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Recep Tayyip Erdogan a célébré avec Ersin Tatar, le président de la partie occupée du Nord de Chypre,  le 47ème anniversaire de l'invasion de Chypre par l'armée turque, en 1974. Invasion qui a coupé l'île, un Etat indépendant, en deux avec au sud la République de Chypre, membre de l'UE et la pseudo-République turque de Chypre-Nord (RTCN), seulement reconnue par Ankara.

Le président Erdogan y a plaidé pour une "solution à deux États". C'est-à-dire l'acceptation de l'agression militaire turque du le 20 juillet  1974 et de ses conséquences: l'occupation d'une partie du territoire national chypriote, la partition par la force d'un pays indépendant et donc le viol du droit international.

Certes, contrairement au Koweït qui provoqua la première guerre du Golfe, les puissances impérialistes ne semblent pas particulièrement dérangées par cette situation.  Rien de sérieux n'a été tenté pour faire cesser l'occupation de Chypre par la Turquie, pilier du flanc Sud‑Est de l'OTAN.

"L'élection" dans la partie occupée de l'ile a permis à Erdogan de placer un de ses soudards. L'UE comme d'habitude s'écrase devant le fascistoïde dirigeant de la Turquie, comme reconnaissons-le, tous les Etats depuis...47 ans. D'abord à cause de la Guerre froide et, à partir du naufrage de l'Union Soviétique, du fait de la situation géopolitique régionale. Un pays de 1.600.000 habitants ne compte guère.

Mais en revanche un petit pays peut provoquer par un jeu de dominos une série d'événements d'une ampleur certaine. Sont directement impliquées la Grèce et la Turquie. Par le jeu des alliances et des contradictions inter impérialistes des puissances comme la Grande-Bretagne, ancien puissance coloniale à Chypre et y possédant des bases, la France, alliée traditionnelle de la Grèce, les Etats-Unis, soutien traditionnel de la Turquie, sans parler des Russes, dont l'intérêt pour les "mers chaudes" est une permanence de leur politique, interviennent.

En 1974 c'est ce jeu des puissances qui a provoqué la crise dont le peuple chypriote supporte encore les conséquences puisque les Etats-Unis ont encouragé le régime des Colonels grecs à renverser le gouvernement chypriote non-aligné de l'ethnarque Makarios (1913-1977) qui se rapprochait trop de Moscou, au goût de Washington. Puis après le fiasco des Colonels, c'est encore la Maison-Blanche qui a encouragé la Turquie à intervenir à Chypre. Le but ultime étant de casser l'indépendance et le non-alignement de Makarios et de l'AKEL(Parti progressiste du peuple travailleur -communiste-) puissant sur l'île. L'AKEL a toujours refusé d'opposer les Chypriotes selon leurs origines turques ou grecques et il a lui-même donné l'exemple en unissant en son sein des Chypriotes grecs et turcs. Ils furent d'ailleurs la cible des terroristes turcs et grecs, d'extrême-droite, comme le TMC (turc) et l'EOKA-B (grec) de Grivas, ancien collabo des nazis puis du pouvoir monarcho-fasciste d'Athènes. Plusieurs militants communistes de l'AKEL furent assassinés par ces deux groupes fascisto-terroristes dans les années 1950, 1960 (le dernier membre turc chypriote du Comité central d'AKEL, Derviş Ali Kavazoğlu est assassiné en 1965 par le TMT) et jusqu'au coup d'Etat raté des Colonels en 1974.

C'est Niyazi Kızılyürek, un Chypriote-turc, qui est élu député européen en 2019 pour l'AKEL, ce qui fait de lui le premier Chypriote-turc à entrer au Parlement européen et démontre la volonté de l'AKEL de dépasser les conflits communautaires. L'AKEL milite pour la création d'un État fédéral dans lequel cohabiteraient les Chypriotes-grecs et les Chypriotes-turcs : "Chypriotes, Grecs ou Turcs, venons ensemble et effaçons toutes les passions et la haine. Marchons ensemble pour retirer toutes les troupes étrangères de notre île. Formons une fédération bizonale, avec un gouvernement central fort, et apportons la paix à notre île […] Rétablissons la démocratie, la prospérité et le bonheur pour tous les frères chypriotes." L'AKEL ne veut pas supprimer les différences ethniques, religieuses ou culturelles, mais simplement faire passer la citoyenneté commune au premier plan. 

Aux dernières élections en mai dernier (participation 67%) la droite a conservé la majorité avec 27% des voix (30% en 2016) mais elle est talonnée par l'AKEL avec 22% (25% en 2016). L'extrême-droite a fait une percée inquiétante avec 7% (2% en 2016).

Les déclarations d'Erdogan doivent être également placées dans le contexte de course des pays de la région pour s'accaparer des richesses (gaz naturel) du sous-sol marin de la Méditerranée et bien entendu dans les eaux territoriales chypriotes. Comme à son habitude le président turc fait monter les enchères et utilise pour cela la menace et le chantage. 

Reste une zone de tension supplémentaire dans une région qui est un baril de poudre et où les choses peuvent très vite dégénérer. Reste un pays souverain, membre de l'UE qui est occupé par un pays membre de l'Alliance atlantique depuis 47 ans.

 

Antoine Manessis.

 

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