Macron, Valeurs Actuelles et relents marxistes

Après le juif est venu le tour du musulman. Il faut bien que les gens qui souffrent s'en prennent à quelqu'un. S'en prendre au grand capital c'est difficile : on ne le voit pas, il n'a pas vraiment de visage, il ne nous vole pas nos portables, il ne brûle pas nos voitures. Non, il vole nos vies : salaires de merde, chômage, misère, car oui, ne plus avoir une tune le 15 du mois c'est la misère, précarité (allez voir le dernier Ken Loach), destruction des services publics (allez faire un tour aux Urgences, prenez le RER B, payez votre note d'électricité, voyez la SNCF qu'ils sont en train de privatiser, la réforme de l’Assurance-chômage qui entre en vigueur ce 1er novembre : 1,3 million de demandeurs d’emploi, dont les plus précaires, verront leurs indemnités baisser dans l’année qui vient....). Mais la proximité des incivilités, de la petite délinquance, venues des plus pauvres et donc souvent de ceux qui ont des origines étrangères, elle est facile à repérer. Et quand des idéologues fascisants et racistes comme Zemmour ou le RN, éructent à la télé et dans Valeurs Actuelles que les responsables de nos maux ce sont les Arabes, les Noirs et les musulmans...ça marche. Comme dans les années 1930 avec les juifs. Comme en 1893 à Aigues-Mortes avec les Italiens. Comme en 1934-1935 dans le Nord/Pas de Calais où les Polonais sont virés de France dans l'indifférence quasi-générale.

Il est toujours plus facile de s'en prendre à un type qu'on croise quotidiennement, qui est différent, autre religion, autres mœurs, autre couleur de peau... Si vous rajoutez "le bruit et les odeurs", vous avez le cocktail parfait pour le pogrome ou la ratonnade. Et la division mortifère des prolétaires de France.

Macron se répand, depuis quelques semaines, avec la droite et évidemment le RN, à longueur d'antenne et de journaux contre le communautarisme (=islam), contre l'immigration non-choisie (=islam), contre la générosité excessive de notre service de santé à l'égard de certains (=islam). La manœuvre est assez grossière mais comme disait Goebbels " Plus le mensonge est gros, mieux il passe". Jusqu'à présent Macron s'exprimait sur TF1, France 2 ou Le Monde et Le Figaro. Mais voici qu'il s'exprime dans un torchon d'extrême-droite Valeurs Actuelles. Certes quand la télé de Bolloré (fortune estimée à 6 milliards d'euros, lui vous ne le croiserez pas dans le métro) donne des heures d'audience à Zemmour, il n'y a pas vraiment de quoi s'indigner. Tout cela est complémentaire. Mais en revanche ce choix est révélateur. Macron n'a pas agit à la légère. Il fait passer un message à l'électorat de droite et d'extrême-droite "Je vous ai compris". Les élections municipales et les présidentielles en ligne de mire, le président des riches doit impérativement élargir sa base. Comme sur le plan social il matraque avec une violence inouïe les ouvriers, les employés, les chômeurs, les fonctionnaires, les couches moyennes...il doit porter le débat politique sur un autre terrain : celui du la lutte des "races" pour escamoter la lutte des classes. Le choix de VA est celui de s'adresser à la frange extrême, dure, raciste, islamophobe de la droite. La fameuse triangulation est à l’œuvre, pense-t-il, pour affaiblir le RN et conforter sa position pour le tête à tête espéré entre lui et la candidate RN quelle qu'elle soit. Mais le problème des gens comme Macron c'est qu'ils prennent les citoyens pour des imbéciles. Or JM Le Pen avait justement fait remarquer que "les gens préfèrent l’original à la copie". Aussi en s'exprimant dans VA Macron crédibilise ce journal et son message. Les hypocrites cris d’orfraie des médias "main stream" confortent encore la position de Valeurs Actuelles tant la détestation du marais médiatique est grande dans les couches populaires. D'autres avant Macron ont tenté ce genre de fines manœuvres : Daladier en 1939 ou le chancelier Brüning en 1932. C'est cela qu'on nomme la fascisation : la droite (sous ses divers masques Parti Radical en 1939, macronisme en 2019) s'empare des thématiques du fascisme espérant élargir sa base de masse qui s'étiole du fait de sa politique et ce faisant elle prépare le terrain au fascisme qui sort crédibilisé et renforcé par la droite elle-même : résultat tout ce beau monde s'allie et gouverne au grand profit du capital et en écrasant la gauche.

Macron pour en rajouter une couche a eu une drôle d'expression pour qualifier la manifestation du samedi 19 octobre, place de la République à Paris, protestant contre la chasse aux mères voilées : "c'était du tiers-mondisme non aligné aux relents marxistes." Définition de Relent : Mauvaise odeur qui persiste. Trace, soupçon. Alors là Macron, relent pour relent, je préfère celui des marxistes Tillon ou Frachon à celui de votre "grand soldat" et je vous laisse donc le relent de Pétain que vous semblez tant apprécier.

Antoine Manessis.