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 Il arrive que les sondages d’opinion confirment nos intuitions. Ainsi Odoxa nous apprend que seuls 20% des Français ont applaudi les soignants à leurs fenêtres.Ce qui veut dire que 80% ne l'ont pas fait. Malgré l’appui pesant et lourd de la propagande officielle via BFM, France 2 ou France-Inter. Pour nous, cela est encourageant et il faudra un jour se pencher sur ce que fut l'information pendant cette période.

Qu'est-ce que cela veut dire ?

La première chose qui vient à l'esprit c'est qui a applaudi ? Les urbains, habitants des centres-villes, les petits et moyens bourgeois qui votaient PS et votent désormais EELV et/ou Macron. Ces centres urbains habités par des gens (relativement) aisés, dotés d'un capital culturel qui les fait se prendre pour le centre du monde. D'autant qu'ils sont présents et donc relayés dans les médias. France Inter est un peu l'organe central de cette mouvance. Mais dans tous les médias l'influence de cette catégorie sociale est prégnante.

Comme avec "Je suis Charly", on s’aperçoit, une fois l'écume médiatique retombée, que les catégories populaires n'ont pas participé à la fête. Est-ce à dire que les attentats ne les ont pas tout autant horrifiés ? Certainement pas. Mais en revanche le peuple ne se contente pas de bougies et de nounours pour exprimer ce qu'il ressent. Dans les milieux populaires on évite les bisous à la police auxquels nous avions eu droit ad nauseam.

Concernant les applaudissements des soignants 18% des personnes interrogées trouvent que cette forme d'expression n'a pas de sens. Et 38% qu'il y a d'autres façons de montrer sa solidarité avec les soignants. 56% pensent donc qu'il y a autre chose à faire de plus pertinent. D'ailleurs 91% soutiennent les soignants et particulièrement les infirmières pour 96%. 

Cela montre que clivage de classe dans l'expression même de la solidarité est fort. Il s'inscrit dans une histoire longue faite de rapport de forces. Les luttes populaires sont des luttes de classes. Dures. Les classes populaires savent que le conflit, la bagarre est partie intégrante de leur combat émancipateur. Le petit-bourgeois rêvasse d'unanimisme, de dépolitisation, d'union nationale. On est dans la guimauve. On est dans l'action symbolique et éphémère inspirée d'un narcissisme dégoulinant de bons sentiments. Quand les soignants manifestaient et se faisaient gazer par la police où étaient les applaudisseurs ? Avant Charly, et après d'ailleurs, quel fut l'engagement anti-impérialiste du porteur de l'affichette ? Quand les bons sentiments hollywoodiens remplacent l'aride pensée critique, on n'est pas loin du degré zéro de la politique et donc de la démocratie.

Et encore derrière le côté sympathiquement idiot, n'y a-t-il pas, certes un peu camouflé, un certain mépris de classe. Le petit-bourgeois n'applaudit pas les caissières, ni les femmes de ménage, ni les éboueurs, ni les transporteurs, mais les soignants. Il y a sous le tapis le mépris pour "ceux qui fument des clopes et roulent au diesel" de la même façon que les petits-bourgeois réformistes ou d'extrême-gauche, avaient un haut-le-coeur devant les Gilets jaunes, trop populos, trop franchouillards...pensez, ils chantaient La Marseillaise !

Sans compter la facilité du geste qui porte en lui même un certain ridicule. Le "résistant" dont l'acte suprême était de regarder passer les soldats Allemands devant sa fenêtre en pensant, intérieurement on ne sait jamais, "sales Boches".

Plus réconfortant, 66% des Français ne font pas confiance aux guignols de l"Exécutif pour gérer la crise sanitaire et sociale, 76% estiment que le pouvoir a mal réagi à la pandémie. Cela veut dire qu'une base de masse existe pour une véritable alternative.

Mais nous devons être vigilants, un Hulot peut capter et stériliser le mécontentement de nos applaudisseurs. Aussi, quelle que soit la difficulté de la tâche, il est nécessaire d'unir et de rassembler autour des travailleurs la petite et moyenne bourgeoisie. Trouver les terrains qui permettront d'entraîner ces couches moyennes vers un peu plus de cohérence politique. La protection de l'environnement est un terrain important de la lutte des classes non seulement du fait de son contenu (l'air qu'on respire, la bouffe que nous mangeons...et donc la santé des pauvres et des couches moyennes) mais aussi comme enjeu politique. La bourgeoisie investit massivement ce champs idéologique en le dépolitisant avec le capitalisme vert et EELV saisit la balle au bon, puisque Jadot explique qu'il peut gouverner avec la gauche (à condition qu'elle ne le soit pas trop comme Mélenchon-le-vilain-populiste) et avec la droite (à condition qu'elle lui laisse une part du festin). 

Dénoncer les errements petits-bourgeois ne signifie en aucun cas ne pas se battre pour constituer un front commun des couches populaires et moyennes. Mais ce front doit se constituer sur des bases suffisamment et raisonnablement radicales pour que l'alternance soit une alternative. S'il s'agit d'enfoncer des portes ouvertes, de bêler "résilience", "durable", "care", "Europe sociale" et autres mots de la novlangue de la "start-up nation" autant...rester confiné. D'autant qu'en embuscade veillent les Bolsonaro français.

 

Antoine Manessis. 

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