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"Chaque centre industriel et commercial d’Angleterre possède maintenant une classe ouvrière divisée en deux camps hostiles : les prolétaires anglais et les prolétaires irlandais. L’ouvrier anglais moyen déteste l’ouvrier irlandais en qu’il voit un concurrent qui dégrade son niveau de vie. Par rapport à l’ouvrier irlandais, il se sent membre de la nation dominante et devient ainsi un instrument que les aristocrates et capitalistes de son pays utilisent contre l’Irlande. Ce faisant, il renforce leur domination sur lui-même. Il se berce de préjugés religieux, sociaux et nationaux contre les travailleurs irlandais. Il se comporte à peu près comme les Blancs pauvres vis-à-vis des Nègres dans les anciens États esclavagistes des États-Unis. L’Irlandais lui rend avec intérêt la monnaie de sa pièce. Il voit dans l’ouvrier anglais à la fois un complice et un instrument stupide de la domination anglaise en Irlande"  Karl Marx.

Voila expliqué en quelques ligne par Marx comment le capitalisme utilise les divisions que lui même génère contre le travail. Ce qu'écrit Marx est d'une actualité totale. Il suffit de mettre Africain, Algérien , Roumain ou Migrants (de partout) pour comprendre le processus visant à affaiblir le prolétariat pour mieux l'exploiter. 

En France, de façon spécifique mais fondamentalement assez identique dans tous les pays d'Europe, cela s'accompagne d'un inconscient post-colonial : pendant des décennies, si ce n'est des siècles, certains peuples étaient déshumanisés, concrètement et idéologiquement, pour pouvoir devenir esclaves et/ou colonisés. Bien entendu, suivant les pays d'où viennent les immigrés, le racisme variait sur l'objet de sa haine (Italien, Portugais, Espagnol, Algérien, Marocain, Tunisien, Malien, Sénégalais, Pakistanais, Indien, Indochinois, Chinois etc...) mais sur le fond, surtout dans l'usage politique et social qui en est fait, rien ne change : diviser les exploités reste l'objectif central.

Parfois la gangrène pénètre même des esprits qui, théoriquement, sont immunisés. Ainsi on a pu entendre des militants progressistes tenir des discours qui "se bercent de préjugés religieux, sociaux et nationaux contre les travailleurs" étrangers, pour qui la classe ouvrière est blanche, pour qui l'immigré, l'étranger est un élément extérieur à la classe. Pour qui, comme l'écrit la romancière franco-camerounaise, Léonora Miano, " le  grand dérangement que semble encore susciter la présence noire dans la France contemporainereste une réalité. On peut en dire autant des Pakistanais en Grande-Bretagne ou des Turcs en Allemagne et même des Albanais en Grèce.

Ce genre d'attitude a des conséquences. Ne pas tenir compte des transformations de la classe ouvrière, des masses populaires, tant sur le plan de leur structuration, leur atomisation, leur parcellisation, leur segmentation par l'organisation du capitalisme contemporain, que sur le plan de leur composition multi-ethnique et multi-culturelle, peut entraîner une impuissance stratégique évidente.Ne pas voir "l'internationalisation" de la classe c'est affaiblir la lutte de classes nationale, c'est affaiblir la classe ouvrière de France ou de Grande-Bretagne ou d'Italie etc. Il ne s'agit pas d'on ne sait quel communautarisme, au contraire, il s'agit d'unir la classe, diverse dans ses origines, ses cultures, ses mœurs, par le combat de classe commun.

C'est pourquoi l'anti-impérialisme (d’abord français pour les travailleurs de France) et la lutte contre le racisme sont non seulement des principes émancipateurs mais aussi les conditions pour une lutte de classes, nationale, conséquente et fédératrice.

L'anti-impérialisme permet aussi de comprendre ce qui ce passe tant dans les pays agressés par l'impérialisme que dans les pays impérialistes eux-mêmes. Comment ne pas constater que le comportement barbare de l'impérialisme dans ses colonies ( génocide des Héréros, massacres de masse au Congo... etc) ne suscita de réactions que lorsqu'il fut appliqué en Europe? Comment ne pas voir que lorsque la Grèce, pays européen, fut asservie et matraquée par l'UE/FMI/BCE au nom de la dette, les progressistes réagirent, alors que les réactions avaient été beaucoup moins intenses quand les pays du Tiers-monde subissaient le même traitement par les mêmes institutions du l'impérialisme mondial.

Comprenons que l'internationalisme n'est pas un gadget pour discours de fin de congrès mais une impérieuse nécessité du combat de classe. Etre solidaire des combats partout, ça veut dire en même temps se défendre ici. Il n'y a pas deux combats mais un seul.

 

Antoine Manessis.

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