qu'en toute liberté avec des citoyen-nes cubains, je crois pouvoir affirmer que c'est l'identification, chez la majorité écrasante des Cubains, de la nation, son indépendance et sa dignité avec la révolution castriste.

Le 1er mai à la tribune de la Place de la Révolution j'ai vu défilé 500.000 personnes. Ce qui m'a le plus frappé, pour moi venant de France, ce fut l'absence quasi totale de drapeaux rouges mais une marée de drapeaux cubains.

Bien entendu il y a aussi l'énorme travail social accompli par Cuba. On le sait et presque toutes et tous le reconnaissent, toutes les institutions internationales le proclament, Cuba excelle pour la Santé, l'Education, la Culture ou le Sport. Cuba est un pays du Tiers-Monde, comme on disait il y a 50 ans. Or c'est aux autres pays du Sud qu'elle doit être comparée. Si vous cherchez LVMH à La Havane, laissez tomber. Si vous voulez pouvoir choisir entre 40 marques de dentifrice, restez en France. Mais si vous voulez voir un pays, un peuple sorti de la misère et digne allez à Cuba. Cuba est pauvre mais pas misérable. Pas d'enfants des rues à Cuba et pas de gens qui meurent faute de soins. L’Indice de développement humain de l’ONU place Cuba parmi les pays les plus avancés (au 44e rang sur 187 pays) pour ce qui est de l’espérance de vie à la naissance, le niveau d’éducation et le niveau de vie. 

Autre aspect des choses pour expliquer que cette île à quelques encablures de l'Empire résiste encore et toujours à l'impérialisme le plus puissant du monde, la mentalité, le comportement, le discours des responsables de l'Etat et du Parti.

Comment résumer cela? Disons un pragmatisme animé, armé d'une priorité: servir le peuple. Les dirigeants et les cadres ne vous diront jamais que les choses vont bien à Cuba. Quand ils vous brossent le tableau de la situation du pays vous avez un choc tellement ils disent la vérité sans fards. Rien n'échappe à leur esprit critique. Et ils seront les premiers à vous expliquer que les acquis de la révolution paraissent, aux yeux des nouvelles générations, comme la norme et qu'ils veulent plus et plus vite. Que les discours sur les sacrifices pour un avenir radieux ne passent plus. Que les Cubain-nes veulent un niveau de vie correspondant au niveau de leur santé  et éducation publiques, c'est-à-dire équivalent à celui des pays développés. On en est loin.

Et ils essayent de répondre à ces attentes de plus en plus fortes alors que les Etats-Unis serrent la corde du blocus et des sanctions de plus en plus fort autour du cou de Cuba. Ils tentent de réformer, d'améliorer les choses tant matériellement que sur le plan démocratique. Contrairement aux mensonges déversés de façon continue par les médias il y a une vie démocratique intense à Cuba. Dont les formes sont certes différentes des nôtres mais non moins réelles et parfois même davantage car pour Cuba l'objectif principal c'est le sort du peuple et non des milliardaires. En France on observe que les 10% les plus riches possèdent 56% des richesses. Le 1% de personnes les plus aisées détiennent 25%. Rien de tel à Cuba évidemment.

Mais il est vrai que les réformes mises en œuvre sous Fidel puis par Raoul Castro, l'ouverture au marché, ont introduit une différenciation sociale forte. Notons que l'introduction des mécanismes du marché est un processus qui s'est voulu graduel et contrôlé afin de préserver le consensus social, la régulation étatique, la viabilité sociopolitique du modèle aussi est-on encore loin de l'expérience chinoise. Mais en laissant un espace plus important aux formes de propriété non-étatiques, la réforme économique a enclenché un bouleversement sociologique. Quand le marché est roi, où la consommation domine, les ambitions individuelles s'expriment au détriment des aspirations collectives antérieures. Le désarroi idéologique qui accompagne ces changements n'est pas la moindre des menaces pour la cohésion sociale. La marchandisation des valeurs s'accompagne d'un processus où le collectif laisse de plus en plus de place à l'individuel.

A chaque pas vers les réformes aux objectifs louables, des difficultés peuvent surgir. Ainsi prendre des mesures pour aller vers plus de décentralisation et d'autonomie, assouplir un système vertical de production où les décisions viennent d'en haut, accroître la rentabilité et la productivité semble aller dans le bon sens. Or la réforme a entraîné une efficacité accrue mais aussi une diminution de la force de travail...

Le bilan des réformes est au cœur de vives discussions au sein du Parti et du peuple car elles ont des effets contradictoires. La solution pouvant être une société socialiste qui reconnaisse l'existence de contradictions et de conflits dans une société complexe et qui fournisse des mécanismes pour les résoudre de manière démocratique au bénéfice de l'hégémonie populaire et de l'indépendance nationale car à Cuba, conquêtes sociales et souveraineté nationale sont étroitement liées depuis les débuts de la Révolution, et c'est le lien entre les deux qui a permis la survie du régime. 

L'identification entre le concept d'unité nationale et celui d'égalité sociale du socialisme cubain est en effet à la base du système. Les récentes manifestations,  au-delà des manipulations impérialistes évidentes, pourraient être aussi une conséquence de certaines réformes en cours s'ajoutant à l'étranglement dû au blocus étasunien. Regarder en arrière est vain et déployer la voie chinoise au capitalisme, "le socialisme de marché", sans doute inapplicable du fait de la pression étasunienne. C'est bien un nouveau socialisme démocratique qui permettra à Cuba de conserver ses acquis et déployer ses potentialités lui permettant de rester un phare pour toute l'Amérique Latine et au-delà.

 

Antoine Manessis.

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