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Dès le lendemain du coup d’Etat du 22 juillet 1952, il avait déclaré que l’Egypte se trouvait, par idéologie et par intérêt, dans le camp occidental. Il avait établi des relations étroites avec l’ambassade américaine, qui l’avait aidé à consolider son régime.

L'amnistie générale prononcée par le nouveau pouvoir après le putsch des "Officiers libres" ne concerna pas les communistes emprisonnés, sous prétextes qu'ils ne relevaient pas du régime des internés politiques.... De plus, en  éclatèrent des émeutes d’inspiration communiste et les affrontements avec l’armée firent neuf morts Les deux meneurs communistes du mouvement  furent condamnés et exécutés.

A la suite de la tentative d’assassinat de Nasser le , une vague d’arrestations et d’enfermements touche les militants communistes, au même titre que les commanditaires islamistes de l’attentat

Entre juillet 1952 et avril 1955, date à laquelle s’est tenue la conférence de Bandung, la politique étrangère égyptienne était franchement pro-américaine.

Nasser céda une importante concession à la Compagnie pétrolière américaine Cities Petroleum Service, offrit aux hommes d’affaires américains de prendre en main la réalisation d’une quarantaine de projets industriels et enfin demanda et obtint une aide financière s’élevant à 40 millions de dollars. De 1952 à 1954, plusieurs missions militaires égyptiennes se rendirent aux Etats-Unis pour assimiler la technique américaine, et il avait même été question que des officiers américains soient engagés pour entraîner les forces armées égyptiennes. Le New York Times écrivait le 19 septembre 1954 que le président Nasser était un "homme intègre, énergique et dévoué à la cause de son peuple".

En 1953, Gamal Abdel Nasser interdit tous les partis politiques et forme un parti unique : le Rassemblement de la Libération. Une violente répression s’engage alors contre les militants communistes. Les nasseriens s’allièrent avec les Frères musulmans pour faire taire les aspirations démocratiques de la classe ouvrière, tout en s’engageant dans la phase de réformes agraires et d’inspiration sociales (salaire minimum et sécurité de l’emploi).

La conclusion d'un traité entre la Turquie et l’Irak, visiblement inspirée par les puissances anglo-saxonnes est survenue au début de 1955. Nasser venait en effet d’échapper à un attentat. Les Frères musulmans étaient encore puissants dans le pays. Les partis politiques, bien qu’interdits, entretenaient l’agitation contre la junte militaire "vendue aux Américains".  

C'est dans de telles conditions que Nasser se rendit à Bandung à la recherche d’alliés. Dès son retour au Caire proclama pour la première fois son adhésion aux principes du "neutralisme positif".  Mais Nasser demanda des armes aux E-U et à la G-B. Ceux-ci refusèrent étant convaincus que le chef de la junte militaire était trop anticommuniste pour mettre ses menaces à exécution et chercher des armes ailleurs. Or l’Egypte tourna le dos à sa politique traditionnelle et ouvrait la voie à la pénétration soviétique dans tout le Proche-Orient. Le prestige de l’URSS au sein des masses arabes n’a pas cessé de grandir. Mais Nasser voit cela comme un  "danger communiste".  

Au cours de son discours inaugural devant l’Assemblée nationale égyptienne le 22 juillet 1957 Nasser a pratiquement passé sous silence l’aide fournie par l’Union soviétique à l’Egypte dans les domaines politique, économique et militaire. 

En 1959  Le gouvernement de la République arabe unie a déclenché une offensive l'envergure contre le communisme égyptien et syrien. Au Caire et à Alexandrie une centaine de communistes ont été arrêtés et une imprimerie clandestine a été saisie. Trois maisons d'édition communistes et progressistes ont été fermées. La vague d'arrestations et de répression se poursuivit.

En décembre 1959, le mouvement de répression s'abat sur des intellectuels communistes et de gauche qui sont arrêtés, certains battus à mort en prison, d'autres restent emprisonnés jusqu'en 1964.  Les exactions et tortures ne cesseront qu'à la suite du voyage de Nasser en Yougoslavie en juin 1960

Pourtant le parti communiste égyptien ne compte pas plus de quelque centaines de militants et il est divisé en plusieurs groupes.

Toujours en 1959 un discours violemment anticommuniste prononcé par le président Nasser provoqua dès le lendemain la cessation de paraître du journal communiste Al Nour, tandis que la direction communiste des syndicats passait entre les mains des nassériens. Des étudiants de l'université de Damas publiaient, sur ordre du pouvoir, un manifeste réclamant "la mort pour les communistes partisans du séparatisme et du démembrement " de la RAU (République Arabe Unie).

En 1965 à l'occasion de la venue de Khrouchtchev au Caire pour inaugurer le barrage d'Assouan, Nasser libéra les prisonniers communistes en précisant : " La libération des communistes signifie leur donner l’occasion d’exprimer leur opinion dans les limites de la "Charte patriotique" avec le maintien de la solution policière en réserve s’ils essayaient "de constituer un parti politique public ou secret en Égypte ou s’ils essayaient de porter atteinte à la religion" : une liberté très surveillée...

Affaiblis le PC Egyptien se dissout.

Nasser meurt en 1970.

Ce très bref et très schématique rappel historique a une fonction pédagogique : "ne pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages" et Nasser pour un Lénine égyptien. Et surtout pour que ce genre de confusion ne se prolonge pas de nos jours : qui parmi nous n'a pas entendu dans la bouche de camarades des propos dithyrambiques pour des personnalités politiques qui ont massacré avec détermination un nombre incroyablement élevé de communistes, femmes et hommes de gauche, progressistes tels Saddam Hussein, Mouammar Kadhafi, Hafez-el-Assad ou encore le régime des mollahs iraniens.

Dire cela n'implique évidemment pas de soutenir de quelque façon que ce soit les agressions impérialistes contre l'Egypte en 1956 ou l'Irak en 2003, la Libye en 2011 ou la Syrie après le mouvement populaire de 2011 ou les sanctions et menaces actuelles contre l'Iran. Les interventions impérialistes ne peuvent pas être autre chose que ce qu'elle sont : une action prédatrice visant à renforcer l'hégémonie de telle ou telle puissance impérialiste sans chercher en aucune façon à améliorer ou tenir compte des peuples concernés. 

Les forces communistes, progressistes, de gauche de ces pays n'attendent pas que nous nous substituions à elles dans l'analyse de leur situation mais que nous exprimions notre solidarité vis à vis d'elles. Si elles sont divisées, ce qui arrive, c'est à leur peuple de trancher. Les forces de progrès en France ne peuvent se déterminer que par rapport à des principes comme la souveraineté de tous les peuples, la lutte pour la paix, la solidarité internationale et l'anti-impérialisme.

Inutile, pour mener ce combat, de transformer les forces bourgeoises, capitalistes, réactionnaires et/ou obscurantistes en forces progressistes même si leurs politiques peuvent avoir des aspects progressifs en matière sociale, de santé, d'éducation, d'égalité des sexes. Comme toujours une vision dialectique est indispensable pour analyser ce qu'une bourgeoisie nationale peut accomplir de favorable aux masses tout en montrant les limites de classe des bourgeoisies à certains moments historiques. Bien évidemment, répétons-le, c'est avant tout aux forces populaires du pays concernés d'élaborer leur stratégie et leur tactique qui a priori n'exclut aucune possibilité si elle aboutit tendanciellement au renforcement du mouvement populaire.

Notons aussi la mauvaise habitude qui existait dans le mouvement communiste international de confondre la diplomatie soviétique qui avait ses impératifs et la politique des partis communistes qui avaient les leurs. Cette confusion fut source de bien de malentendus, d'erreurs et d'illusions.

Enfin rappelons pour mémoire des dégâts qu'a pu faire la vision simpliste "l'ennemi de mon ennemi est mon ami". Conception erronée d'autant plus que bien souvent "l'ennemi de l'ennemi" peut très vite devenir son ami surtout quand leur nature de classe est identique. Et dans ce cas là les forces progressistes se retrouvent devant deux ennemis.

Quand on voit, par exemple, l'évolution de l'Egypte et son alignement au néo-libéralisme, à la rapide liquidation de "l'Etat social" nassérien dès Sadate*, à l'acceptation des directives du FMI, à la tutelle des impérialistes étasuniens, aux alliances du pouvoir militaire/bourgeois avec les islamistes pour liquider la gauche avant qu'eux mêmes ne soient liquidés, on doit en tirer des leçons. On ne peut que constater que la "pénétration soviétique" en Egypte était très fragile et que le fléau de la balance que Nasser tentait de maintenir de façon à lui laisser un espace autonome de manœuvre, a fini par pencher du côté du capitalisme et du pouvoir militaro-bourgeois par nature de classe du putsch militaire de 1952 qui renversa une monarchie fantoche de l'impérialisme britannique.

Saisir et assumer les contradictions est le meilleur chemin pour la compréhension des situations historiques dans leur complexité.

 

Antoine Manessis.

 

* Anouar-el-Sadate Successeur de Nasser à la tête de l'Egypte.

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