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                "La cause du travail est la cause de l’Irlande. La cause de l’Irlande est la cause du travail". 

 

C'est le 24 avril 1916 que débutait l'insurrection irlandaise connue sous le nom de "Pâques sanglantes" et qui fut un moment historique central du pays et de sa marche vers son indépendance. 

Dans quel contexte eut lieu cet événement qui allait changer l'histoire de l'Irlande ?

Le peuple irlandais mena une lutte ancestrale contre la domination britannique.Le XIXe siècle fut marqué par de terribles famines et une misère noire pour la masse des Irlandais. Entre 1845 et 1847 on évalue à un million le nombre de morts de ces famines et à deux millions le nombre d'émigrés, la plupart pour les États-Unis. Mais la résistance nationale ne cessa jamais.

En 1803, Emmet, un patriote, s'attaque au Château de Dublin symbole de l'occupation britannique.

En 1848 une rébellion est menée par le mouvement Jeune Irlande.

En 1858 était fondé l'Irish Republican Brotherhood (IRB).

Le Home Rule, l'autonomie de l'Irlande, se heurtait à la résistance des Conservateurs anglais et ce n'est qu'en 1914 que le Roi George V donne sa signature, tout en reportant l'application à la fin de la guerre. Mais la simple perspective de cette autonomie radicalise les positions, les protestants loyalistes à la couronne fondent l'UVF (Ulster Volonteer Force) contre le Home Rule et les patriotes se regroupent dans les Irish Volonteers.

En 1913 des grèves ouvrières font face à une violente répression des patrons et des Britanniques. Aussi le mouvement syndical et socialiste organise des groupes d'auto-défense, l'Irish Citizen Army (ICA) dont le leader est le marxiste James Connolly.

 

Connolly est issu d'une famille irlandaise catholique pauvre qui fuit les famines en Écosse. Il travaille dès l'âge de dix ans. Il s'engage dans l'armée britannique à 14 ans et observera son attitude coloniale en Irlande. En 1889 il déserte et il se réfugie en Ecosse. Il fait ses premières armes politiques, rencontre Eleanor Marx, s'engage dans le mouvement socialiste et étudie le marxisme. Sa famille est plongée dans la misère et c'est alors qu'il reçoit une proposition de permanent au sein du Dublin socialist club puis il fonde en 1896 l'Irish Socialist Republican Party. En 1901 il s'installe aux Etats-Unis où il continue son action militante, syndicale et politique. Il adhère à l' Industrial Workers of the World. En 1909 Connolly est élu organisateur national du Socialist Party of America dont le dirigeant n'est autre qu’Eugène Debs, le grand leader socialiste étasunien. Finalement il rentre en Irlande.

 

Il s'installe à  Belfast et adhère au Irish Transport and General Workers' Union (ITGWU) en mars 1911. En octobre, il coordonne la grève des ouvrières dans les minoteries de Belfast et participe à la création d’une section textile de l’ITGWU. L’année suivante, il est l'un des cofondateurs de l’Irish Labour Party (ILP) dont il rédige le programme.

Le 26 août 1913 marque le début de la grève générale à Dublin et le 31 de violents affrontements entre policiers et grévistes font une victime, une jeune ouvrière et des dizaines de blessés. Connolly est arrêté, il entame une grève de la faim et est relâché le mois suivant. Le 23 novembre, c’est la création de l’Irish Citizen Army (ICA) par James Connolly et James Larkin ; le but est de protéger les ouvriers et les grévistes. Ll' ICA sera une des composantes de l’IRA (Irish Republican Army).

Dès 1914 Connolly se prononce contre la partition de l’Irlande et au mois d'août prend position contre la guerre impérialiste dans un article de l’Irish Worker où il lance son mot d'ordre Ni pour le Roi, ni pour le Kaiser ! Très peu de militants socialistes font preuve d'autant de clairvoyance à ce moment là.

Enfin en 1916 arrive l'heure de l'insurrection.Le 24 avril ICA et IV manifestent dans la grande avenue de Dublin, O'Connel Street. Les insurgés occupent alors le Grande Poste et d'autre bâtiments stratégiques.

Le 25 avril les chefs de l'insurrection proclament la République. 

 

Les Britanniques contre-attaquent et après cinq jours de violents combats les insurgés se rendent. La répression sera impitoyable et sauvage. 5000 arrestations, 90 peines de mort prononcées dont 16 seront exécutées. Pearse est fusillé le 3 mai. James Connolly, blessé dans les combats, est sorti de son lit d'hôpital et exécuté, assis sur une chaise.

La brutalité de la répression va susciter un élan de sympathie pour les insurgés vaincus militairement par un ennemi bien plus puissant. Politiquement l'élan donné par 1916 sera fatal à terme à l'occupation britannique. Cela étant le combat de classe traversait aussi les rangs des patriotes irlandais. Rapidement des conflits de classe se superposeront au combat de libération nationale.

Il reste que cette page héroïque appartient au peuple irlandais et en particulier aux travailleurs. 

 

Quant à James Connolly il restera l'inspirateur de la gauche irlandaise. Ce militant et dirigeant du mouvement ouvrier sut concilier le combat patriotique et le combat de l'émancipation sociale. Ce faisant il posait des jalons pour tout le mouvement ouvrier. La question nationale fut souvent l'angle mort du mouvement révolutionnaire. Sa sous-estimation a largement contribué à maints défaites du mouvement ouvrier. Au contraire c'est lorsque les révolutionnaires, les progressistes, s’identifient à la fois à la libération nationale et à l'émancipation sociale qu'ils ont triomphé. Il peut sembler stupéfiant d'ailleurs que des militants de gauche n'aient pas encore retenu cette leçon de l'histoire mais il est vrai que la petite-bourgeoisie est sensible au nihilisme national et que son rôle dans les organisations progressistes est devenu pesant et stérilisant voir débilitant.

 

Reste à nous souvenir et à faire connaître James Connolly son action et sa pensée. Insuffisamment connu en France, ce militant ouvrier marxiste, dirigeant syndical et politique, non seulement introduisit le marxisme en Irlande, mais élabora une stratégie qui prenait en compte la situation concrète de son pays et à travers cette action il donna un message universel au mouvement révolutionnaire international.

Lénine, analysant à chaud les événements de 1916, après avoir rappelé "les siècles d’existence" et le caractère "de masse du mouvement national irlandais", note qu’au côté de la petite-bourgeoisie urbaine "une partie des ouvriers" avait participé au combat. "Quiconque qualifie de putsch pareille insurrection est, ou bien le pire des réactionnaires, ou bien un doctrinaire absolument incapable de se représenter la révolution sociale comme un phénomène vivant". Il salue aussi dans l'ICA "la première armée rouge d'Europe". 

 

L' importance accordée par Connolly à la question nationale tient aussi évidement compte du fait que l'Irlande est en effet considérée comme une colonie par l'impérialisme britannique. D'ailleurs la situation irlandaise sera discutée par l'Internationale Communiste dans le cadre de la question coloniale et des mouvements d'émancipation des pays opprimés. En présence de Roderick Connolly, fils de James et fondateur du Parti communiste d'Irlande.

 

Le célèbre slogan de James Connolly continue à retentir et à nous montrer le chemin qui peut ouvrir la voie à un rassemblement populaire victorieux "La cause du travail est la cause de l’Irlande. La cause de l’Irlande est la cause du travail". 

 

Antoine Manessis.

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