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Au Liban, comme ailleurs, les Etats-Unis et ses alliés, occidentaux et proche-orientaux, pèsent en faveur d'une candidature du général Joseph Aoun*, chef de l'armée, aux présidentielles qui ont lieu dans un an. En mars ce dernier avait fait un discours interpelant brutalement les forces politiques: “L’armée n’en peut plus. Ce que vous faites va conduire à un effondrement sans précédent”. Dans un pays démocratique une telle intervention eut été considérée comme putschiste mais compte tenu de l'effondrement économique et social du pays le général a trouvé de nombreux soutiens au Liban mais aussi  à l'international. 

La France et son président qui s'est déjà ingéré dans les affaires libanaises de façon assez ahurissante, sous prétexte de liens historiques le Liban ayant été un "protectorat" français, a reçu le général J. Aoun à Paris lui confirmant  "la poursuite de l’appui de la France aux forces armées libanaises, véritable pilier de la stabilité du pays". Macron a répété que " la formation d’un gouvernement capable de mettre en oeuvre les réformes nécessaires au Liban reste la condition à la mobilisation d’une aide internationale à plus long-terme". On imagine bien de quelles "réformes" il s'agit.

Mais pour les occidentaux l'armée libanaise est la seule force capable d'empêcher que le mouvement populaire prenne une direction contraire à leurs intérêts. Face aux risques de désagrégation de l'armée sous les coups de la crise (la livre libanaise a perdu près de 90% de sa valeur, ce qui a accru dangereusement la précarité de la situation des officiers et des militaires) la France fournit une aide importante à l’armée libanaise, perçue par l’Elysée comme la pierre angulaire de la préservation de la "stabilité" au Liban. Les États-Unis ont fournis une aide supplémentaire de 120 millions de dollars à l'armée. 

Enfin l’Elysée organise aujourd'hui une conférence internationale pour organiser et coordonner l’aide à l’armée. Les Etats-Unis, la Grande Bretagne, l’Italie, et peut-être le Canada pourraient participer à cette conférence. Ainsi que des pays du Golfe, la Russie et la Chine, ainsi que des représentants des Nations unies et de l'Union Européenne.

Le pays est confronté à une explosion du chômage et une paupérisation à grande échelle, 55% de la population vivant aujourd'hui sous le seuil de la pauvreté, les prix à la consommation ont malgré tout augmenté de 133 % en un an.  Le risque d'explosion sociale est déjà palpable, Tripoli a été secouée par de violentes émeutes de la faim. Cette situation est la conséquence du néolibéralisme d'une oligarchie mafieuse et du système confessionnel en place au Liban. Mais la situation politique est complexe et les enjeux géopolitiques s'entrecroisent. La place du Hezbollah est centrale. Fort de sa légitimité démocratique avec sa coalition il est la force principale du pays et par ailleurs il n'a pas participé à la prédation des richesses du pays. Son aura patriotique reste forte. Il a d'autre part accepté l'idée d'une constituante, du "one man one vote", même s'il n' a pas participé au mouvement populaire qui a secoué le système. Les communistes furent une grande force au Liban (en 1967, il compte 75 000 adhérents, soit 3 % de la population, ce qui fait de lui le plus grand parti libanais de l’époque) mais il subirent un fort déclin comme l'ensemble des PC (dès 1994 le parti chute dans les sondages et les intentions de vote. Il passe de 18 % en 1992 à 1,5 % en 2004 - son point le plus bas - pour remonter à 4 % en 2007). D'autant qu'ils subirent, en plus de l'érosion du mouvement communiste international, répression, arrestations, tortures, assassinats de la part de la réaction libanaise, de l'armée israélienne mais aussi du Hezbollah dans les années 1980 même si les rapports sont meilleurs désormais.

Le peuple libanais reste celui qui décidera en fin de compte de l'avenir de son pays sans ingérence de la France et de l'Occident et sans solution bonapartiste. Avec  une réforme du système politique libanais, la baisse de l'âge de vote à 18 ans, le rejet du sectarisme confessionnel, une action résolue contre la corruption et les inégalités sociales par le passage d’une économie rentière à un modèle productif, ou encore le développement de la protection sociale.

 

Antoine Manessis.

 

* Aucun lien avec Michel Aoun, actuel président du Liban.

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