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Le 8 mai 1945, ironie de l'histoire, le colonialisme français montrait son plus hideux visage.

Une manifestation célébrant la victoire sur le fascisme a lieu à Sétif. Des patriotes algériens profitent de la présence de la foule pour brandir le drapeau national algérien. La police tire. Il y aura 40 morts algériens. La foule en colère s'en prend à des Français dont une vingtaine sont tués. Le secrétaire de la section du Parti communiste algérien, Albert Denier a les deux mains tranchées d'un coup de hache. Ce dernier refusera de dénoncer ses agresseurs : "c'est le colonialisme qui a voulu m'assassiner" faisant preuve d'une lucidité politique et d'une grandeur personnelle admirable.

A Guelma et à  Kherrata des manifestations nationalistes ont lieu et la répression coloniale est immédiatement d'une violence totale. Policiers, militaires et miliciens, colons armés par les autorité françaises, massacrent, torturent, enferment.

Les Algériens ne restent pas inertes mais les chiffres parlent d'eux-mêmes : environ une centaine de morts chez les Français contre des dizaines de milliers d'Algériens. Le gouvernement algérien parle de 45.000 morts, les historiens entre 20.000 et 30.000 morts. Ce qui est incontestable c'est l'incroyable terreur coloniale qui va s’abattre pendant des semaines sur les Algériens. Un véritable carnage est mis en oeuvre : exécutions sommaires et de masse touchent tous les habitants algériens sans distinction. La sauvagerie de la répression coloniale se déchaîne. Les auto-mitrailleuses tirent dans les foules, les navires de guerre bombardent les populations, le chasse à l'homme est la règle.

Ce n'est qu'à partir du 22 mai que l'horreur prend fin officiellement. Seul le journal Alger républicain condamne la répression. Mais seulement quand il disposera d'informations durant la seconde quinzaine de mai selon les mémoires d'Henri Alleg.

Le 11 mai le PCF et l'Humanité reprennent la version du Gouvernement général "des éléments troubles d'inspiration hitlérienne  ce sont livrés à des agressions. La police, aidée par l'armée, maintient l'ordre". Le 19 mai l'Huma renvoie encore dos à dos les "provocateurs hitlériens et les pseudo-nationalistes". Mais le 18 mai lors du du CC, André Marty expose les événements tels qu'ils ont eu lieu "Jamais depuis 1871 nous n'avons eu des événements aussi graves". Reste que la première vraie évolution dans le discours du PCF devra attendre la mi-juillet lorsque l'Assemblée Nationale examinera le drame. L'appareil communiste a incontestablement dérapé sur cette affaire mais en revanche les ministres communistes, en particulier Charles Tillon, n'ont été ni informés, ni complices de la répression de l'Etat. Cela dit les communistes payèrent cher cette erreur politique d'appréciation. Le PCF et le PCA ont gravement sous-estimé la revendication nationale qui a été radicalisée par la répression. "Cette plaie ne sera jamais tout à fait cicatrisée" comme l'écrit Alain Ruscio dans Les communistes et l'Algérie.

Ces événements vont traumatiser le peuple algérien et radicaliser le mouvement national algérien. On peut dire que Sétif est une étape marquante du processus qui aboutira à la guerre de libération algérienne. La perspective de la lutte armée s'impose face à l'orgie de violence déchaînée par le colonialisme français.

 

Antoine Manessis.

 

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