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La réaction a bien des visages. Parfois surprenants quand des progressistes adoptent un point de vue réactionnaire.

Ainsi fut-il pour l'avortement.

Alors qu'un journaliste et militant communiste, Jacques Derogy (Résistant et journaliste au journal Libération d'Emmanuel D'Astier de la Vigerie), réalisait en 1956 une remarquable enquête sur l'avortement, montrant les tragédies que vivaient les femmes du fait de l'interdiction de l'avortement et des avortements clandestins, Maurice Thorez ( l’Humanité du 2 mai publia la "Lettre de Maurice Thorez à Jacques Derogy ") et Jeannette  Vermeersch, dénoncèrent le "néo-malthusianisme" des partisans du droit à l'avortement adoptant ainsi une position franchement réactionnaire. Thorez écrit à Derogy : "Au lieu de vous inspirer des idéologies de la grande et petite bourgeoisie, vous auriez mieux fait de méditer l'article que Lénine a consacré au néomalthusianisme... Le chemin de la libération de la femme passe par les réformes sociales, la révolution sociale et non par les cliniques d'avortement." Deux jours plus tard, Jeannette Vermeersch déclare à propos de l'avortement : "Depuis quand les femmes travailleuses réclameraient le droit d'accéder aux vices de la bourgeoisie ? Jamais !" Ainsi le Congrès du Havre du PCF de 1956 déclare : "Le néomalthusianisme, conception ultra-réactionnaire, remise à la mode par les idéologues de l'impérialisme américain, est une arme aux mains de la bourgeoisie pour détourner les travailleurs de la lutte pour les revendications immédiates, pour le pain, pour le socialisme".
D
erogy quitta le Parti et milita au Mouvement français pour le Planning familial. Le 10 juin 1961 il assista, à Grenoble, à l’ouverture du premier centre du Planning familial qui connut un succès considérable et ouvrit la voie à une multiplication des centres.

Bien sûr quelques années plus tard le Parti recouvra ses esprits. Mais ce positionnement fit du mal et montra combien sur des questions aussi centrales que la vie des femmes, un grand parti communiste et un de ses grands dirigeants pouvaient se mettre le doigt dans l’œil jusqu'au coude.

Aujourd'hui encore on entend certains à gauche tenir, concernant la PMA, des propos quasi identiques à ceux de Thorez en 1956. Dénonciation du supposé modèle "anglo-saxon", des riches qui font porter aux femmes pauvres leurs enfants...on n'est pas loin "des vices de la bourgeoisie" de Jeannette. Mais aussi un discours qui ressemble à s'y méprendre avec le "une maman, un papa" de la Manif pour tous. Le plus ahurissant est le rejet de la PMA pour les couples homosexuels ou les personnes seules. Pourquoi ? Parce que doit primer l’intérêt des enfants disent nos Savonarole de gauche. Et que rien ne prouve, parait-il, qu'un enfant d'un couple homo puisse s'épanouir ! Ah oui ? Et qu'est-ce qui garantit l’intérêt supérieur de l'enfant dans un couple hétérosexuel ? Et qui peut croire que l’épanouissement de l'enfant est garanti dans une famille hétérosexuelle? Et qui a décrété que lorsque meurt la mère ou le père par exemple, le parent resté seul  est incapable d'élever ses enfants ? Et qui oserait rationnellement dire qu'un couple homosexuel (hommes ou femmes) serait moins apte - en quel honneur ?! - à donner amour et éducation à ses enfants ? La chasse aux sorcières n'est pas loin...

Je dirais même qu'il y a davantage de chances qu'un enfant désiré et obtenu grâce à la PMA (chez des homos ou des hétéros, il n'y a aucune différence) soit aimé et épanoui. Sans doute plus que dans un couple hétéro où l'enfant naît sans être voulu (et oui, ça existe encore) et sans que les parents aient passé un concours pour savoir s'ils seront capables d'assurer "l'épanouissement" de l'enfant. Les parents hétéros qui battent comme plâtre leurs enfants n'ont pas eu recours à la PMA. Les pères incestueux n'ont pas eu recours à la PMA. Tous les parents "déficients" n'ont pas utilisé la PMA.  Tous les enfants sont des "cobayes" pas seulement ceux nés sous PMA puisque, sauf grâce divine ou narcissisme maladif, nul ne sait s'il sera (s'il est) un "bon parent". 

De qui se moque-t-on ? On camoufle les vieilles pensées réactionnaires et obscurantistes, homophobes et sexistes, avec un vocabulaire qui n'est que le vieux discours poussiéreux d'un passé heureusement révolu.

Errare humanum est, perseverare diabolicum.

 

Antoine Manessis. 

 

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