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L'idée d'absence d'alternative à l'ordre social et politique existant est largement dominant.

Que faire donc pour renverser la perspective, dépasser "une vision pétrifiée du présent" (Walter Benjamin)?

Nous sommes bien dans ce qu'Antonio Gramsci appelait une crise organique qui "consiste justement dans le fait que l'ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître". C'est donc une période historique où l'ancienne hégémonie se désagrège sans qu'une nouvelle, une autre hégémonie se dessine ou s'affirme. Cette incapacité à donner une perspective historique est donc partagée par les forces sociales en lutte. La crise du capitalisme dure mais l'absence d'hégémonie alternative plombe toute alternative politique.

La seule renaissance que l'on constate, c'est celle du fascisme. Un fascisme du XXIe siècle mais qui conserve de son ancêtre du XXe une caractéristique de classe fondamentale, "le fascisme, c'est le pouvoir du capital financier lui-même" sous des formes dictatoriales et autoritaires, attentatoires aux libertés démocratiques.  Mais le fascisme ne représente pas une nouvelle hégémonie : il est le symptôme de la décomposition de l'ancienne hégémonie bourgeoise au moment où la domination et la coercition prennent plus de place que le consentement de plus en plus difficile à obtenir des classes subalternes.  

Faire ce constat ce n'est pas verser dans le découragement ou le renoncement mais regarder avec lucidité les contradictions et les processus complexes qui font l'histoire. "Pessimisme de l'intelligence, optimisme de la volonté" la devise de Gramsci est d'une brûlante actualité.

Bien sûr les autruches ne manquent pas qui parlent avec des mots qui n'ont aucune prise sur le réel. Hors rapports de forces. Hors même de toute réalité. Proclamations hors sol, projets mort-nés, postures et vocabulaire antédiluviens, méthode Coué généralisée, ceux qui remplacent les actes par des mots vides de sens car "toute vérité abstraite devient une phrase si on l’applique à n’importe quelle situation concrète". Or ces autruches ne portent évidement aucune alternative concrète et crédible. Juste la répétition ad nauseam des mêmes formules dépourvues de sens ici et maintenant. Ces autruches, incapables de surmonter par la raison la défaite historique subie par le mouvement communiste, sombrent dans le ressassement des vieilleries obsolètes, la religiosité, la dogmatisation donc la négation de la part vivante de la pensée de Marx et de Lénine "L'analyse concrète d'une situation concrète". L'incapacité d'admettre les crises finales de la social-démocratie et du soviétisme et de rechercher à redéfinir la perspective d'une transformation politique et sociale de notre temps. Et que dire de la déconnexion absolue avec le mouvement ouvrier et populaire qui se traduit par la constitution de micro-sectes animées par des quarterons de retraités. Ils ne sont même pas capables de prendre le meilleur de ce que fut le communisme français comme l'ouvriérisation du parti ouvrier, avec des dirigeants ouvriers, des cadres ouvriers, des élus -maires, députés..- ouvriers. Le sens de l'organisation et des journaux attractifs (l'Humanité ou Regards) à la pointe de ce qui se faisait alors contrairement aux bulletins confidentiels et poussiéreux, affichant leur 50 ans de retard et frappés de sénescence figés qu'ils sont dans des formes archaïques conforme au fond lui-même obsolète. 

Que faire donc sinon réfléchir et élaborer, à partir d'une analyse des rapports sociaux et des rapports de forces que le capitalisme néolibéral a créé, une nouvelle voie vers un socialisme. Un chemin qui dépassera le réformisme social-démocrate et le modèle soviétique. Qui conjuguera le socialisme avec la démocratie qui en est la condition de vie, qui peut en être le mode d'organisation et qui devrait en être la finalité. 

Depuis les années 1960 et 1970 une réflexion a vu le jour chez les marxistes pour dépasser la crise du soviétisme et des partis communistes et même une "crise du marxisme". Crise dont l' expression ultime fut l'effondrement du communisme du XXe siècle. L'implosion finale de l'Union Soviétique en 1990 n'a fait qu'acter la fin d'un processus entamé depuis longtemps. Souvent à partir de la pensée de Gramsci, en confrontation ou en accord avec elle, toute une réflexion s'est développée chez des intellectuels marxistes (Poulantzas, Althusser, Lefebvre, Garaudy...) mais aussi au PCI et d'une autre manière au PCF. L'élaboration de voies nationales au socialisme se voulaient aussi des réponses aux crises, des tentatives de dépassement de "droite" ou de "gauche" du stalinisme. Mais le processus d'érosion politique, culturel et symbolique du communisme n'a fait que s'accélérer jusqu'à la crise finale.

Aujourd'hui poursuivre ces réflexions critiques pour tenter d'élaborer une stratégie pour le mouvement ouvrier, populaire et démocratique est bien un travail majeur pour les progressistes qui devront, pensons-nous, partir de la pensée de Gramsci en tant que traducteur pour l'Occident du marxisme révolutionnaire de Lénine. Et bien sûr de ceux qui, depuis, ont enrichi le marxisme et la pensée de Gramsci et dont l'héritage critique ne peut que nous aider à répondre aux questions de fond : qu'est ce qu'un parti révolutionnaire au XXIe siècle ? Qu'est ce que la révolution aujourd'hui ? Quelle forme pour le parti ou/et le mouvement révolutionnaire ? Comment articuler la visée révolutionnaire, le mouvement social, le mouvement syndical, le mouvement politique ? Quel inventaire pour le communisme du XXe siècle ? Comment redonner crédibilité et visibilité à une alternative progressiste ?

Bref l'analyse critique de l'histoire du mouvement ouvrier dans la perspective de la construction d'une alternative progressiste pour notre temps. Vaste programme...

 

Antoine Manessis.

 

 

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